Réagissant aux éléments laissant craindre l’exécution imminente en Iran de Majid Kazemi, Saleh Mirhashemi et Saeed Yaghoubi, trois manifestants d’Ispahan, après la diffusion de leurs « aveux » forcés par des médias d’État et la confirmation de leur déclaration de culpabilité et de leur condamnation à mort par la Cour suprême en dépit des préoccupations quant aux actes de torture qui leur auraient été infligés et à l’iniquité de leur procès, Diana Eltahawy, directrice adjointe pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International, a déclaré :
« Le caractère scandaleusement expéditif du procès et de la condamnation de ces manifestants à chaque étape du système judiciaire iranien, dans un contexte de recours à des “aveux” obtenus sous la torture, de graves vices de procédure et de preuves insuffisantes, est un nouvel exemple du mépris flagrant des autorités iraniennes pour le droit à la vie et le droit à un procès équitable. Dans un message audio enregistré en prison, Majid Kazemi a déclaré qu’il avait été forcé à faire de fausses déclarations dans lesquelles il se mettait lui-même en cause après que des interrogateurs l’avaient frappé, lui avaient infligé des décharges électriques, l’avaient soumis à des simulacres d’exécution et avaient menacé de le violer, d’exécuter ses frères et de harceler ses parents. »
« Le recours à la peine de mort contre ces hommes est un acte flagrant de vengeance contre une courageuse génération de manifestant·e·s qui exige sans relâche depuis sept mois le respect des droits de la population iranienne. C’est une nouvelle preuve que les autorités prennent des mesures de plus en plus violentes et extrêmes pour tourmenter et terroriser la population iranienne afin de mettre fin aux manifestations à tout prix et d’imposer le silence et la soumission par la force. »
« Face à la terrible frénésie d’exécutions de dizaines de personnes par les autorités depuis la fin du mois d’avril 2023, la communauté internationale doit prendre des mesures urgentes et audacieuses pour empêcher l’exécution de ces manifestants avant qu’il ne soit trop tard. Les autorités pénitentiaires ont indiqué à leurs proches que leur visite du 17 mai serait la dernière. La communauté internationale doit également pousser les autorités iraniennes à instaurer immédiatement un moratoire officiel sur les exécutions. Nous appelons tous les États à exercer la compétence universelle à l’encontre de tous les responsables iraniens pouvant être raisonnablement soupçonnés d’être pénalement responsables de crimes de droit international. »
CONTEXTE
Majid Kazemi, Saleh Mirhashemi et Saeed Yaghoubi ont été arrêtés en novembre 2022 après avoir participé à des manifestations dans la ville d’Ispahan, dans le contexte des manifestations dans tout le pays déclenchées par la mort en détention de Mahsa (Zhina) Amini.
D’après des sources bien informées, les trois hommes ont été soumis à des actes de torture alors qu’ils étaient soumis à une disparition forcée et ont été forcés à faire des déclarations dans lesquelles ils se mettaient eux-mêmes en cause, sur lesquelles s’est fondée toute la procédure pénale engagée contre eux. Les sources ont indiqué que des interrogateurs avaient suspendu Majid Kazemi la tête en bas et lui avaient montré une vidéo dans laquelle ils torturaient son frère, qui avait lui aussi été arrêté. Ils l’ont également soumis à des simulacres d’exécution à au moins 15 reprises en le faisant monter sur une chaise et en passant une corde autour de son cou, avant de le faire descendre au dernier moment. Pendant les jours avant le procès, ils ont menacé de tuer ses frères s’il refusait de reconnaître les accusations et d’« avouer » avoir commis les actes dont ils l’accusaient.
Dans un message audio enregistré à la prison de Dastgerd, où sont détenus les trois hommes, Majid Kazemi a déclaré : « Je jure devant Dieu que je suis innocent. Je n’avais pas d’armes sur moi. Ils [les membres des forces de sécurité] m’ont frappé et m’ont ordonné de dire que cette arme m’appartenait… Je leur ai dit que je dirais tout ce qu’ils voudraient s’ils laissaient ma famille tranquille. J’ai fait tout ce qu’ils voulaient à cause de la torture. »
Le procès des trois hommes s’est tenu entre décembre 2022 et janvier 2023 et ils ont été condamnés à mort pour « inimitié à l’égard de Dieu » (moharebeh) pour la possession présumée d’une arme à feu. Le 10 mai, les autorités ont annoncé que la condamnation des trois hommes avait été confirmée par la Cour suprême, en dépit de violations des règles de procédure, de graves vices de procédure, de preuves insuffisantes et d’allégations de torture n’ayant jamais donné lieu à des enquêtes. D’après des sources bien informées, les autorités auraient indiqué à plusieurs reprises aux proches des trois hommes avant la décision de la Cour suprême qu’ils allaient être graciés et libérés en raison de l’insuffisance des preuves contre eux.
Les familles ont été convoquées pour une visite le 17 mai, lors de laquelle les autorités pénitentiaires leur ont dit que ce serait la dernière, ce qui laisse craindre qu’ils soient exécutés dès le 18 mai au matin. Les familles ont appelé à une manifestation devant la prison de Dastgerd à 22 heures, heure de Téhéran, le 17 mai.
Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans aucune exception, indépendamment de la nature et des circonstances du crime commis, de la culpabilité ou de l’innocence ou de toute autre situation du condamné, ou de la méthode utilisée pour procéder à l’exécution, car elle bafoue le droit à la vie tel qu’inscrit à la Déclaration universelle des droits de l’Homme. La peine de mort est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.