Ouganda. Le système judiciaire manque à son devoir envers les victimes de violences sexuelles

Embargo : 30 novembre 2007 00h01 TU Amnesty International accuse la justice pénale du nord de l’Ouganda d’ignorer, de nier et de cautionner tacitement la violence contre les femmes, les jeunes filles et les fillettes, alors qu’elle protège les responsables présumés. C’est ce qui ressort d’un nouveau rapport publié par l’organisation ce vendredi 30 novembre 2007, qui présente des cas individuels de femmes et de fillettes victimes d’abus sexuels dans le nord de l’Ouganda. «Le gouvernement ougandais et la communauté internationale doivent immédiatement prendre en considération l’absence totale de justice à laquelle sont en butte les femmes et les fillettes victimes de violences sexuelles, a déclaré Godfrey Odongo, chercheur d’Amnesty International à Kampala. «Dans l’immense majorité des cas, les femmes ne dénoncent pas ces violences auprès des services de police, parce qu’elles ont perdu tout espoir d’obtenir justice.» Les chercheurs d’Amnesty International se sont rendus dans cinq districts du nord de l’Ouganda : Gulu, Amuru, Kitgum, Pader et Lira. Ils se sont entretenus avec un très grand nombre de femmes, de jeunes filles et de fillettes, ainsi qu’avec leurs familles, sur la discrimination endurée dans leur quête de justice et sur la culture de l’impunité qui entoure les affaires de viol, de violence domestique, d’agression et d’autres formes de violence contre les femmes. «La violence contre les femmes est endémique dans tout l’Ouganda, a expliqué Godfrey Odongo. Mais dans le nord du pays, elle est particulièrement exacerbée par les répercussions de vingt-et-un ans d’affrontements impitoyables entre la Lord’s Resistance Army (LRA, Armée de résistance du Seigneur) et les forces gouvernementales – et la situation ne connaît pas d’embellie malgré la récente cessation des hostilités.» Les chercheurs d’Amnesty International ont recensé, parmi les violences commises contre les femmes et les fillettes, des viols, des atteintes sexuelles envers les mineures et des agressions physiques, notamment perpétrés dans les camps pour personnes déplacées, où vit encore la majorité de la population du nord de l’Ouganda. «Les terribles violences qui ont caractérisé les nombreuses années de conflit dans le nord avivent aujourd’hui encore la discrimination envers les femmes et les fillettes dans cette région, a indiqué Godfrey Odongo. Comme si cela ne suffisait pas, le système judiciaire du nord de l’Ouganda n’est absolument pas en mesure d’assurer leur protection – et permet presque toujours aux responsables de repartir libres.» D’après les témoignages des victimes, les auteurs des violences se comptent parmi les forces gouvernementales, les responsables de l’application des lois, les autorités officielles, les chefs des conseils locaux, les époux et les proches. La police répugne à enquêter sur des affaires impliquant des soldats, tandis que le droit ougandais ne considère pas le viol conjugal comme une infraction pénale – partant du principe que le consentement à l’acte sexuel est inclus dans l’acte de mariage. En outre, le problème est accentué par les insuffisances des services de police. Bien souvent, les victimes ne peuvent pas déposer devant un agent, les postes de police étant rares et très clairsemés dans le nord de l’Ouganda. De plus, les policiers exigent de l’argent pour enquêter sur une affaire, arrêter les suspects et les transférer. Les victimes doivent souvent régler des frais tels que les déjeuners des policiers durant l’enquête ou les repas des suspects pendant leur détention. Complément d’information Le conflit dans le nord de l’Ouganda a été marqué par des violences sexuelles et liées au genre contre les femmes, les jeunes filles et les fillettes, commises par la LRA et les forces gouvernementales. L’UNICEF estime que plus de 32000 enfants ont été enlevés par la LRA de 1986 à 2002 afin d’être utilisés comme enfants soldats et esclaves sexuels. Les forces gouvernementales ougandaises se sont elles aussi livrées à des viols en masse. Compte tenu de la nature et de l’ampleur des crimes commis, la Cour pénale internationale (CPI) a émis des actes d’inculpation et décerné des mandats d’arrêt contre de hauts commandants de la LRA pour crimes contre l’humanité, notamment pour la réduction en esclavage sexuel, le viol, la mutilation et l’enlèvement de jeunes filles.