Venezuela. Des entreprises de la tech créent un dangereux précédent avec une application de dénonciation des manifestant·e·s antigouvernementaux

Réagissant aux informations indiquant que l’application soutenue par le gouvernement vénézuélien a été mise à jour pour permettre aux utilisateurs·trices de signaler les personnes qui expriment leur désaccord avec le gouvernement actuel au lendemain de la réélection contestée du président Nicolas Maduro, Matt Mahmoudi, responsable de l’Initiative Silicon Valley d’Amnesty International, a déclaré :

« Le fait que cette application a été revue pour intégrer cette nouvelle fonctionnalité et que les plateformes technologiques l’ont ensuite rendue largement disponible soulève la question suivante : ces entreprises respectent-elles leurs responsabilités en matière de droits humains ?

« Si c’était le cas, elles auraient évalué le risque de voir une telle application être utilisée par le gouvernement vénézuélien pour restreindre les droits des personnes à la liberté d’expression et de réunion pacifique, et aussi contribuer potentiellement à des arrestations et détentions illégales et à d’autres violations graves des droits humains.

En encourageant le signalement de manifestant·e·s et en fournissant une plateforme permettant de le faire à grande échelle, le gouvernement vénézuélien risque de violer le droit international relatif aux droits humains

Matt Mahmoudi, responsable de l’Initiative Silicon Valley d’Amnesty International

« Amnesty International a à maintes reprises réuni des informations montrant que, trop souvent, les entreprises de la tech se livrent à des pratiques qui ont des répercussions négatives sur les droits humains, sans avoir évalué de façon appropriée ces risques. Ces entreprises sont tenues de respecter le devoir de diligence et de traiter de manière adéquate tout risque potentiel, risque qui aurait dû apparaître évident dans cette affaire compte tenu du fait que le gouvernement vénézuélien réprime de longue date toute forme de dissidence. » 

Complément d’information

S’adressant à ses sympathisant·e·s la semaine dernière, le président Nicolas Maduro a encouragé les Vénézuélien·ne·s à signaler les manifestant·e·s qui remettent en question sa réélection en utilisant VenApp, qui appartient au gouvernement.

Selon des groupes de défense des droits humains, des milliers de personnes ont depuis été arrêtées et plus d’une douzaine tuées dans le cadre d’une répression postélectorale contre l’opposition.

Le Venezuela fait actuellement l’objet d’une enquête de la Cour pénale internationale pour des accusations de crimes contre l’humanité, y compris de persécution, et la mission d’établissement des faits des Nations unies sur le Venezuela a signalé la politique de répression mise en œuvre par les autorités.

VenApp a été lancée par le président Nicolas Maduro en 2022, ostensiblement pour recevoir les plaintes du public sur des questions telles que les pannes de courant et les urgences médicales.

L’application a apparemment été transformée avec des fonctionnalités supplémentaires après l’annonce de la réélection de Nicolas Maduro, pour permettre aux utilisateurs·trices de faire des signalements contre des manifestant·e·s.

Elle a depuis été retirée de Google Play et de l’App Store à la suite d’une immense vague de protestation, mais elle reste en ligne pour ceux qui l’avaient déjà téléchargée sur leurs téléphones.