En réaction à la requête déposée vendredi 24 février par l’Union panafricaine des avocats (UPA) auprès de la Cour de justice de l’Afrique de l’Est (CJAE) afin de tenter d’établir ce qu’il est advenu de Morris Mabior Awikjok Bak, un détracteur du gouvernement sud-soudanais qui aurait été arrêté arbitrairement ou enlevé illégalement au Kenya, renvoyé de force au Soudan du Sud et placé en détention dans ce pays au cours du mois de février, Flavia Mwangovya, directrice adjointe pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International, a déclaré :
« Nous saluons les efforts de l’UPA pour tenter, par le biais de la CJAE, de déterminer le sort de Morris Mabior Awikjok Bak, un Sud-Soudanais qui a cherché à se réfugier au Kenya en 2021. Nous appelons les autorités du Soudan du Sud à révéler sans délai où il se trouve et ce qu’il est advenu de lui.
Nous appelons les autorités du Soudan du Sud à révéler sans délai où il se trouve et ce qu’il est advenu de Morris Mabior Awikjok Bak.
Flavia Mwangovya, directrice adjointe pour l’Afrique de l’Est et l’Afrique australe à Amnesty International
« Ce qui s’est passé pour cet homme s’inscrit dans une pratique plus large du Service national de la sûreté (NSS) consistant à enlever et transférer illégalement des personnes sud-soudanaises réfugiées dans les pays voisins. Son cas rappelle le souvenir traumatisant de la disparition forcée au Kenya et de la probable exécution extrajudiciaire au Soudan du Sud de Dong Samuel Luak, avocat et militant sud-soudanais des droits humains, et d’Aggrey Ezbon Idri, membre de l’opposition politique.
« Les autorités du Soudan du Sud doivent apporter des éclaircissements sur ce qui est arrivé à Morris Mabior Awikjok Bak et le lieu où il se trouve. Elles doivent aussi garantir qu’il bénéficie d’un accès régulier à sa famille, à un avocat et à un médecin, et le libérer immédiatement s’il n’est pas inculpé d’une infraction dûment reconnue par le droit international. »
S’il n’est pas inculpé d’une infraction dûment reconnue par le droit international, les autorités sud-soudanaises doivent le libérer immédiatement
Flavia Mwangovya
Complément d’information
Le 4 février, Morris Mabior Awikjok Bak, qui a exprimé des critiques à l’égard du gouvernement sud-soudanais et du directeur général du bureau de la Sécurité intérieure du Service national de la sûreté (NSS), aurait été arrêté arbitrairement ou enlevé illégalement par des membres armés des forces kenyanes de sécurité ainsi qu’un Sud-Soudanais et une Kenyane vêtus en civil à Nairobi, au Kenya, où il réside. On pense qu’il a été renvoyé de force à Djouba, la capitale du Soudan du Sud, et qu’il est maintenu en détention au secret dans un établissement du NSS.
Le NSS possède un réseau d’espionnage qui s’étend à travers l’Afrique de l’Est, où de nombreuses personnes originaires du Soudan du Sud trouvent refuge dans des pays voisins. Depuis janvier 2017, au moins quatre hommes sud-soudanais, dont trois avaient le statut de réfugié et se trouvaient sous la protection des autorités kenyanes, ont été enlevés illégalement et transférés au Soudan du Sud, où ils ont été maintenus en détention prolongée dans le centre de détention du NSS connu sous le nom de « Blue House ». Selon certaines sources, deux d’entre eux ont été victimes d’une exécution extrajudiciaire.
Le 3 juillet 2019, Hope for Humanity Africa et l’Union panafricaine des avocats (UPA) ont engagé une procédure contre le gouvernement sud-soudanais et la République du Kenya devant la Cour de justice de l’Afrique de l’Est (CJAE) pour l’enlèvement, la disparition forcée, le transfert illégal et/ou extraordinaire, la détention arbitraire, la torture et le meurtre présumé de Dong Samuel Luak et d’Aggrey Ezbon Idri. Cette procédure est encore en instance.
Depuis l’adoption de la Loi de 2014 relative au NSS, cet organe cumule de nombreux pouvoirs incontrôlés qui ont fait de lui l’un des principaux auteurs de violations des droits humains et le plus puissant acteur de la sécurité au Soudan du Sud. Outrepassant le mandat constitutionnel du NSS, qui limitait sa mission à « collecter des informations, les analyser et conseiller les autorités compétentes », la Loi de 2014 lui confère des pouvoirs équivalents à ceux de la police en matière d’arrestations, de détention, de perquisitions et de saisie de biens, sans que des garanties satisfaisantes soient en place. Le 21 février, plusieurs médias du Soudan du Sud ont annoncé que le président Salva Kiir Mayardit et le premier vice-président, Riek Machar, avaient accepté de limiter les pouvoirs du NSS en supprimant les articles 54 et 55 de cette loi, qui lui donnent des pouvoirs contraires à la Constitution lui permettant d’arrêter des personnes avec ou sans mandat. Cette modification, si elle était promulguée, serait un pas en avant vers la mise en conformité de la Loi sur le NSS avec la Constitution.
Amnesty International, le Groupe d’experts des Nations unies sur le Soudan du Sud, la Commission des droits de l’homme des Nations Unies sur le Soudan du Sud et d’autres organisations de défense des droits humains ont recueilli des informations sur de nombreux cas de détention arbitraire par le Service national de la sûreté (NSS) dans divers centres, où les personnes détenues sont souvent soumises à des actes de torture et d’autres mauvais traitements, et certaines maintenues au secret sans pouvoir consulter un avocat ni communiquer avec leurs proches.