Réflexion sur l’Assemblée mondiale 2021 d’Amnesty International

Par Dumiso Gatsha 

Dumiso Gatsha figure parmi les représentant·e·s permanent·e·s des membres internationaux (2021 – 2023)

Botswana

Dumi (iel) défend fièrement son identité pan-africaine, est résolument féministe, queer et non-binaire et lutte pour faire tomber les obstacles entre le terrain et la prise de décisions à l’échelle mondiale. Dumi a fondé la Success Capital Organisation, une organisation menée et gérée par et pour des jeunes, qui œuvre à renforcer et à protéger la capacité d’action et l’autonomie des jeunes LGBTIQ+ dans les domaines des droits humains et du développement durable, tout en remettant en question le pouvoir, les privilèges et le patriarcat. Dumi est membre du Conseil consultatif mondial des jeunes d’IREX-USAID (IREX-USAID Global Youth Advisory Council) et du conseil du World Youth Movement for Democracy, et fait partie des personnes désignées par l’envoyée spéciale de l’Union africaine pour défendre la Charte africaine de la jeunesse dans le cadre de l’initiative African Youth Charter Hustlers (« Défenseur·e·s de la Charte africaine de la jeunesse »).

Le week-end dernier, a été le point culminant d’un parcours à la fois intrigant, captivant et charmant de découverte d’Amnesty International. Je me souviens de ma première participation à l’Assemblée mondiale en 2019, qui avait été marquée par d’innombrables expériences, tant positives que négatives sur le plan du militantisme, sur le plan personnel et à bien d’autres égards. L’un des points positifs les plus mémorables est d’avoir pu contribuer à la stratégie d’Amnesty, en ligne dans un premier temps, puis en personne à Johannesburg. Les webinaires #NextStrategy sur la Prochaine stratégie ont été très exaltants, et ont notamment permis de nombreux apprentissages et des échanges avec le secrétaire général de l’époque et d’autres militant·e·s brillants.

Je considère qu’il s’agit de l’apogée de mon militantisme en tant que jeune, qui a fait suite à plus de sept ans de travail à l’échelle locale. Pour une personne comme moi, queer, bipolaire, non-binaire, féministe, issue de la migration, l’accès à ces espaces n’a été possible que grâce à des programmes comme Goalkeepers Youth Action Accelerator de l’Alliance mondiale CIVICUS. Et grâce à la véritable envie de faire plus et mieux pour étendre la portée et occuper l’espace. Alors, une fois devant l’Assemblée mondiale, le cœur plein de passion, après avoir écouté de nombreuses discussions sur les politiques, la représentation au sein de la gouvernance et les défis mondiaux (et, surtout, après avoir rejoint l’engagement du Collectif de jeunes, qui a renforcé mon inspiration et ma motivation), je me suis dit que j’avais énormément de chance de me trouver dans cet espace. Mieux vaut tard que jamais.

J’ai remarqué que de nombreuses personnes avaient intégré le mouvement dans leur jeunesse. J’aurais tant aimé avoir la possibilité d’apprendre et de prendre part au mouvement des droits humains lorsque j’étais plus jeune. Cependant, comme l’a dit Wangari Maathai : « Les droits humains ne sont pas mis sur la table à la disposition des gens. Il faut se battre pour les obtenir, puis les protéger. » Si j’avais eu l’occasion de découvrir des questions de droits humains et le travail en la matière, j’aurais pu m’apercevoir bien plus tôt que ce qui m’arrivait n’était pas normal. Que les violences structurelles et diverses n’auraient pas dû être normalisées, même dans l’internat afrikaans misogyne et sexiste dans lequel je me trouvais, dans l’Afrique du Sud de l’après-apartheid.

Le week-end dernier a confirmé cela, notamment grâce aux discussions sur les questions de politiques et de lutte contre le racisme. Cela a été un parcours d’apprentissage unique sur ce que la démocratie devrait être. Faisant partie des personnes représentant les membres internationaux, je peux maintenant confortablement m’intégrer, être moi-même et évoluer avec un sentiment de sécurité au sein de ce mouvement. Les quelques membres du personnel avec qui j’ai été en contact avant d’endosser ce rôle ont été formidables. Que ce soit par les discussions que nous avons eues en marge des réunions régionales ou par leur aide pendant la pandémie de COVID-19 en ce qui concerne le renforcement de la stratégie, la consultation sur les questions liées aux jeunes et les conseils dont les autres personnes représentant les membres et moi-même avons bénéficié.

Amnesty International m’a appris que l’on peut tout à fait maintenir sa divergence tout en faisant partie d’un collectif. Qu’exister au-delà des conceptions binaires et du cadre de valeur défini par la richesse ne doit pas être un obstacle à la participation à un projet plus vaste. Que la justice sociale n’est pas nécessairement si solitaire et fondée sur les avantages pour certaines personnes. La mobilisation progressive m’a permis de m’identifier, de rencontrer d’autres membres et de mieux comprendre ce que faire partie du mouvement signifie. J’ai encore de nombreuses questions qui attendent des réponses et il me tarde d’aborder ces sujets plus vastes, avec une perspective de leadership féministe envers laquelle notre mouvement s’est engagé.

Je ressors avec un sentiment de grande admiration, que ce soit après la modération conjointe du webinaire sur la justice internationale destiné aux membres internationaux ou après découverte du travail des différentes sections et de la structure de la gouvernance. Les autres ONG et mouvements internationaux pourraient apprendre quelques éléments d’Amnesty. Après avoir assisté à deux Assemblées mondiales, dont une lors de laquelle Dikgang Moseneke, ancien vice-président de la Cour suprême sud-africaine, a fait un excellent discours, je ressens une grande joie et j’ai le sentiment d’avoir grandi un peu.

Il ne faut jamais sous-estimer le privilège que représente la possibilité de rencontrer d’autres personnes et d’apprendre d’elles. Il serait impossible de retranscrire dans un rapport de suivi et d’évaluation l’ampleur des changements qui peuvent en découler. C’est dans cet esprit que j’analyse l’Assemblée mondiale de ce week-end et mon parcours avec Amnesty : de nombreuses personnes qui vous entourent ou que vous pouvez influencer, quel que soit votre rôle, peuvent bénéficier du pouvoir d’Amnesty. D’autres victimes, personnes de couleur ou personnes démunies peuvent reprendre le flambeau de la défense des droits humains. Ces personnes peuvent s’exprimer sans être victimes de représailles, tout en continuant de faire partie d’un plus vaste mouvement qui s’adapte constamment à son époque, en apprenant, en désapprenant et en réapprenant. C’est de cette Amnesty que je veux continuer de faire partie, une Amnesty qui vit et qui plaide en faveur de ce que signifie réellement la dignité dès la naissance, par la solidarité et l’action en faveur des personnes qui n’ont pas le pouvoir.