Alors que le Premier ministre cambodgien Hun Sen s’apprête à se rendre au Myanmar les 7 et 8 janvier, Emerlynne Gil, directrice régionale adjointe de la recherche à Amnesty International, l’a appelé à privilégier l’action en faveur des droits humains plutôt que les gestes dénués de sens :
« La diplomatie solitaire de Hun Sen pourrait faire plus de mal que de bien en se désolidarisant de la réponse de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) à la crise au Myanmar et en adressant des messages contradictoires au leader du coup d’État, le général Min Aung Hlaing, qui s’est vu interdire d’assister aux dernières rencontres de haut niveau de l’ANASE – une sanction rare.
« Si Hun Sen veut vraiment apporter son aide, il doit annuler ce voyage et amener l’ANASE à prendre des mesures fermes pour remédier à la situation désastreuse des droits humains au Myanmar, au lieu de céder à des gestes dénués de sens qui se résumeront sans doute à une séance photos imbibée d’autosatisfaction.
« En tant que nouveau président de l’ANASE, le Cambodge devrait contribuer à relancer le consensus en cinq points adopté au mois d’avril dernier qui réclamait l’arrêt immédiat des violences et s’efforcer de l’étendre à la protection des droits humains et à l’obligation de rendre des comptes pour les violations commises.
Si Hun Sen veut vraiment apporter son aide, il doit annuler ce voyage et amener l’ANASE à prendre des mesures fermes pour remédier à la situation désastreuse des droits humains au Myanmar, au lieu de céder à des gestes dénués de sens qui se résumeront sans doute à une séance photos imbibée d’autosatisfaction
Emerlynne Gil, directrice régionale adjointe de la recherche à Amnesty International
« Le cauchemar se poursuit pour les 55 millions d’habitant·e·s du Myanmar. Le mois dernier, les forces de sécurité ont été accusées d’avoir tué et brûlé plus de 30 civil·e·s, dont deux membres du personnel de l’organisation humanitaire Save the Children, dans l’État kayah, dans l’est du pays.
« La communauté internationale ne saurait se reposer uniquement sur l’ANASE alors que celle-ci a démontré à de multiples reprises qu’elle était incapable d’agir fermement afin de prévenir la répétition de telles atrocités. Le Conseil de sécurité de l’ONU doit sans délai renvoyer la situation au Myanmar devant la Cour pénale internationale et imposer des sanctions ciblées ainsi qu’un embargo total sur les armes. »
Complément d’information
Le Premier ministre cambodgien Hun Sen doit se rendre au Myanmar les 7 et 8 janvier, dans le cadre de la première visite officielle d’un chef d’État dans le pays depuis que la junte s’est emparée du pouvoir à la faveur d’un coup d’État le 1er février 2021.
Cette visite se déroule alors que le Cambodge endosse la présidence de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), qui alterne chaque année entre les 10 membres du bloc. Le Cambodge avait présidé l’ANASE pour la dernière fois en 2012.
Le consensus en cinq points élaboré par l’ANASE et adopté en avril 2021 demande l’arrêt immédiat des violences au Myanmar, l’engagement d’un dialogue entre toutes les parties concernées, l’acheminement d’aide humanitaire, la nomination d’un envoyé spécial du bloc et la visite d’une délégation de l’ANASE.
Cependant, il omet de mentionner la nécessité de protéger les droits humains et de mettre en œuvre l’obligation de rendre des comptes pour les violations commises. Ce consensus, déjà limité dans son champ d’application, est dans l’impasse.
Depuis qu’elle s’est emparée du pouvoir, l’armée du Myanmar a tué plus de 1 400 personnes et arrêté ou placé en détention plus de 10 000 personnes, dont de nombreux manifestant·e·s pacifiques. Elle a jugé de manière inique de nombreux hauts responsables civils du pays, évincés lors du coup d’État et condamnés à de lourdes peines de prison. L’ancienne dirigeante de facto Aung San Suu Kyi a été condamnée à quatre ans d’emprisonnement en décembre, pour des accusations fallacieuses portées à son encontre.