Les femmes d’Albanie méritent que justice leur soit rendue

… C’est normal… dans notre pays, les femmes se font battre par leur mari… ton mari rentre à la maison de mauvais humeur et il te frappe.Témoignage entendu au procès d’un homme dont l’épouse a été acculée au suicide par la violence domestique

Amnesty International demande instamment aux autorités albanaises de prendre de nouvelles mesures pour protéger les femmes de la violence domestique et veiller à ce que la loi de 2007 soit pleinement appliquée.

Le rapport Ending domestic violence in Albania: The next steps, rendu public le 25 mars, salue les progrès réalisés depuis l’adoption de la loi mais demande également que la violence domestique soit considérée comme un délit à part entière et traité de la même manière que d’autres formes de violences graves.« Beaucoup plus de femmes ont suffisamment confiance aujourd’hui pour dénoncer aux autorités les violences dont elles sont victimes ; des centaines de femmes ont demandé à bénéficier d’une ordonnance de protection, en application de la nouvelle loi », a déclaré Sian Jones, responsable des recherches sur l’Albanie au sein d’Amnesty International.« Toutefois, les autorités doivent prendre davantage de mesures concrètes pour faire appliquer pleinement la loi. »Environ une femme albanaise sur trois est victime de violence domestique mais de nombreux cas ne sont pas signalés en raison de la peur et des préjugés. Parler de cette question reste tabou, notamment dans les zones rurales.En août 2009, Luli a demandé la protection de la police après avoir été jetée à la rue avec son bébé par son mari, dans la ville de Durres. Son mari la battait souvent lorsqu’il était ivre au cours de leurs trois années de mariage. Sa mère a refusé qu’elle revienne vivre dans la maison familiale et Luli a passé trois jours à l’hôpital avant qu’on lui trouve un hébergement dans une autre ville.« Les femmes doivent dénoncer la violence. Elles ne doivent pas vivre avec pendant si longtemps ; elles ne doivent permettre à personne de les dévaloriser », a déclaré Luli, 26 ans, à Amnesty International.Depuis l’adoption de la Loi sur la violence domestique le 1er juin 2007, il y a eu une augmentation significative des cas de violences domestiques signalés. En 2007, la police albanaise aurait enregistré 274 cas de violence domestique. Entre janvier et septembre 2009, quelque 993 cas ont été signalés.Plus d’un millier de femmes dans toute l’Albanie se sont adressées à la justice pour demander à bénéficier d’une ordonnance de protection face à des partenaires violents.Cependant beaucoup de femmes sont revenues sur leur demande sous la pression des auteurs de violences ou de leur famille, en raison de leur dépendance économique à l’égard de l’auteur des violences, ou par manque de confiance dans la capacité de la police à les protéger efficacement.Amnesty International appelle les autorités à améliorer les procédures et à augmenter les moyens mis à la disposition de la police, des procureurs et des magistrats afin d’assurer une application effective des ordonnances de protection.La police ne dispose pas de suffisamment de moyens et les policiers n’ont pas toujours reçu de formation concernant la mise en application des ordonnances de protection. Les juges se montrent souvent réticents à ordonner l’expulsion d’un partenaire violent du foyer familial. La pénurie de logements, d’emplois et la faiblesse des revenus signifient que la personne qui quitte le domicile se retrouve le plus souvent à la rue.« Les victimes de violence domestique sont abandonnées à leur sort par les autorités. En l’absence d’action coordonnée par les autorités, elles ne peuvent souvent pas trouver d’hébergement ni obtenir de soins médicaux, bénéficier de services sociaux ou d’un logement décent », a déclaré Sian Jones.« En outre, les autorités doivent s’attaquer à la discrimination dont sont victimes les fillettes et les femmes dans le domaine de l’éducation et de l’emploi, discrimination qui les empêche d’accéder à l’indépendance économique. »Voir: Albania: Violence against women in the family: “It’s not her shame”