Le gouvernement de Donald Trump ne protège pas les personnes détenues pour des motifs liés à la migration dans le contexte de la situation d’urgence en matière de santé publique due à la pandémie de COVID-19, a souligné Amnesty International le 7 avril dans un nouveau rapport intitulé ‘We are adrift, about to sink’: The looming COVID-19 disaster in US immigration detention facilities.
Les États-Unis se sont dotés du plus grand système au monde de détention pour personnes migrantes, le Service de contrôle de l’immigration et des douanes (ICE), qui détient près de 40 000 personnes placées dans plus de 200 centres à travers le pays. Dans plusieurs centres de détention de l’ICE, des personnes détenues ont entamé une grève de la faim pour obtenir leur libération et protester contre des conditions d’hygiène et sanitaires dangereuses et inadaptées.
« Actuellement, la santé et la sécurité de toutes les personnes sont indissociablement liées. Alors que les États-Unis ont confirmé un nombre de cas de contamination au COVID-19 supérieur à tout autre pays au monde, l’ICE n’a toujours pas adopté de mesures efficaces pour empêcher la pandémie de sévir dans les centres des services de l’immigration partout dans le pays, mettant ainsi en péril la sécurité de toutes les personnes, a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International.
« Le placement en détention inutile, par l’ICE, de dizaines de milliers de personnes représente une très grave menace pour la santé publique. Le fait de détenir des personnes uniquement pour des motifs liés à l’immigration dans un contexte de pandémie mondiale est cruel, irresponsable et meurtrier. L’ICE doit de toute urgence mettre en place des solutions de remplacement à la détention, et accorder une libération conditionnelle pour raisons humanitaires aux personnes détenues pour des motifs liés à la migration, à l’exception des cas où des circonstances tout à fait extraordinaires requièrent un maintien en détention. »
Alors que les États-Unis ont confirmé un nombre de cas de contamination au COVID-19 supérieur à tout autre pays au monde, l’ICE n’a toujours pas adopté de mesures efficaces pour empêcher la pandémie de sévir dans les centres des services de l’immigration partout dans le pays, mettant ainsi en péril la sécurité de toutes les personnes.
Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International
L’ICE et ses centres de détention n’ont pas fourni de manière adéquate de savon et de désinfectant ni mis en place un éloignement entre les personnes. Il n’a pas non plus suspendu, dans l’intérêt de la santé publique, les transferts inutiles de personnes entre différents établissements, procédant de façon généralisée au déplacement de milliers de personnes détenues. Le placement en détention inutile et à caractère punitif, par l’ICE, de personnes, motivé uniquement par la situation de ces personnes au regard de la législation en matière de migration constitue un déni discriminatoire du droit à la santé. L’ICE a l’obligation d’accorder une libération conditionnelle pour raisons humanitaires aux personnes détenues pour des motifs liés à la migration avant que d’autres personnes détenues par ses services ne contractent le COVID-19. Jusqu’à présent, l’ICE n’a même pas pris les mesures nécessaires minimums pour protéger la santé publique dans son vaste réseau d’établissements et dans leurs alentours.
L’ICE a minimisé les risques de propagation du COVID-19 dans ses centres de détention, tu ou sous-estimé le nombre de personnes détenues susceptibles d’avoir été exposées au COVID-19 ou de l’avoir contracté, et tu également des informations vitales au sujet d’une possible contamination de la part de personnes détenues, de leurs avocat·e·s ou de leurs proches, et du public. Amnesty International a reçu des informations concordantes faisant état de cas de suspicion de COVID-19 et de confinement dans de nombreux établissements de l’ICE, et des avocat·e·s ont signalé que des agents de l’ICE ont refusé de parler de la situation en matière de santé. Des avocat·e·s ont indiqué qu’ils manquent d’informations au sujet des risques encourus dans les établissements de l’ICE, et que les personnes placées en observation par rapport au COVID-19 ne sont souvent pas testées. Le personnel et les employé·e·s de l’ICE qui participent à des opérations de l’ICE risquent fortement de contracter le COVID-19, qu’ils risquent alors de transmettre aux personnes détenues ainsi qu’à leur famille et leur entourage.
