Thaïlande. Des tirs à balles réelles sur des manifestants mineurs doivent donner lieu à une enquête de toute urgence

Les autorités thaïlandaises doivent enquêter de toute urgence sur les tirs à balles réelles qu’ont essuyés à Bangkok des manifestant·e·s, dont un mineur qui se trouve dans un état critique, a déclaré Amnesty International après la confirmation que trois manifestants mineurs avaient été blessés par des tirs à balles réelles lors d’une manifestation devant un poste de police lundi 16 août.

La mère d’un jeune manifestant âgé de 15 ans a indiqué à Amnesty International que son fils était dans le coma, et qu’il avait une balle – il s’agirait d’une balle réelle – dans la boîte crânienne. L’organisation a confirmé qu’un autre manifestant, âgé de 14 ans, avait été blessé par balle à l’épaule et qu’un troisième, âgé de 16 ans, avait reçu un tir dans le pied.

La police thaïlandaise a nié avoir utilisé des balles réelles, et il n’y a pas eu confirmation de qui a tiré.

« L’utilisation de balles réelles contre des manifestant·e·s est extrêmement préoccupante. Les autorités thaïlandaises doivent de toute urgence enquêter sur ces tirs en direction de manifestants mineurs, et en particulier sur tout recours illégal aux armes à feu », a déclaré Emerlynne Gil, directrice adjointe d’Amnesty International pour l’Asie-Pacifique.

« Le gouvernement de la Thaïlande doit également enquêter sur toutes les informations faisant état d’un recours excessif et injustifié à la force de la part de la police au cours de l’année qui vient de s’écouler, et déférer à la justice toute personne soupçonnée d’être responsable de violences physiques à l’encontre de manifestant·e·s. »

Au cours des dernières semaines, des manifestant·e·s ont afflué en grand nombre dans les rues de Bangkok et ailleurs en Thaïlande pour dire leur inquiétude sur la manière dont la pandémie de COVID-19 est gérée par les autorités, et exprimer d’autres revendications politiques. Les autorités ont accentué l’utilisation de balles en caoutchouc, de canons à eau et de gaz lacrymogène pour disperser les manifestant·e·s, y compris lors de manifestations pacifiques.

Dans un rapport récent, Amnesty International a appelé les autorités thaïlandaises à utiliser en priorité des moyens non violents tels que la négociation, la médiation et le dialogue pour désamorcer les situations pouvant donner lieu à des violences.

L’organisation a également appelé les autorités à veiller à ce que les dispositifs tels que le gaz lacrymogène ou les canons à eau ne soient utilisés que dans les situations de violences plus générales pour disperser une foule, et uniquement lorsque les autres moyens n’ont pas permis de contenir la violence.

« Des exemples récents d’opérations de maintien de l’ordre lors de rassemblements et l’impunité qui a marqué l’histoire de la Thaïlande en cas d’utilisation d’une force excessive et parfois meurtrière contre des manifestant·e·s montrent à quel point il est nécessaire que les autorités thaïlandaises changent d’approche. Si elles souhaitent réellement empêcher que des violations des droits humains ne soient commises, les autorités doivent cesser de réprimer les manifestations pacifiques et plutôt les faciliter et les protéger », a déclaré Emerlynne Gil.

« L’intervention de la police lors de manifestations, y compris celles qui ne sont pas pacifiques, doit répondre à une nécessité et être proportionnelle aux dangers pressentis. Les forces de sécurité doivent s’abstenir d’avoir recours au type de force excessive qui a été utilisé à maintes reprises lors des manifestations de 2020.

« Les autorités policières doivent protéger le droit de toutes les personnes qui manifestent pacifiquement à ne pas être victimes d’intrusions ou de violences de la part de tiers. »

Complément d’information

Dans la nuit du 16 août 2021, des balles réelles ont été tirées en direction de manifestant·e·s près du poste de police de Din Daeng, dans le centre de Bangkok, alors que la police tentait de disperser des manifestant·e·s pacifiques. La police a nié avoir utilisé des balles réelles.

L’Hôpital Ratchavitee, qui a pris en charge les manifestant·e·s blessés, a déclaré que le 17 août un garçon de 15 ans était dans le coma après avoir reçu une balle à la tête. Le garçon âgé de 14 ans qui avait été blessé par balle à l’épaule est désormais sorti de l’hôpital.

Tout au long de l’année 2020 puis en 2021 à Bangkok, la capitale, et dans plusieurs provinces du pays, des Thaïlandais·e·s ont manifesté dans la rue, par dizaines de milliers, pour demander des réformes démocratiques, dans la grande majorité des cas pacifiquement.  Amnesty International a constaté que les autorités avaient réagi face aux manifestations en ayant de plus en plus recours à une utilisation arbitraire du gaz lacrymogène, des balles en caoutchouc et d’autres armes à létalité réduite, et qu’elles avaient utilisé une force excessive et injustifiée, en l’absence de toute obligation de rendre des comptes semble-t-il. La justice thaïlandaise a demandé à la police de faire preuve de retenue lors des opérations de maintien de l’ordre durant les manifestations. 

Alors que les manifestations ont gagné en intensité au cours des dernières semaines, la police a procédé à des tirs de gaz lacrymogène et de canon à eau pour disperser la foule et a arrêté et placé en détention de nombreux manifestant·e·s pacifiques – y compris en application des dispositions d’exception adoptées officiellement pour faire face à la pandémie de COVID-19 et ce, alors que les prisons du pays ont fait état de milliers de cas d’infection au cours des dernières semaines.

Selon l’ONG Thai Lawyers for Human Rights, entre juillet 2020 et août 2021, au moins 800 personnes, dont 69 âgées de moins de 18 ans, ont fait l’objet de poursuites au pénal – pour sédition, diffamation envers la famille royale, cybercriminalité et violation des dispositions d’exception – dans 374 cas pour avoir participé à des manifestations pacifiques.