Expulsions forcées au Cambodge : des maisons rasées, des vies en ruines

« J’ai perdu ma maison, tout le riz qu’on avait et des objets personnels comme des vêtements et des ustensiles de cuisine. Toutes les maisons ont été incendiées et détruites par les pelleteuses et les bulldozers. Ils ont gardé les tôles ondulées et les planches de bois encore bonnes pour eux-mêmes. Ils ont même pris les jarres pour l’eau et ont volé les poulets et les canards. Ils n’étaient jamais venus pour nous expulser comme ça avant. »

Une villageoise à Sihanoukville, qui a perdu sa maison le 20 avril 2007

Amnesty International a déclaré ce lundi 11 février que les expulsions forcées étaient l’une des atteintes aux droits humains affectant le plus les Cambodgiens, à la fois dans les zones rurales et dans les zones urbaines. Au moins 150 000 Cambodgiens à travers le pays risquent aujourd’hui d’être expulsés de force de leurs maisons et de leurs terres en raison de litiges fonciers, de l’accaparement des terres ou de projets de développement.

En opposition flagrante avec les discours du gouvernement qui prône une politique en faveur des plus pauvres et en violation des normes internationales et du droit international relatifs aux droits humains, des milliers de personnes, les plus pauvres notamment, ont  été expulsées de leurs maisons et de leurs terres, écrit Amnesty International dans un nouveau rapport Rights razed – Forced evictions in Cambodia, rendu public ce lundi 11 février 2008.

Non seulement les autorités cambodgiennes ne protègent pas la population contre les expulsions forcées – ni en droit ni en pratique – mais elles sont activement impliquées dans ces pratiques illégales.

« Les autorités ont pris une part active aux démolitions de villages et aux incendies volontaires de maisons ; elles ont contribué à mettre de pauvres gens à la rue sans respecter aucune procédure, sur ordre de ceux qui exercent le pouvoir économique et politique, a déclaré Catherine Baber, directrice du programme Asie-Pacifique d’Amnesty International. Il est clair que les lois qui seraient applicables sont rarement respectées ou le sont de façon arbitraire et que les autorités ne protègent pas les droits fondamentaux des personnes affectées par les expulsions forcées. »

Le rapport  montre que les populations affectées n’ont pas été consultées avant les expulsions, qu’elles n’ont reçu que peu ou pas d’informations sur les expulsions qui étaient prévues et qu’elles n’ont pas eu accès à un relogement adéquat. En outre, elles n’ont pas pu intenter d’action en justice. Les exemples cités dans le rapport montrent également que, contrairement à ce que prévoit le droit international relatif aux droits humains, les autorités avaient opté pour les expulsions bien avant que d’autres solutions n’aient été explorées.

« Si le gouvernement cambodgien ne prend pas immédiatement des mesures efficaces pour faire en sorte que sa population, particulièrement la frange la plus pauvre, soit protégée contre les expulsions forcées, son programme affiché de réduction de la pauvreté apparaîtra comme vide de sens. Il faut que le Cambodge mette fin de toute urgence aux expulsions forcées », a déclaré Catherine Baber.

Amnesty International appelle le gouvernement cambodgien à : –    mettre fin à toutes les expulsions forcées et décréter un moratoire sur toutes les expulsions collectives tant que des lois et des politiques n’auront pas été mises en place qui soient conformes aux normes internationales et au droit international relatifs aux droits humains en matière d’expulsions ; –    veiller à ce que les victimes d’expulsions forcées aient accès au moins au minimum essentiel en termes d’hébergement, d’accès à une eau propre, à des sanitaires, aux services de santé et d’éducation, y compris à travers une aide humanitaire si nécessaire ; –    se soumettre à ses obligations au regard du droit international relatif aux droits humains en donnant aux personnes affectées par les expulsions l’occasion de participer réellement aux consultations.

Complément d’information Une expulsion forcée est « l’éviction permanente ou temporaire, contre leur volonté et sans qu’aucune protection juridique ou autre appropriée ait été assurée, de personnes, de familles ou de communautés de leurs foyers ou des terres qu’elles occupent », selon le Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Les expulsions forcées ont été reconnues par la Commission des droits de l’homme des Nations unies comme une violation flagrante des droits fondamentaux de la personne ; comme dans les exemples auxquels il est fait référence, ces expulsions s’accompagnent souvent d’autres atteintes aux droits humains.

En tant qu’État partie au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC) ainsi qu’à d’autres traités internationaux relatifs aux droits humains interdisant les expulsions forcées et les atteintes aux droits humains qui en découlent, le Cambodge a obligation de mettre un terme aux expulsions forcées et de protéger sa population de telles expulsions.