La chambre de la Cour suprême du sud de la province de Gauteng, à Johannesburg, continuera d’examiner une affaire sans précédent intentée par des femmes et des enfants zambiens contre le géant minier Anglo American afin d’obtenir des réparations pour un empoisonnement au plomb, ont annoncé des organisations de défense des droits humains le 23 janvier 2023.
À l’issue de l’audience qui a débuté le 20 janvier et va durer 12 jours, la Cour décidera si elle donne suite à ce recours collectif unique en son genre qui demande que la filiale sud-africaine d’Anglo American remédie aux effets néfastes sur la santé de ses activités minières dans le district de Kabwe, en Zambie. Si l’affaire se poursuit, elle offrira une occasion unique aux habitant·e·s de Kabwe d’avoir une journée au tribunal et d’obtenir des réparations judiciaires pour les violations présumées des droits humains liées aux activités d’exploitation d’Anglo American.
Les habitant·e·s de Kabwe font preuve d’une incroyable résilience en intentant cette action en justice contre un géant minier multinational
Candy Ofime, chercheuse et conseillère Entreprises et droits humains à Amnesty International
Amnesty International et le Centre des litiges d’Afrique australe (SALC) ont été admis conjointement en tant qu’amici curiae (personnes extérieures intervenant pour éclairer la cour) en août 2022 afin d’éclairer la Cour sur les normes internationales relatives aux entreprises et aux droits humains et sur le droit constitutionnel sud-africain correspondant à l’éventuelle ouverture de poursuites dans le cadre de cette action collective. Ces deux organisations font valoir que l’Afrique du Sud est tenue de réglementer la conduite de ses entreprises au-delà de ses frontières territoriales et que la responsabilité d’Anglo American de respecter les droits humains devrait éclairer la décision de la Cour s’agissant de donner suite à cette action collective.
« Les habitant·e·s de Kabwe font preuve d’une incroyable résilience en intentant cette action en justice contre un géant minier multinational et doivent avoir la possibilité de faire valoir leurs arguments devant les tribunaux sud-africains. Les entreprises ont la responsabilité de réparer les dommages causés par leurs activités sur les droits humains. Cela commence par un accès équitable aux tribunaux », a déclaré Candy Ofime, chercheuse et conseillère Entreprises et droits humains à Amnesty International.
Cette action en justice peut créer un précédent juridique majeur et combler des lacunes importantes en termes d’obligation de rendre des comptes. Depuis des années, les organisations de défense des droits humains font résonner les appels à la justice des habitant·e·s de Kabwe au niveau international. Lors de l’audience, des représentant·e·s des procédures spéciales des Nations unies auront aussi l’occasion de présenter des déclarations juridiques concernant la responsabilité des entreprises en matière de réparation des préjudices.
Cette affaire n’est pas une action collective comme les autres. Il est important qu’elle débouche sur des poursuites non seulement pour les habitant·e·s de Kabwe, mais aussi pour toute personne dont les droits humains sont bafoués par les actions transfrontalières d’une entreprise sud-africaine
Brigadier Siachitema, responsable du pôle des droits socioéconomiques au Centre des litiges d’Afrique australe
Brigadier Siachitema, responsable du pôle des droits socioéconomiques au Centre des litiges d’Afrique australe (SALC), a souligné :
« Cette affaire n’est pas une action collective comme les autres. Il est important qu’elle débouche sur des poursuites non seulement pour les habitant·e·s de Kabwe, mais aussi pour toute personne dont les droits humains sont bafoués par les actions transfrontalières d’une entreprise sud-africaine. Les tribunaux sud-africains ont le pouvoir de compenser le déséquilibre et de combler les lacunes en matière de responsabilité qui existent dans la pratique. »
Amnesty International et le SALC sont représentés par le Centre for Applied Legal Studies (CALS) et l’avocate Karabo van Heerden dans cette affaire.
Complément d’information
En octobre 2020, les habitant·e·s de Kabwe ont engagé une action en justice au civil contre la filiale sud-africaine d’Anglo American, au nom de quelque 100 000 femmes et enfants ayant signalé souffrir de maux liés à l’exposition au plomb résultant des activités d’extraction de ce métal près de chez eux depuis environ un siècle. La décision du tribunal de confirmer l’ouverture de poursuites dans le cadre de cette action collective aura sans aucun doute des répercussions sur le droit des victimes à un recours effectif, ainsi que sur leur accès à la justice. L’action collective ne pourra passer à la phase de procès que si la chambre de la Cour suprême à Johannesburg décide de donner suite.
La mine de plomb de Kabwe – jadis connue sous le nom de « Broken Hill » – aurait été exploitée et gérée par Anglo American entre 1925 et 1974, et aurait contribué à une pollution environnementale de grande ampleur dans les villes et localités aux alentours.
Aujourd’hui, les experts décrivent Kabwe comme une « zone sacrifiée » et comme l’une des plus polluées par le plomb dans le monde. Selon des études médicales, les enfants de Kabwe ont dans le sang des taux de plomb record. Les enfants et les femmes enceintes sont particulièrement vulnérables face à la toxicité du plomb, dont on sait qu’il cause des dégâts permanents au niveau des organes internes, notamment du cerveau.
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