Moldavie. Les autorités doivent respecter l’arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme et rendre justice aux sept Turcs victimes d’un transfert secret

Les autorités moldaves doivent de toute urgence se décider enfin à agir pour identifier et traduire en justice les personnes impliquées dans la restitution illégale scandaleuse de sept ressortissants turcs en septembre 2018 à la demande du gouvernement de plus en plus répressif de Recep Tayyip Erdoğan, a déclaré Amnesty International. Le 8 mars 2021, le Comité des ministres du Conseil de l’Europe va examiner la mise en œuvre du jugement de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) dans cette affaire.

Le 6 septembre 2018, des agents du Service d’information et de sécurité de la République de Moldavie (SIS) ont arrêté sept membres du personnel du lycée turc Orizont, à Chișinău, dont les demandes d’asile avaient été rejetées quelques jours auparavant. Ces personnes ont été remises le lendemain aux autorités turques dans le cadre d’une opération de restitution secrète.

Le 11 juin 2019, la CEDH a estimé que les autorités moldaves avaient violé le droit de ces ressortissants turcs à la liberté et la sécurité, ainsi qu’au respect de leur vie familiale.

« Le gouvernement moldave n’a pas fait grand chose de concret pour mettre en œuvre l’arrêt de la CEDH dans l’affaire Ozdil et autres c. Moldavie. Les autorités du pays doivent demander pleinement des comptes aux responsables de ces restitutions ou offrir un recours effectif aux membres du personnel du lycée turc Orizont qui ont été transférés secrètement et illégalement en Turquie, où ils ont été immédiatement arrêtés. En outre, les garanties semblent à ce jour insuffisantes pour empêcher que de telles violations des droits humains ne se reproduisent à l’avenir », a déclaré Marie Struthers, directrice pour l’Europe de l’Est et l’Asie centrale à Amnesty International.

« Les autorités moldaves doivent de toute urgence mener une nouvelle enquête exhaustive, approfondie et impartiale sur ces restitutions secrètes et en rendre publiques les conclusions. Elles doivent identifier et traduire en justice toutes les personnes raisonnablement soupçonnées d’avoir participé à cette opération illégale ou d’en avoir été complices, y compris les agents des services de sécurité et les responsables gouvernementaux. Les informations sur cette affaire doivent être autant que possible déclassifiées afin de garantir l’équité et la transparence de l’enquête et de permettre d’en tirer toutes les leçons nécessaires pour que de tels faits ne se reproduisent plus. »

Complément d’information

À la suite de la décision de la CEDH du 11 juin 2019 jugeant illégaux les actes du SIS et du Bureau de la migration et de l’asile de Moldavie, une instruction judiciaire a été ouverte dans le pays en août 2019.

L’ancien chef du SIS, Vasile Botnari, est le seul responsable moldave à avoir été inculpé d’« abus de pouvoir » dans cette affaire. Il a plaidé coupable et a été condamné à une amende de 88 000 lei (5 000 dollars des États-Unis) le 16 septembre 2020.

Parmi les personnes renvoyées de force en Turquie figurait le directeur d’Orizont, Rıza Doğan. L’opération de restitution a été conduite en secret, et les autorités moldaves n’ont reconnu le transfert des détenus en Turquie que six semaines plus tard.