Le gouvernement de l’Afghanistan doit immédiatement remédier aux pénuries d’oxygène et se procurer des vaccins anti-COVID-19 et d’autres fournitures médicales essentielles en quantité suffisante avec l’aide de la communauté internationale, a déclaré Amnesty International, au moment où ce pays déchiré par la guerre montre des signes inquiétants de brusque hausse des contaminations.
Le 7 juin, les autorités afghanes ont indiqué que, sur un total de 4 671 tests de détection du virus réalisés sur les 24 dernières heures, 1 582 (près de 34 %) avaient un résultat positif.
« Le nombre de cas de COVID-19 en Afghanistan augmente de façon continue et ces derniers chiffres sont très inquiétants. Il est évident que le pays est confronté à une troisième vague de COVID-19 et, sans aide internationale urgente pour contenir cette flambée, la situation pourrait vite devenir hors de contrôle en raison des pénuries de fournitures vitales qui posent déjà de grandes difficultés, a déclaré Zaman Sultani, chercheur sur l’Asie du Sud à Amnesty International.
Le nombre de cas de COVID-19 en Afghanistan augmente de façon continue et ces derniers chiffres sont très inquiétants.
Zaman Sultani, chercheur sur l’Asie du Sud à Amnesty International
« Dans le même temps, la campagne vaccinale de l’Afghanistan a également été retardée par des pénuries d’approvisionnement. Nous avons vu une situation similaire au Népal et en Inde. L’une des principales leçons à en tirer est d’apprendre de leurs erreurs et de se préparer au pire avant qu’il ne soit trop tard. »
Manque de préparation du gouvernement afghan
Plus d’un an après le début de la pandémie, le gouvernement demeure insuffisamment préparé aux situations d’urgence sanitaire. Selon le ministère de la Santé, l’Afghanistan ne possède actuellement qu’environ 2 000 concentrateurs d’oxygène et 1 063 lits d’hospitalisation dédiés aux patient·e·s COVID-19, pour une population de 39 millions. Le pays compte seulement 1 500 lits de soins intensifs au total.
Le 4 juin, le ministère a annoncé une pénurie d’oxygène et demandé l’aide d’autres pays de la région. D’après des médias locaux, plus de 50 % des personnes hospitalisées pour COVID-19 ont besoin d’oxygène. Le 8 juin, un représentant du ministère de la Santé a déclaré à Amnesty International : « Je ne veux pas donner de faux espoir. Nous avons géré la situation jusqu’à présent, mais si elle s’aggrave cela sera vraiment difficile [sans oxygène]. »
Cette situation est encore plus problématique à l’échelle provinciale. Selon Zaman Muradi, militant des droits humains dans la province de Daikundi, celle-ci n’a qu’une seule structure où les patient·e·s COVID-19 sont pris en charge et aucun centre de dépistage. Il faut environ une journée pour se rendre à Bamiyan ou Kaboul afin d’obtenir un test. L’OMS estime que seules 22 des 34 provinces d’Afghanistan ont des laboratoires équipés pour dépister le coronavirus.
Le 10 juin, le représentant spécial adjoint du Secrétaire général des Nations unies pour l’Afghanistan a annoncé sur Twitter que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et l’UNICEF avaient fourni 3 750 « oxygénateurs » au pays et que 10 générateurs d’oxygène lui seraient également donnés par des organes de l’ONU.
« À cause de l’impréparation des autorités et de l’état déplorable du système de santé afghan, le pays n’est pas équipé pour faire face au type de vague qui a eu lieu ailleurs dans la région. L’Afghanistan doit rendre les diagnostics accessibles à grande échelle pour détecter efficacement les foyers d’infection et combattre de manière proactive une flambée imminente des cas », a déclaré Zaman Sultani.
Le 6 juin, un responsable des autorités sanitaires de la province de Balkh, où se trouve l’une des plus grandes villes du pays et une population d’1 million à 1,3 million d’habitant·e·s, a indiqué à Amnesty International que la province comptait environ 140 lits dédiés aux patient·e·s COVID-19.
La vague actuelle pose un risque de contamination d’autant plus élevé pour les 4 millions de personnes déplacées à l’intérieur du pays, qui vivent dans des conditions de surpopulation, sans accès suffisant à l’eau, aux sanitaires et aux structures de soin. En mars 2021, Amnesty International a publié un rapport appelant le gouvernement afghan et la communauté internationale à renforcer de toute urgence l’aide ciblée vers cette catégorie de population extrêmement vulnérable.
« Au cours de cette crise, les autorités afghanes doivent veiller à ce que les personnes déplacées puissent accéder à des soins de santé, des sanitaires et de l’eau potable, et élaborer un plan pour les vacciner en priorité, car leurs conditions de vie les exposent particulièrement aux virus très contagieux comme le coronavirus », a déclaré Zaman Sultani.
Pénurie de vaccins
Selon la Banque mondiale, un budget suffisant devrait déjà exister pour vacciner 40 % de la population, dont la moitié couverte par COVAX – une initiative internationale visant à aider les pays à revenu faible et intermédiaire à accéder aux vaccins – et l’autre moitié par des fonds de la Banque mondiale et du Fonds pour la reconstruction de l’Afghanistan (ARTF). La Banque asiatique de développement a également promis environ 50 millions de dollars américains pour soutenir la campagne de vaccination et d’autres programmes liés à la pandémie de COVID-19.
Néanmoins, pour l’heure, l’Afghanistan n’a reçu que 968 000 doses de vaccins de la part du gouvernement indien et de COVAX, ce qui ne lui permet de vacciner totalement que 484 000 habitant·e·s sur 39 millions, soit seulement 1,24 % de sa population.
À cause de l’impréparation des autorités et de l’état déplorable du système de santé afghan, le pays n’est pas équipé pour faire face au type de vague qui a eu lieu ailleurs dans la région.
Zaman Sultani
Des médias locaux ont indiqué que l’Afghanistan avait reçu 700 000 doses de la Chine le 10 juin. Cependant, Amnesty International s’est entretenue avec un représentant du ministère de la Santé, qui n’a pas pu donner de date exacte pour la prochaine livraison de vaccins par COVAX. Celle-ci est pour l’instant prévue en août au plus tard.
Le 3 juin, le président Ashraf Ghani a annoncé que le gouvernement afghan achèterait des doses en plus, mais sans préciser quand elles seraient commandées et livrées. Au vu de la pénurie mondiale actuelle et de l’incapacité de COVAX à livrer les autres pays conformément aux prévisions, il est très difficile de savoir si des vaccins supplémentaires arriveront en Afghanistan et dans quel délai.
Selon l’OMS, au 29 mai, 609 440 personnes avaient été vaccinées en Afghanistan. Parmi celles-ci, 480 709 avaient eu leur première injection et 128 731 avaient reçu leurs deux doses.
« Les autorités afghanes, avec le soutien de la communauté internationale et de COVAX, doivent s’efforcer de se procurer les vaccins nécessaires par le biais des mécanismes de financement et de soutien existants ou à l’aide du budget de l’État », a déclaré Zaman Sultani.