Salvador. La condamnation d’un des responsables de l’assassinat des prêtres jésuites doit rompre le cycle de l’impunité

Réagissant à la condamnation, le 11 septembre, de l’ancien colonel et vice-ministre salvadorien de la Sécurité publique Inocente Montano, déclaré coupable, par l’Audience nationale espagnole, de l’assassinat de cinq prêtres jésuites en 1989, Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International, a déclaré :

« Cette décision historique représente une importante avancée en direction de la justice, dont les victimes du conflit armé au Salvador sont privées depuis plusieurs décennies. Elle rappelle également que les autorités salvadoriennes ont une énorme dette à régler en ce qui concerne l’obligation de garantir la vérité, justice et réparation. Il est inadmissible qu’au Salvador, alors que presque 30 années se sont écoulées depuis la signature des accords de paix, les responsables de crimes commis pendant le conflit armé continuent d’échapper à la justice et de jouir de l’impunité.

« Les autorités salvadoriennes ont été saisies de plusieurs affaires relatives à des violations des droits humains perpétrées pendant le conflit armé. Le seul dossier qui a progressé de façon substantielle est celui de l’affaire dite du massacre d’El Mozote. Dans les prochains jours, le juge en charge de cette affaire inspectera des sites des forces armées dans le cadre de la recherche d’informations concernant cette opération militaire. Le gouvernement du président Nayib Bukele a la possibilité de s’acquitter de ses obligations à l’égard de la justice, de remettre les archives ou de les reconstituer. S’il s’y refuse, il rejoindra alors la liste des gouvernements qui tentent de laisser les victimes dans l’oubli. »

Cette décision historique représente une importante avancée en direction de la justice, dont les victimes du conflit armé au Salvador sont privées depuis plusieurs décennies.

Erika Guevara Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International

« Nous demandons à toutes les autorités étatiques, y compris au président, de prendre les mesures fortes et décisives nécessaires pour garantir, une fois pour toutes, les droits des victimes du conflit armé. »

Complément d’information

Selon la Commission de la vérité des Nations unies, plus de 75 000 personnes ont été torturées, exécutées de façon extrajudiciaire ou soumises à une disparition forcée pendant le conflit armé interne au Salvador entre 1980 et 1992.

L’armée salvadorienne a été responsable de nombreux crimes de droit international et de graves violations des droits humains commis contre des communautés accusées d’apporter leur soutien à des groupes de la guérilla. Les groupes de l’opposition armée ont eux aussi perpétré des crimes de droit international et des atteintes aux droits humains.

Aux premières heures du 16 novembre 1989, six prêtres jésuites, ainsi que leur cuisinière et la fille de cette femme, ont été assassinés par des militaires au domicile des victimes, à l’Université catholique centraméricaine José Simeón Cañas, à San Salvador. Les soldats, membres du bataillon Atlacatl, sont entrés dans le campus et dans le logement des prêtres. Ils ont ordonné aux prêtres de sortir leurs chambres. Ils ont ensuite ouvert le feu sur eux. Ils ont également tué par balle Julia Elba Ramos et Celina, sa fille de 15 ans.

Nous demandons à toutes les autorités étatiques, y compris au président, de prendre les mesures fortes et décisives nécessaires pour garantir, une fois pour toutes, les droits des victimes du conflit armé.

Erika Guevara-Rosas

Neuf membres du bataillon ont été jugés entre le 26 et le 28 septembre 1991. Sept d’entre eux ont été acquittés. Cependant, le 24 mars 1993, les rares condamnés étaient toujours en liberté, bénéficiant de la loi d’amnistie adoptée deux jours plus tôt. Alors même que le rapport de la Commission de la vérité les avait identifiés, les individus soupçonnés d’avoir planifié et ordonné les assassinats n’ont pas été poursuivis en justice.