Amnesty International s’est inquiétée ce lundi 21 janvier de ce qu’une vague de répression frappait en ce moment les journalistes au Tchad, où le gouvernement continue de se battre contre les mouvements armés d’opposition, en particulier dans l’est du pays.
Les journalistes qui couvrent le conflit sont de plus en plus souvent accusés de sympathie avec les mouvements armés de l’opposition et sont taxés d’« ennemis de la nation » lorsqu’ils expriment des critiques à l’égard des autorités tchadiennes.
« Le gouvernement tchadien contrôle strictement la liberté de parole et de la presse et cette emprise s’est resserrée dangereusement au cours des dernières semaines », a déclaré Tawanda Hondora, directeur adjoint du programme Afrique d’Amnesty International.
« Les journalistes tchadiens sont la cible de manœuvres d’intimidation, de harcèlement et d’arrestations sans mandat et ce phénomène s’accentue quand le gouvernement est critiqué au sujet, en particulier, de sa conduite dans le conflit armé en cours dans l’est du Tchad. »
Depuis le début de l’année 2000, les mouvements armés d’opposition tchadiens mènent une guerre de peu d’intensité contre le gouvernement. Le conflit a été exacerbé par l’arrivée de milliers de réfugiés en provenance du Soudan depuis 2003, et par les changements constitutionnels controversés de 2005 qui ont permis au président Idriss Deby d’être réélu pour un troisième mandat en 2006.
Keletété Dono, dirigeant du Parti libéral du Tchad, a été arrêté sans mandat le 17 janvier par la police tchadienne. Quelques jours auparavant, il avait exprimé son inquiétude au sujet de la politique du président Deby dans le conflit de l’est du Tchad, lors d’un entretien accordé à la station de radio FM Liberté. Il a été libéré sous caution.
La veille, le 16 janvier, une dizaine de policiers avait fait irruption dans les bureaux de FM Liberté, demandant à parler au directeur de la station Djekourninga Kaoutar Lazare, qui n’était pas là. La police a fermé la station et arrêté illégalement le coordonnateur des programmes, Maji-Maji Oudjitan. Le directeur a été illégalement arrêté. Au cours de la semaine qui avait précédé, FM Liberté avait diffusé plusieurs émissions sur le conflit armé dans l’est tchadien et la corruption au sein de la police. Le 7 janvier, un journaliste de FM Liberté avait été intimidé et menacé par un agent des forces de sécurité alors qu’il revenait chez lui après le travail. L’agent lui aurait dit de cesser de faire état de manœuvres de harcèlement à l’encontre de Mikael Didama, journaliste très critique à l’égard des activités du gouvernement dans l’est du pays. Le 31 octobre 2007, des hommes armés avaient fait irruption au domicile de Mikael Didama, directeur du journal Le temps. Ils avaient tiré une rafale de balles sur sa voiture avant de partir.
Le journaliste Nadjikimo Benoudjita, rédacteur en chef de l’hebdomadaire Notre temps, a été arrêté le 14 décembre, chez lui, à six heures du matin, par un groupe de plus d’une dizaine de policiers. Aucune explication ne lui a été donnée et aucun mandat d’arrêt ne lui a été présenté. Le 17 décembre, il a été inculpé d’incitation à la haine tribale en relation avec la publication d’un article critique à l’égard de la politique du président Deby dans l’est du pays. Libéré par la suite, il a été de nouveau cité à comparaître à la fin du mois de janvier.
À la mi-décembre, le ministre tchadien de l’intérieur Ahmat Mahamat Bachir a agressé verbalement les journalistes indépendants et les organisations de défense des droits humains, en menaçant de mettre fin à leurs activités s’ils continuaient de critiquer la politique et les interventions du gouvernement tchadien dans l’est du pays. Il a fait cette intervention lors d’une conférence de presse convoquée à l’issue de combats acharnés entre l’armée et l’opposition armé dans l’est du Tchad.
« Le gouvernement tchadien se sent de toute évidence de plus en plus menacé par la couverture indépendante de ses interventions dans le cadre du conflit avec l’opposition armée, en particulier dans l’est du Tchad, et il reporte son anxiété sur les médias du pays », a déclaré Tawanda Hondora. Nous demandons instamment au gouvernement de cesser de harceler les journalistes, d’enquêter immédiatement sur les attaques dont ont fait l’objet les médias et de déférer à la justice les responsables de ces agissements. »