Colombie. Les membres d’une communauté de paix rentrent chez eux trois ans après un massacre

Amnesty International a exhorté ce mercredi 20 février le gouvernement colombien et les groupes armés impliqués dans le conflit interne en Colombie à respecter le droit des membres de la Communauté de paix de San José de Apartadó de regagner leur village de Mulatos en toute sécurité, trois ans après le massacre du 21 février 2005 qui avait contraint plusieurs d’entre eux à quitter leurs terres.

« Dans toute la Colombie, des populations sont précipitées dans un conflit qui a tué et soumis à des disparitions forcées des dizaines de milliers de civils, et en a déplacé des millions d’autres, a déclaré Susan Lee, directrice du programme Amériques d’Amnesty International. Le gouvernement colombien doit veiller à ce que le droit de la population de ne pas se trouver mêlée à ce conflit meurtrier soit protégé. »

« Nous sommes extrêmement inquiets pour la sécurité des hommes, des femmes et des enfants qui vont retourner à Mulatos, notamment en raison des exactions commises précisément lorsque la communauté avait essayé dans le passé de se réinstaller sur des terres abandonnées. »

 Le village de Mulatos fait partie de la Communauté de paix de San José de Apartadó, dans le département d’Antioquia, dans le nord-ouest de la Colombie. Au cours des dix dernières années, la communauté de paix a exhorté tous les combattants à respecter son droit à ne pas être impliquée dans le conflit. Depuis sa création en 1997, plus de 160 de ses membres ont été tués ou ont été victimes de disparitions forcées, la plupart aux mains des paramilitaires soutenus par l’armée ou aux mains des forces de sécurité, mais également de la guérilla.

Le 21 février 2005, huit membres de la communauté de paix, parmi lesquels un dirigeant reconnu, Luis Eduardo Guerra, trois enfants âgés de deux, six et onze ans et une jeune fille de dix-sept ans ont été tués et leurs corps mutilés. Plusieurs de ces homicides ont eu lieu près de Mulatos.

L’information judiciaire a laissé entendre que les meurtres avaient été perpétrés par des membres des forces de sécurité en coordination avec des paramilitaires, en dépit des efforts des autorités colombiennes pour attribuer le massacre à la guérilla.

« Nous saluons les avancées de l’information judiciaire ouverte sur le massacre de 2005, a déclaré Susan Lee. Mais il est extrêmement décevant qu’il n’y ait pas eu de progrès dans l’instruction sur la responsabilité de l’ensemble de la hiérarchie dans cette affaire, ni d’enquête sur les plus de 160 autres homicides perpétrés contre des membres de la communauté de paix. »

En dépit de leur démobilisation supposée, les paramilitaires poursuivraient leurs activités dans la région de San José de Apartadó, selon les informations reçues par Amnesty International. L’organisation continue de recevoir aussi de nombreux témoignages faisant état de violations des droits humains commises par les forces de sécurité, souvent avec la complicité des paramilitaires.

Le 23 décembre 2007, Maria Margarita Giraldo Usuga, membre de la communauté de paix, aurait été enlevée par des militaires à Arenas Bajas. Elle a ensuite été tuée et l’armée a affirmé qu’elle appartenait à la guérilla et qu’elle était morte en combattant. Selon certaines informations, son corps portait des marques de torture.

Le 6 janvier 2008, des membres de l’armée auraient menacé de tuer des proches de Margarita s’ils ne reconnaissaient pas publiquement qu’elle était membre de la guérilla. Les membres de la famille de Margarita ont refusé et l’armée leur aurait alors dit de quitter la zone s’ils ne voulaient pas être tués par les forces paramilitaires.

La Cour interaméricaine des droits de l’homme de l’Organisation des États américains et la Cour constitutionnelle de Colombie ont appelé les autorités colombiennes à garantir la sécurité de la communauté de paix et les ont exhortées à davantage d’efforts pour traduire en justice les responsables des attaques contre cette communauté. Les autorités colombiennes semblent toutefois n’avoir pris que très peu de mesures en réponse à ces injonctions.