Amnesty International a révélé le mardi 18 décembre 2007 que des exécutions secrètes avaient eu lieu dans les prisons du Nigéria, malgré de récentes assurances du gouvernement selon lequel le Nigéria n’avait pas procédé à des exécutions « depuis des années ».
L’organisation de défense des droits humains a découvert des éléments prouvant qu’au moins sept exécutions ont eu lieu ces deux dernières années, et craint que d’autres encore ne se soient produites. Toutes ces exécutions ont eu lieu par pendaison.
Les personnes exécutées ont été condamnées par un tribunal de l’État de Kano puis envoyées dans des prisons dans tout le pays, notamment celles de Jos, Kaduna et Enugu. Les ordres d’exécution ont tous été signés par l’actuel gouverneur de l’État de Kano, Malam Ibrahim Shekarau.
« Le gouvernement nigérian a trompé le monde – et il doit désormais faire la lumière sur son bilan en matière de peine de mort, établir un moratoire immédiat sur toutes les exécutions dans le pays, et ouvrir une enquête exhaustive pour déterminer comment ces exécutions ont pu se produire », a déclaré Erwin van der Borght, directeur du programme Afrique d’Amnesty International.
Parmi les cas découverts par Amnesty International figurent les suivants :
le 30 mai 2006, Kenneth Ekhone et Auwalu Musa ont été exécutés par pendaison à la prison centrale de Kaduna. Ils avaient été jugés et condamnés par un tribunal pour vol et usage d’armes à feu, mais n’avaient pas eu d’avocat pendant l’intégralité du procès. Les deux accusés n’ont pas eu non plus la possibilité d’interjeter appel. Jusqu’à sa mort, Auwalu Musa a nié toute implication dans le crime dont il était accusé ; le 15 juin 2006, Salisu Babuga a été transféré de la prison de Kaduna à celle de Jos, où il a été pendu ; quatre personnes au moins ont été pendues à la prison d’Enugu en 2006.Amnesty International croit savoir en outre qu’au moins une exécution a eu lieu à la prison de Port Harcourt. L’organisation poursuit ses recherches pour confirmer le nom des personnes exécutées et la date de leur exécution.
Le 15 novembre 2007, un représentant du gouvernement nigérian auprès des Nations unies a évoqué la peine de mort au Nigéria. Il a déclaré : « le châtiment ne vient qu’après l’épuisement de tous les processus juridiques et judiciaires, notamment le recours à la cour suprême du pays […] Il est donc avéré que nous n’avons procédé à aucune exécution au Nigéria ces dernières années. »
« Il est inexcusable qu’un gouvernement induise en erreur sur un sujet aussi grave que la suppression d’une vie humaine, et nous sommes choqués de ce qui semble être une tentative du gouvernement nigérian de tromper délibérément la communauté internationale », a conclu Erwin van der Borght.
Complément d’information
Sept cents prisonniers environ se trouveraient dans le couloir de la mort au Nigéria. Jusqu’à présent, il était généralement admis qu’aucune exécution n’avait eu lieu depuis 2002. Plus de 200 prisonniers attendent dans le couloir de la mort depuis plus de dix ans, certains depuis plus de vingt-cinq ans.
Un grand nombre des condamnés à mort l’ont été par les Tribunaux pour vol et usage d’armes à feu, sous le régime militaire. Les accusés n’avaient pas le droit d’interjeter appel. Après 1999, la compétence judiciaire était censée être restituée aux hautes cours d’État, avec le droit d’appel. Cependant, dans de nombreux cas, les prisonniers n’ont pas été informés de ce droit, ou n’avaient pas l’avocat ou l’argent nécessaires pour interjeter appel, et ne l’ont donc jamais fait. Certains condamnés ont pu interjeter appel au moment de leur condamnation à mort mais leur affaire n’a jamais été entendue par un tribunal. Comme ces condamnés n’ont pas d’avocat, l’État aurait dû leur fournir une aide juridique pour suivre leur affaire.
Un groupe national d’étude sur la peine de mort établi par le gouvernement en 2004 a reconnu qu’un « système qui peut prendre la vie doit d’abord rendre la justice », recommandant ainsi un moratoire sur la peine de mort « jusqu’à ce que la justice pénale nigériane puisse assurer l’équité fondamentale et le respect d’une procédure régulière dans les affaires où les accusés encourent la peine de mort, et minimiser le risque que des innocents soient exécutés. »
Une commission présidentielle sur la réforme de l’administration de la justice a repris cette conclusion en mai 2007, demandant un moratoire officiel sur les exécutions jusqu’à ce que la justice puisse assurer l’équité fondamentale et une procédure régulière pour le jugement des crimes passibles de la peine capitale. La commission présidentielle concluait : « le gouvernement fédéral et, de fait, les gouvernements des États ne peuvent plus ignorer ce problème, inhérent depuis longtemps à notre système de justice pénale. »
Les deux commissions ont souligné que les prisonniers du couloir de la mort étaient « presque tous pauvres et sans représentation juridique. »
L’article 14(5) du Pacte international relatif aux droits civils et politiques dispose : « Toute personne déclarée coupable d’une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi. »
Le 18 décembre, l’Assemblée générale des Nations unies va voter pour réaffirmer la résolution appelant à un moratoire sur les exécutions qui a été approuvée, le 15 novembre, par la Troisième Commission de l’Assemblée générale .