La peine de mort en 2020. La majorité des exécutions dans le monde ont eu lieu dans des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord

  • L’Iran, l’Égypte, l’Irak et l’Arabie saoudite sont responsables à eux seuls de 88 % des exécutions confirmées dans le monde en 2020.
  • Le nombre annuel d’exécutions a triplé en Égypte.
  • L’Iran est responsable à lui seul de 56 % de toutes les exécutions recensées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.
  • Une baisse de 85 % du nombre d’exécutions a été enregistrée en Arabie saoudite.
  • Pour la première fois depuis plusieurs années, Oman et le Qatar ont repris les exécutions.
  • Pour la troisième année consécutive, le nombre d’exécutions recensées dans le monde est le plus faible depuis 10 ans.

Faisant fi des problèmes sans précédent posés par la pandémie de COVID-19, les pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont poursuivi impitoyablement les exécutions, ce qui les fait figurer au rang des pays qui ont exécuté le plus de condamné·e·s au monde en 2020, écrit Amnesty International dans son rapport annuel sur la peine de mort dans le monde rendu public mercredi 21 avril 2021.

Ce rapport révèle que, sur les cinq pays du monde ayant procédé au plus grand nombre d’exécutions, quatre sont des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord. L’Iran (246+), l’Égypte (107+), l’Irak (45+) et l’Arabie saoudite (27) sont responsables à eux seuls de 88 % des exécutions recensées sur la planète en 2020, si l’on exclut la Chine, qui procède probablement à plusieurs milliers d’exécutions par an et est donc le pays qui exécute le plus de personnes au monde.

« Tout au long de l’année 2020, des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord ont persisté, de façon glaçante et impitoyable, à procéder à des mises à mort alors même que la plus grande partie de la planète s’attachait à protéger la vie face à un virus mortel », a déclaré Heba Morayef, directrice régionale pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord à Amnesty International.

« Malgré une nette tendance mondiale au recul de la peine de mort, les États du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord restent majoritaires dans le groupe de plus en plus isolé des pays qui s’accrochent à ce châtiment, en porte-à-faux avec le reste du monde, et sont à l’origine de la majorité des exécutions dans le monde. »

Malgré une nette tendance mondiale au recul de la peine de mort, les États du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord restent majoritaires dans le groupe de plus en plus isolé des pays qui s’accrochent à ce châtiment, en porte-à-faux avec le reste du monde, et sont à l’origine de la majorité des exécutions dans le monde.

Heba Morayef, Amnesty International

Une baisse des exécutions éclipsée par quelques retours en arrière

Globalement, le nombre d’exécutions recensées au Moyen-Orient et en Afrique du Nord a chuté de 25 %, passant de 579 en 2019 à 437 en 2020, soit le niveau le plus bas enregistré depuis une décennie. Ce recul est largement dû à une très forte baisse des exécutions en Arabie saoudite (moins 85 %), ainsi qu’à une diminution de plus de la moitié en Irak.

Cependant, cette tendance à la baisse est éclipsée par une forte hausse des exécutions recensées en Égypte, où leur nombre a plus que triplé, passant de 32 en 2019 à 107 en 2020. Ce pays a ainsi pris la place de l’Arabie saoudite au troisième rang mondial des pays procédant au plus grand nombre d’exécutions. Un pic a notamment été enregistré dans les exécutions en octobre et en novembre, mois durant lesquels les autorités ont mis à mort au moins 57 personnes – soit près du double du nombre total de personnes exécutées en Égypte pendant toute l’année 2019.

L’Iran a procédé à 246 exécutions au moins, conservant sa place de premier pays de la région en termes de nombre d’exécutions, et de deuxième pays au monde après la Chine.

Le Qatar a procédé à sa première exécution depuis 20 ans – celle d’un ressortissant népalais, Anil Chaudhary – et Oman a exécuté quatre personnes alors qu’aucune mise à mort n’avait eu lieu dans le pays depuis 2015. Il s’agit là de retours en arrière préoccupants.

Sans compter la Chine, où les informations sur la peine de mort sont classées secret d’État, 437 des 483 exécutions recensées dans le monde en 2020 ont eu lieu au Moyen-Orient et en Afrique du Nord.

Cette région est aussi la seule où des femmes ont été exécutées durant l’année : 16 au total ont été mises à mort en Arabie saoudite (deux), en Égypte (quatre), en Iran (neuf) et à Oman (une).

« Si le nombre total d’exécutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord a baissé par rapport aux années précédentes, il reste largement supérieur à celui des exécutions enregistrées dans le reste du monde, à l’exception de la Chine », a déclaré Heba Morayef.

