États-Unis. La destruction de vidéos d’interrogatoires peut avoir eu pour objectif de masquer des infractions gouvernementales

La destruction par les Services de renseignements (CIA) d’enregistrements vidéos d’interrogatoires auxquels ont été soumis deux détenus « de grande valeur » en 2002 relève de l’entrave à la justice et de la dissimulation de preuve. Parmi les cassettes détruites figure l’enregistrement vidéo de l’interrogatoire d’Abu Zubaydah qui, selon des informations fiables, aurait été soumis à un simulacre de noyade.  Le simulacre de noyade est une forme de torture, tandis que les autres techniques dont il a été reconnu qu’elles avaient été utilisées par la CIA s’apparentent à des tortures ou autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Les détenus dont les interrogatoires ont été filmés ont en outre fait l’objet d’une disparition forcée, ce qui constitue un crime au regard du droit international. Dissimuler les preuves d’un crime constitue en soi une infraction pénale. Le directeur de la CIA, le général Michael V. Hayden, aurait reconnu la destruction des cassettes après que les médias eurent prévenu ses services que ces faits allaient être révélés au public. Dans un message au personnel de la CIA, le général Hayden a déclaré que les cassettes avaient été détruites en 2005 pour éviter, si elles étaient rendues publiques, d’exposer les agents des services de renseignements aux « représailles d’Al Qaïda et de ses sympathisants ».  Amnesty International tient à souligner quant à elle que si ces cassettes contenaient des éléments prouvant des agissements criminels elles auraient exposé les personnes impliquées à des poursuites. La destruction de ces enregistrements vidéos s’inscrit dans la politique du gouvernement consistant à éliminer toute responsabilité pénale en cas de violations des droits humains autorisées ou commises par le personnel américain, et en particulier les membres des services de renseignements des États-Unis, dans le cadre de la « guerre contre le terrorisme ». Amnesty International demande l’ouverture d’une enquête exhaustive sur le programme de détention et d’interrogatoire de la CIA, en insistant sur la nécessité que ces investigations portent aussi sur la destruction des enregistrements vidéos. Tous les documents et autres éléments concernant l’autorisation de ce programme et le traitement des personnes détenues devraient être rendus publics. Les photographies d’Abou Ghraïb, révélées à l’issue d’une « fuite », ont montré que les éléments attestant de l’existence de tortures et d’autres formes de mauvais traitements pouvaient montrer la réalité qui se cache derrière l’assurance donnée par le gouvernement que tous les détenus sont traités humainement.  Selon certaines informations, les cassettes de la CIA contenaient un enregistrement vidéo de l’interrogatoire, en 2002, d’Abu Zubaydah et d’une autre personne soupçonnée d’être un membre important d’Al Qaïda, qui n’est pas identifiée dans les documents publics disponibles. Abu Zubaydah aurait été arrêté au Pakistan en mars 2002 et envoyé dans un centre de détention secret (« site noir ») en Thaïlande. Il y aurait été soumis à des mauvais traitements s’apparentant aux termes du droit international à des actes de torture : détention dans un lieu tenu secret ; détention au secret pendant trois ans et demi ; nudité imposée ; froids extrêmes ; isolement ; musique assourdissante ; longue période dans une cage ne permettant pas au détenu de se mettre debout ; simulacre de noyade. Au bout de trois ans et demi de détention secrète, Abu Zubaydah a été transféré à la base navale américaine de Guantánamo, à Cuba, avec 13 autres personnes qui avaient également été détenues par la CIA. Lorsqu’il a été entendu le 27 mars 2007 par le tribunal d’examen du statut de combattant, Abu Zubaydah a fait état de « mois de torture » pendant sa période de détention secrète. Cette audience s’est déroulée à huis clos au motif qu’Abu Zubaydah disposait d’informations détaillées sur le programme de détention de la CIA, telles que les techniques d’interrogatoire, les conditions d’isolement et les lieux de détention, qui sont classées secrets d’État.  Les informations qu’il a fournies au tribunal sur les tortures alléguées proviennent du relevé d’audience ne relevant pas du secret d’État.   À la connaissance d’Amnesty International, aucune enquête n’a été menée sur les allégations de torture qu’ont faites Abu Zubaydah et d’autres personnes détenues dans le cadre du programme de la CIA. Leurs obligations aux termes des traités internationaux impliquent que les États-Unis veillent à ce qu’une enquête impartiale soit menée sur toutes les allégations de torture ou d’autres formes de traitements cruels, inhumains ou dégradants. Tout cas de disparition forcée doit également faire l’objet d’une enquête exhaustive dans les meilleurs délais. Toute personne soupçonnée d’avoir autorisé de telles violations des droits humains, d’en avoir été complice ou d’y avoir participé devrait être déférée à la justice dans le cadre d’une procédure conforme aux normes internationales d’équité.  Amnesty International a écrit au président George W. Bush et d’autres responsables le 26 septembre 2007 lorsque le président a de nouveau autorisé par décret le programme de détention de la CIA. L’organisation soulignait dans son courrier qu’en autorisant les détentions dans les mêmes conditions qu’auparavant, c’est à dire en cachant le sort et le lieu de détention des détenus, le président autoriserait de nouveau la pratique des disparitions forcées, qui viole le droit international.  Amnesty International n’a pas reçu de réponse à ce courrier. En juin 2007, Amnesty International et cinq autres organisations de défense des droits humains ont publié une liste de plus d’une trentaine d’individus qui auraient arrêtés dans le cadre du programme de la CIA mais dont le sort et le lieu de détention demeurent inconnus. Pour de plus amples informations, veuillez consulter les documents suivants : – USA: Law and executive disorder – President gives green light to secret detention program, août 2007, https://web.amnesty.org/library/pdf/AMR511352007ENGLISH/$File/AMR5113507.pdf. – Sans laisser de trace. La responsabilité des États-Unis dans les disparitions forcées de la «guerre contre le terrorisme», index AI : AMR 51/093/2007, juin 2007, https://web.amnesty.org/library/Index/fraAMR510932007