Iran. Les autorités doivent dire à la famille la vérité sur l’«exécution secrète» d’un prisonnier victime d’une disparition forcée

Les autorités iraniennes doivent sans délai faire toute la lumière sur ce qu’il est advenu d’Hedayat Abdollahpour, un prisonnier kurde, les autorités locales ayant informé sa famille qu’il avait été récemment exécuté en secret, a déclaré Amnesty International le 11 juin 2020.

Hedayat Abdollahpour a été condamné à mort en 2017 à l’issue d’un procès manifestement inique.

Le 9 mai 2020, il a été transféré depuis la prison centrale d’Ourmia, dans la province de l’Azerbaïdjan occidental, vers un lieu non révélé. Sa famille et ses avocats ont tenté en vain d’obtenir des informations sur le sort qui lui avait été réservé depuis.

Le 10 juin, le chef du Centre pour l’application des peines d’Ourmia a déclaré à sa famille qu’Hedayat Abdollahpour avait été exécuté trois semaines auparavant dans la ville d’Oshnavieh, également située en Azerbaïdjan occidental, mais qu’il n’était pas en mesure de fournir d’autres précisions. Cependant, il y a trois semaines environ, un responsable des services du procureur avait assuré à ses avocats que leur client se trouvait dans un centre de détention d’Ourmia administré par les gardiens de la révolution, sans indiquer qu’il devait être exécuté.

« Le fait que les autorités iraniennes jouent ce jeu cruel avec la famille d’Hedayat Abdollahpour témoigne de leur mépris pour la vie humaine, a déclaré Diana Eltahawy, directrice adjointe d’Amnesty International pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient.

« En refusant de dévoiler la vérité, elles infligent délibérément une souffrance psychologique et une détresse indicible à ses proches.

« Si Hedayat Abdollahpour a été exécuté en secret, sa dépouille doit être restituée à sa famille sans plus attendre et une enquête indépendante doit être menée sur les circonstances entourant son exécution illégale. »

En refusant de dévoiler la vérité, elles infligent délibérément une souffrance psychologique et une détresse indicible à ses proches.

Diana Eltahawy, directrice adjointe d’Amnesty International pour la région Afrique du Nord et Moyen-Orient

Lorsque sa famille a demandé pourquoi elle n’avait pas été informée à l’avance, le responsable a répondu qu’il n’était pas autorisé à en dire plus. Il a ajouté que l’exécution avait eu lieu « sur ordre venu d’en haut », faisant semble-t-il référence aux gardiens de la révolution qui supervisent cette affaire.

Au titre du droit iranien, les avocats doivent être informés de l’exécution de leurs clients 48 heures à l’avance et les familles ont le droit de rendre une visite d’adieu à leurs proches. À ce jour, les avocats d’Hedayat Abdollahpour n’ont toujours pas été notifiés de son exécution.

Disparition forcée

Depuis qu’Hedayat Abdollahpour a été victime d’une disparition forcée le mois dernier, les autorités iraniennes ont refusé à plusieurs reprises de partager des informations sur sa sécurité et son état de santé, faisant courir sa famille et ses avocats d’un bureau à l’autre.

À Ourmia, les responsables de la prison et les autorités en charge des poursuites ont affirmé à ses avocats ne disposer d’aucune information concernant cette affaire, ajoutant que son dossier n’avait pas été transféré à Oshnavieh pour y être traité. Toutefois, les autorités chargées des poursuites à Oshnavieh ont réfuté cette version.

Le 12 mai, le procureur adjoint d’Ourmia a indiqué à la famille d’Hedayat Abdollahpour : « Lorsque le ministère des Renseignements et les gardiens de la révolution refusent de vous dire où se trouve votre parent, mieux vaut vous rendre au cimetière. »

Le 23 mai, le même procureur adjoint a informé ses avocats que leur client était en vie et se trouvait dans un centre de détention administré par le service de renseignements des gardiens de la révolution à Ourmia. Ils n’ont pas eu d’autres précisions sur sa situation. 

Les autorités commettent le crime de disparition forcée, crime qui relève du droit international, tant qu’elles refusent de dévoiler le sort réservé à la victime ou le lieu où se trouve sa dépouille.

Depuis longtemps, les autorités iraniennes procèdent à des exécutions secrètes de membres de groupes ethniques minoritaires, les enterrent dans des tombes anonymes et refusent de révéler ce qui leur est arrivé ou le lieu où ils sont inhumés, pendant des mois voire des années.

Torture et procès

Hedayat Abdollahpour a été condamné à mort en 2017, en lien avec des affrontements armés qui ont opposé les gardiens de la révolution à des membres du Parti démocratique du Kurdistan d’Iran (PDKI), le 14 juin 2016.

À la suite de son arrestation en août 2016, il a été placé en détention à l’isolement dans un centre géré par les gardiens de la révolution pendant 78 jours. Selon sa famille, il a perdu l’audition d’une oreille après avoir subi des actes de torture au cours de cette période.

Il a été accusé d’être membre du PDKI, ce qu’il a toujours nié. Sa déclaration de culpabilité et sa condamnation à mort ont été prononcées à l’issue d’un procès manifestement inique, qui s’est basé sur les « aveux » forcés sur lesquels Hedayat Abdollahpour est revenu au tribunal et qui a ignoré les graves allégations de torture et d’autres mauvais traitements.

Le jugement rendu par la Cour suprême, qu’Amnesty International a examiné, concédait qu’Hedayat Abdollahpour n’était pas en possession d’une arme et ne se trouvait même pas dans le secteur au moment des affrontements armés.

Fin mai 2020, la Commission iranienne d’amnistie et de grâce a rejeté pour la deuxième fois la demande de grâce déposée par Hedayat Abdollahpour.

Amnesty International s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception, quelles que soient la nature ou les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation du condamné, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. Amnesty International a recensé au moins 251 exécutions en Iran en 2019, dans son rapport annuel sur la peine de mort.