Îles Salomon. Interdire Facebook en raison des critiques visant le gouvernement est une atteinte à la liberté d’expression

En réaction au projet du gouvernement des Îles Salomon d’interdire Facebook en raison de la publication de commentaires qu’il juge insultants ou diffamatoires à l’égard des ministres du gouvernement, Kate Schuetze, chercheuse sur le Pacifique à Amnesty International, a déclaré :

« Interdire un site de réseau social uniquement parce que les utilisateurs postent des commentaires qui ne sont pas du goût des autorités constitue une attaque flagrante contre les droits humains. Protéger la susceptibilité des responsables du gouvernement n’est pas une raison valable pour limiter la liberté d’expression, qui est un droit garanti par la Constitution des Îles Salomon.

« Étant donné l’importance pour la population d’accéder rapidement à des informations en ces temps de pandémie de COVID-19, le gouvernement ne met pas seulement en péril le discours et la participation

politiques, mais aussi des vies. Interdire totalement des sites Internet ou des fournisseurs d’informations en ligne n’est que très rarement justifiable au regard du droit international relatif aux droits humains.

« Si le gouvernement met en œuvre son projet d’interdire Facebook, il rejoindra le club des trois pays du globe qui le font déjà : la Chine, la Corée du Nord et l’Iran. Au regard du bilan déplorable de ces États en matière de respect de la liberté d’expression, ce serait une indication accablante de la position des Îles Salomon vis-à-vis des droits humains.

« Si le gouvernement des Îles Salomon accorde de l’importance aux droits des citoyen·ne·s, il devrait repenser sans attendre sa décision d’interdire Facebook et permettre à toutes et tous d’exprimer pacifiquement leurs opinions en ligne. »

Complément d’information

Le ministre de la Communication des Îles Salomon Peter Shanel Agovaka a déclaré mardi 17 novembre 2020 que le conseil des ministres salomonais avait validé l’interdiction de Facebook en raison des « propos insultants à l’égard des ministres et du Premier ministre » et de la « diffamation de personnalités ».

L’interdiction doit encore entrer en vigueur et Peter Shanel Agovaka a indiqué que le gouvernement était en pourparlers avec les opérateurs pour trouver un moyen de le faire.

La Constitution des Îles Salomon protège le droit à la liberté d’expression, notamment le droit de recevoir et de répandre des idées politiques. Cet État n’a pas encore ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), mais en tant qu’État membre de l’ONU, s’est engagé à respecter les droits inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Le droit à la liberté d’expression englobe le droit de se montrer critique à l’égard d’un gouvernement et de sa politique. Il ne peut être limité que dans des cas où cela est nécessaire et proportionné à un but légitime, en vertu du droit international relatif aux droits humains, et dans le respect des principes de légalité et de non-discrimination.

En vertu des normes internationales, bloquer le fonctionnement de sites Internet ou d’autres systèmes de diffusion de l’information en ligne en édictant des interdictions générales, ne ciblant pas des contenus précis, n’est pas compatible avec le droit fondamental à la liberté d’expression, pas plus que ne l’est l’interdiction faite à un site ou un système de publier des contenus au seul motif qu’ils constituent une critique du gouvernement.

Les Îles Salomon ne sont pas le premier État insulaire du Pacifique à envisager d’interdire des sites de réseaux sociaux en réponse à des critiques en ligne visant le gouvernement.

En mai 2018, la Papouasie-Nouvelle-Guinée a bloqué Facebook pendant un mois, du fait de préoccupations suscitées par de faux profils utilisateurs.

En juillet 2020, le Premier ministre samoan Tuilaepa Sailele Malielegaoi a déclaré envisager d’interdire Facebook en raison des propos calomnieux et des manœuvres politiques de bas étage dont il était la cible.

Le gouvernement de Nauru a interdit Facebook entre 2015 et 2018, affirmant que le but était de faire barrage aux « informations biaisées et infondées » lorsqu’il s’est retrouvé au centre de l’attention internationale pour le traitement réservé aux réfugié·e·s et demandeurs·euses d’asile et pour les accusations pénales portées à l’encontre de député·e·s de l’opposition.