Amnesty International annonce la fermeture de ses bureaux à Hong-Kong

Amnesty International fermera ses deux bureaux de Hong Kong d’ici à la fin de l’année, a annoncé l’organisation lundi 25 octobre.

Le bureau de la « section » locale cessera ses opérations le 31 octobre, tandis que le bureau régional – qui relève du Secrétariat international d’Amnesty – mettra la clé sous la porte d’ici la fin de l’année. Les opérations régionales seront transférées aux autres bureaux de l’organisation dans la zone Asie-Pacifique.

« C’est avec le cœur lourd que nous avons pris cette décision, motivée par la loi hongkongaise sur la sécurité nationale, qui a, de fait, rendu impossible pour les organisations de défense des droits humains de travailler à Hong Kong librement et sans crainte de graves représailles de la part du gouvernement », a déclaré Anjhula Mya Singh-Bais, présidente du Bureau exécutif d’Amnesty International.

« Hong Kong est depuis longtemps une base régionale idéale pour les organisations internationales de la société civile, mais les attaques ayant récemment pris pour cible des groupes de défense des droits humains et des syndicats sur place sont le signe d’une intensification de la campagne menée par les autorités dans le but de débarrasser la ville de toutes les voix d’opposition. Il est de plus en plus difficile pour nous de poursuivre nos opérations dans un environnement aussi instable. »

Amnesty International a deux bureaux à Hong Kong : une section locale de membres se consacrant à l’éducation aux droits humains sur l’île ; et un bureau régional qui effectue un travail de recherche, de plaidoyer et de campagne sur l’Asie de l’Est et du Sud-est, ainsi que sur le Pacifique. Le travail du bureau régional se poursuivra depuis de nouveaux sites.

« Nous devons énormément aux membres et personnels d’Amnesty qui ont travaillé inlassablement pendant plus de 40 ans afin de protéger les droits humains à et depuis Hong Kong. De notre campagne couronnée de succès en faveur de l’abolition totale de la peine de mort à Hong Kong en 1993, à notre travail ayant mis en évidence le recours excessif à la force par la police durant les manifestations de masse en 2019, la présence d’Amnesty International à Hong Kong a permis de braquer les projecteurs sur des violations des droits humains dans les périodes les plus sombres », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International.

« Dans la région, notre travail de recherche et notre action ont porté sur des sujets tels que la liberté d’expression en Corée du Nord, l’objection de conscience au service militaire en Corée du Sud, le droit au logement en Mongolie, les atrocités commises par le Japon contre les ” femmes de réconfort ” en temps de guerre, et la répression visant les avocat·e·s défendant les droits humains en Chine.

« Les programmes d’éducation proposés par Amnesty International Hong Kong – allant d’interventions dans les salles de classe à un festival du film documentaire – ont par ailleurs permis d’accroître la sensibilisation aux droits humains, non seulement dans les écoles de la ville mais également parmi le grand public. Aucune personne ni puissance ne peut détruire cette contribution. »

La loi sur la sécurité nationale, imposée par le gouvernement central chinois, a été promulguée le 30 juin 2020. Ce texte cible les actes présumés de « sécession », de « subversion de l’État », de « terrorisme » et de « collusion avec des forces étrangères ou externes dans le but de porter atteinte à la sécurité nationale ».

Sa définition générale et vague de la « sécurité nationale », calquée sur celle des autorités de Pékin, est invoquée de manière arbitraire comme prétexte pour restreindre les droits fondamentaux à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association, ainsi que pour réprimer la dissidence et l’opposition politique.


Amnesty a décrit la détérioration rapide de la situation des droits humains à Hong Kong un an après la promulgation de la loi sur la sécurité nationale, dans une synthèse de juin 2021.

« Compte tenu de l’environnement répressif et de l’incertitude perpétuelle créés par la loi sur la sécurité nationale, il est impossible de savoir quelles activités risquent de donner lieu à des sanctions pénales. Cette loi a été invoquée à de nombreuses reprises contre des personnes ayant contrarié les autorités pour une raison ou pour une autre – pour avoir chanté des chansons politiques ou débattu de questions relatives aux droits humains en classe », a déclaré Anjhula Mya Singh Bais.

« Les descentes, arrestations et poursuites à répétition contre de prétendus opposant·e·s montrent que le manque de précision de la loi peut être instrumentalisé afin de réunir des éléments à charge contre quiconque a été désigné par les autorités. »

La répression gouvernementale visant les militant·e·s, l’opposition politique et les médias indépendants s’est récemment étendue aux organisations de la société civile. Au moins 35 groupes ont disparu depuis la promulgation de la loi, notamment les plus grands syndicats et groupes militants de la ville.

« L’avenir s’annonce difficile pour les droits humains à Hong Kong, mais Amnesty International continuera de se tenir aux côtés des habitant·e·s. Nous lutterons pour que leurs droits soient respectés, et ferons preuve de vigilance face à ceux qui les bafouent », a déclaré Agnès Callamard.

« Si quitter l’île qui nous a accueillis pendant des décennies est un déchirement, nous le faisons en portant en nous la fierté de ce que nous avons accompli au cours de cette période, et tout en sachant que la force des plus de 10 millions de sympathisant·e·s d’Amnesty dans le monde nous permettra de continuer à travailler ensemble pour mettre fin aux atteintes aux droits humains partout sur la planète. »

Complément d’information

Amnesty International est un mouvement mondial de défense des droits humains qui compte plus de 10 millions de membres, et est présent dans plus de 70 pays. L’organisation demande des comptes aux gouvernements du monde entier, qui sont censés respecter les mêmes normes en vertu du droit international.

La section hongkongaise d’Amnesty mène principalement un travail de sensibilisation aux questions des droits humains sur l’île, et est essentiellement financée par les dons du public à Hong Kong.

Le bureau régional de Hong Kong – qui travaille en tandem avec un autre bureau à Bangkok – effectue un travail de recherche, de campagne et de plaidoyer à travers la région, notamment en Chine continentale, à Taiwan, au Japon, en Corée du Sud, en Corée du Nord, en Mongolie, au Myanmar, en Thaïlande, au Viêt-Nam, au Cambodge, au Laos, en Indonésie, aux Philippines, à Brunei, à Singapour, au Timor-Leste, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Papouasie-Nouvelle-Guinée et dans les îles du Pacifique.

La très grande majorité des revenus d’Amnesty provient des dons versés par des personnes dans le monde entier. Ces dons de particuliers permettent à Amnesty International de rester totalement indépendante vis-à-vis des gouvernements, des idéologies politiques, des intérêts économiques et des religions, quels qu’ils soient. Amnesty ne sollicite ni n’accepte de financements de la part de gouvernements ni de partis politiques pour ses recherches sur les droits humains.