Les autorités togolaises doivent annuler la condamnation prononcée le 15 mars 2023 contre les journalistes Ferdinand Ayité et Isidore Kouwonou, a déclaré aujourd’hui Amnesty International.
La lourde condamnation des deux journalistes, qui avaient tenu en 2021 des propos critiques envers deux ministres, porte un coup terrible à une liberté d’expression déjà au plus bas.
Fabien Offner, Chercheur au bureau d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et centrale
Le 15 mars, le tribunal de première instance de Lomé a condamné Isidore Kouwonou, rédacteur en chef du bihebdomadaire L’Alternative, et Ferdinand Ayité, directeur de publication du même journal, à trois ans de prison ferme et à trois millions de franc CFA d’amende, pour outrages envers les représentants de l’autorité publique et diffusion de fausses informations, comme l’a confirmé leur avocat à Amnesty International.
Isidore Kouwonou, Ferdinand Ayité, ainsi que Joël Vignon Egah, directeur de publication du journal Fraternité, avaient dans une émission intitulée « L’autre journal », diffusée sur Youtube le 30 novembre 2021, qualifié deux ministres du gouvernement togolais de « faux types, de voleurs, de corrompus, de détourneurs de l’argent du pays », comme indiqué dans la citation à comparaitre, consultée par l’organisation. Amnesty International rappelle que, selon les principes du droit international des droits humains, les infractions d’outrage et de propos mensongers, s’ils sont caractérisés, ne devraient pas faire l’objet de peine de prison.
Un mandat d’arrêt international a été lancé contre les deux condamnés, hors du pays au moment du procès. Amnesty International appelle les pays qui seraient concernés par ce mandat d’arrêt à ne pas l’exécuter en raison du risque élevé de détention arbitraire.
Ferdinand Ayité et Joël Vignon Egah avaient été arrêtés pour ces faits les 9 et 10 décembre 2021. Ils avaient été remis en liberté provisoire le 31 décembre de la même année. Isidore Kouwonou, qui n’avait pas été détenu, avait pour sa part été placé sous contrôle judiciaire, avec interdiction de quitter Lomé, la capitale du Togo. Joël Egah est décédé le 6 mars 2022.
Si le Code de la presse adopté en 2004 avait dépénalisé les délits de presse, celui de 2020 exclut de son champ d’application les réseaux sociaux, exposant les auteurs de publications en ligne à des peines de prison.
Amnesty appelle les autorités togolaises à protéger la liberté d’expression et la liberté d’information, conformément à la constitution et aux instruments internationaux de protection des droits humains ratifiés par le Togo, en dépénalisant tous les délits d’opinion quel que soit leur moyen de diffusion. L’organisation invite les autorités à réviser le code de la presse et la loi N° 2019-009 portant sur la sécurité́ intérieure, qui limitent les libertés d’expression et de presse sous certaines conditions afin de permettre aux journalistes d’exercer leur métier en toute sérénité.
Fabien Offner