« Au lieu de s’acharner à procéder à des exécutions judiciaires, les gouvernements du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord feraient mieux d’instaurer un moratoire sur les exécutions, en vue d’abolir totalement la peine de mort. »

Des exécutions à l’issue de procès iniques et d’autres violations des droits humains

Le nombre d’exécutions au Moyen-Orient et en Afrique du Nord est d’autant plus préoccupant que, dans la région, les condamnations à mort sont souvent prononcées à l’issue de procès qui ne respectent pas les normes internationales d’équité. En 2020 encore, des gens ont été condamnés à mort ou exécutés pour des faits qui ne devraient pas être réprimés pénalement ou pour d’autres infractions n’entrant pas dans la catégorie des « crimes les plus graves » tels que définis par les normes internationales, à savoir les homicides volontaires.

Au moins 23 des 107 personnes exécutées en Égypte avaient été condamnées à mort dans des affaires liées à des violences politiques, à l’issue de procès manifestement iniques entachés par l’utilisation d’« aveux » forcés et par d’autres graves violations des droits humains, notamment la torture et la disparition forcée. Dans ce pays, le nombre d’exécutions est monté en flèche après un épisode de violence impliquant des personnes condamnées à mort détenues dans la tristement célèbre prison d’Al Aqrab en septembre.

En Iran, au moins trois personnes ont été exécutées pour des crimes commis alors qu’elles étaient âgées de moins de 18 ans, en violation du droit international, qui interdit le recours à la peine capitale contre des mineur·e·s déliquant·e·s.

Bien que le nombre d’exécutions en Iran – pays responsable de plus de la moitié des mises à mort enregistrées dans la région – soit resté inférieur à ce qu’il était avant l’application, en novembre 2017, des modifications apportées à la législation sur la lutte contre les stupéfiants, qui réduisaient les peines pour les infractions liées aux stupéfiants, 23 personnes ont été exécutées pour des infractions de ce type en 2020. Les autorités ont par ailleurs utilisé de plus en plus la peine de mort comme instrument de répression politique contre des dissident·e·s, des manifestant·e·s et des membres de minorités ethniques, en violation du droit international. L’opposant et journaliste Rouhollah Zam, condamné à mort à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante, a été exécuté en décembre en lien avec la chaîne d’information opposée au pouvoir qu’il animait sur les réseaux sociaux.

En Libye, des tribunaux militaires ont condamné à mort des personnes civiles à l’issue de procès manifestement inéquitables.

« La peine de mort est un châtiment odieux quelles que soient les circonstances, et la fréquence de son utilisation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord est préoccupante car elle intervient souvent à l’issue de condamnations entachées d’irrégularités, fondées sur des “aveux” arrachés sous la torture ou d’autres mauvais traitements », a déclaré Heba Morayef.

La peine de mort est un châtiment odieux quelles que soient les circonstances, et la fréquence de son utilisation au Moyen-Orient et en Afrique du Nord est préoccupante car elle intervient souvent à l’issue de condamnations entachées d’irrégularités, fondées sur des “aveux” arrachés sous la torture ou d’autres mauvais traitements

Heba Morayef, Amnesty International

Une baisse des exécutions en Arabie saoudite

Le nombre d’exécutions en Arabie saoudite a fortement chuté, passant de 184 en 2019 à 27 en 2020 – le chiffre le plus bas enregistré depuis 2010. La Commission saoudienne des droits humains a indiqué que cette diminution était due en partie à « un moratoire sur la peine de mort pour les infractions à la législation sur les stupéfiants ». Cependant, aucun moratoire n’a été officiellement annoncé en 2020.

Cette baisse peut aussi s’expliquer par les perturbations provoquées par la pandémie de COVID-19, ainsi que par la volonté de l’Arabie saoudite d’éviter les critiques internationales susceptibles de faire de l’ombre à sa présidence du G-20 et au sommet de celui-ci qu’elle devait accueillir. En effet, pendant les cinq mois précédant le sommet du G-20 – de la fin juillet jusqu’en novembre –, aucune exécution n’a eu lieu dans le pays. Les exécutions ont en revanche repris peu après la fin de la présidence saoudienne du G-20, le 30 novembre.

Le nombre d’exécutions dans le monde a atteint son plus bas niveau depuis une décennie

À l’échelle mondiale, au moins 483 exécutions ont été recensées en 2020 (sans compter les pays où les données relatives à la peine de mort sont classées secret d’État, ou à propos desquels très peu d’informations sont disponibles, à savoir la Chine, la Corée du Nord, la Syrie et le Viêt-Nam). Ce chiffre est le plus faible qu’Amnesty International ait enregistré depuis au moins 10 ans. Le nombre d’exécutions recensées a baissé de 26 % par rapport à 2019, et de 70 % par rapport au pic de 1 634 exécutions relevé en 2015.

Selon le rapport d’Amnesty International, cette baisse notable est essentiellement due à une réduction du nombre d’exécutions dans certains pays non abolitionnistes et, dans une moindre mesure, à des interruptions de l’application de la peine de mort survenues en raison de la pandémie de COVID-19.

D’après les informations disponibles, le nombre de condamnations à mort prononcées dans le monde (au moins 1 477) a aussi baissé de 36 % par rapport à 2019.

En avril 2021, 108 pays avaient aboli la peine de mort pour tous les crimes et 144 étaient abolitionnistes en droit ou en pratique.