Côte d’Ivoire. Un chef de milice accusé de crimes contre l’humanité doit être détenu conformément à la loi

Les autorités ivoiriennes doivent transférer l’ancien chef de milice, Charles Blé Goudé, qui est accusé de crimes contre l’humanité, vers un lieu de détention légalement reconnu et autoriser ses proches et ses avocats à le rencontrer, a déclaré vendredi 17 janvier Amnesty International. Charles Blé Goudé, qui a soutenu l’ancien président Laurent Gbagbo, est détenu depuis un an dans un lieu de détention placé sous le contrôle du ministère de l’Intérieur pour des charges relatives aux violences post-électorales de 2010-2011. « Empêcher Charles Blé Goudé de voir ses avocats ne sert pas la cause de la justice pour les victimes des crimes dont il est accusé », a déclaré Gaëtan Mootoo, chercheur sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International. « Les autorités doivent au contraire veiller à ce que toute procédure judiciaire engagée contre lui soit transparente et équitable afin que les victimes et leurs proches puissent obtenir la justice auxquelles elles ont droit » Depuis son arrestation au Ghana et son transfert en Côte d’Ivoire, Blé Goudé s’est vu refuser un accès régulier à ses proches et avocats. Ses avocats n’ont été autorisés à le voir qu’une seule fois, en août 2013. En décembre de la même année, les autorités n’ont pas accédé à une demande d’Amnesty International de lui rendre visite. Au cours des dernières années, Amnesty International a recensé des cas de torture et de détention au secret contre des partisans réels ou présumés de l’ancien président Laurent Gbagbo à la Direction de la surveillance du territoire (DST), un lieu relevant du ministère de l’Intérieur où est détenu Charles Blé Goudé. « La détention de Charles Blé Goudé à la DST constitue une violation flagrante du droit international et national. Nul ne doit être détenu dans un lieu de détention non officiel, sans accès à un avocat », a déclaré Gaëtan Mootoo. Outre les procédures judiciaires ouvertes à l’encontre de Charles Blé Goudé au niveau national, la Cour pénale internationale (CPI) a émis un mandat d’arrêt à son encontre, pour crimes contre l’humanité, y compris meurtres et viols, violence sexuelle, persécution et autres actes inhumains. Le 13 janvier 2014, la Côte d’Ivoire a demandé aux juges de la CPI un sursis de trois mois avant de remplir son obligation d’exécuter le mandat d’arrêt et livrer Charles Blé Goudé. Les juges de la CPI peuvent autoriser un tel report afin de permettre la clôture des procédures judicaires ouvertes à son encontre devant la justice ivoirienne. Dans cette demande, les autorités ivoiriennes se sont engagées à accélérer les poursuites judiciaires contre Blé Goudé au cours du premier semestre de l’année 2014 « Si les juges de la CPI accordent ce sursis, les autorités ivoiriennes doivent rapidement achever l’enquête et – en cas de preuves suffisantes – poursuivre en justice Blé Goudé et le remettre à la CPI », a déclaré Gaëtan Mootoo. Complément d’information Près de trois ans après la fin de la crise post-électorale qui a fait près de 3 000 morts, des partisans avérés ou supposés de l’ancien président Laurent Gbagbo continuent d’être victimes de violations des droits humains, telles que des détentions prolongées sans procès et une absence d’accès régulier à leurs proches et leurs avocats. Au cours des deux dernières années, Amnesty International a recensé des centaines de cas de personnes qui ont été placées en détention pendant des mois sans avoir accès à leurs proches ou leurs avocats en raison de leur soutien réel ou présumé à l’ancien président Gbagbo. Les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI, armée nationale) et la police militaire se sont rendues responsables de nombreuses violations des droits humains en arrêtant et détenant des individus en dehors de tout cadre légal, sur des bases souvent ethniques et politiques. Ces exactions ont été rendues possibles par la prolifération de lieux de détention non reconnus comme tels où des personnes soupçonnées de tentative d’atteinte à la sûreté de l’État ont été détenues au secret, parfois pendant de longues périodes et dans des conditions inhumaines et dégradantes. Beaucoup ont été torturées et certaines ont été remises en liberté contre le paiement de rançons. Au niveau national, la justice ivoirienne n’a ouvert d’enquêtes sur des allégations de crimes qu’à l’encontre des partisans réels ou supposés de Laurent Gbagbo alors que, à la connaissance d’Amnesty International, aucun des auteurs des violations postélectorales commises par les forces de sécurité n’a eu à répondre de ses actes. L’ancien président Laurent Gbagbo a été transféré à la CPI à La Haye en novembre 2011, afin d’y répondre de chefs d’inculpation relatifs à des crimes contre l’humanité. La CPI devrait prendre une décision relative à ces charges dans le courant 2014. L’ex-Première Dame, Simone Gbagbo, a également été inculpée de crimes contre l’humanité. Toutefois, elle n’a pas encore été remise à la CPI en raison d’une exception d’irrecevabilité soulevée par les autorités ivoiriennes.