Des personnes atteintes de maladies sous-jacentes – notamment les personnes immunodéprimées à cause du HIV – ont livré, par l’intermédiaire de leurs avocat·e·s des témoignages inquiétants pointant des soins de santé insuffisants et des conditions de détention inadéquates. Du fait de ces conditions dangereuses, elles risquent fortement de contracter le COVID-19 et d’être gravement malades ou de mourir ; en particulier, le personnel médical ne leur donne pas de médicaments antirétroviraux pour traiter l’infection au VIH, et on ne leur donne pas les désinfectants pour les mains ni les masques pour le visage qu’ils réclament.
Alors que la pandémie gagne depuis janvier l’ensemble des États-Unis, l’ICE continue de recevoir et de détenir des familles dans ses centres de détention pour les familles, recevant parfois des familles présentant déjà des symptômes de la maladie, selon des avocat·e·s. Dans le centre de Dilley, le personnel de l’ICE et du GEO Group n’ont pas fourni aux personnes détenues infectées au COVID-19 une éducation, du désinfectant pour les mains et des fournitures de protection ou pour le nettoyage, alors même que certaines personnes présentaient des problèmes de santé préexistants. Le personnel de ces établissements n’a pas mis à disposition un test pour le COVID-19, et il n’a pas prévu de le faire.
Une femme enceinte originaire du Honduras venue demander l’asile avec sa petite fille de quatre ans, a dit qu’elle a peur de contracter le COVID-19 et de mourir, en raison des conditions de détention et des soins inadéquats dans le centre de Dilley : « Je ne peux pas rester suffisamment éloignée des autres gens pour me protéger contre le virus au cas où ils l’auraient contracté. Je suis obligée de rester près des autres personnes tout le temps. Je partage une chambre, la salle de bain et la salle à manger. Toutes les pièces dans ce centre de détention sont partagées par plusieurs personnes. »
Le personnel du centre de Karnes de l’ICE n’a lui non plus pas accès à des tests pour le COVID-19, et il n’a pas respecté les normes mises en place par les États-Unis en matière de santé publique pour empêcher la propagation du COVID-19. Presque toutes les familles ont fait état de soins de santé insuffisants, y compris pour des maux de tête ou un simple rhume. Des parents et des enfants dans cet établissement étaient malades avec des symptômes évoquant un refroidissement tels qu’une toux, une congestion et de la fièvre, et de nombreux membres du personnel présentaient des symptômes similaires. Le personnel ne portait pas de masque de façon systématique et n’observait pas systématiquement une distance de sécurité avec les autres personnes.
Le placement en détention inutile, par l’ICE, de dizaines de milliers de personnes représente une très grave menace pour la santé publique. Le fait de détenir des personnes uniquement pour des motifs liés à l’immigration dans un contexte de pandémie mondiale est cruel, irresponsable et meurtrier.
Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques à Amnesty International
Amnesty International exhorte l’ICE à mettre en place des solutions de remplacement à la détention, et à accorder une libération conditionnelle pour raisons humanitaires aux personnes détenues pour des motifs liés à la migration, à l’exception des cas où des circonstances tout à fait extraordinaires requièrent un maintien en détention. L’ICE doit accorder la priorité aux personnes âgées et à celles qui sont atteintes de maladies sous-jacentes ou qui sont tout particulièrement en danger en cas d’infection au COVID-19. L’ICE doit également libérer immédiatement tous les enfants et toutes les familles qu’elle a placés en détention pour des motifs liés à la migration, et le Congrès des États-Unis doit exercer une surveillance publique afin que le Département américain de la sécurité intérieure use de son autorité pour qu’un maximum de personnes détenues par l’ICE bénéficient d’une libération sous caution. Amnesty International demande aux gouverneurs d’États des États-Unis et aux autorités locales d’user de leur pouvoir pour ordonner aux centres de détention des services de l’immigration et aux prisons des comtés et des collectivités locales de réduire dans leurs établissements le nombre de personnes détenues pour des motifs liés à la migration.
Informations complémentaires
Le 24 mars, Amnesty International a publié des lignes directrices pour les gouvernements des pays des Amériques visant à l’adoption de mesures respectueuses des droits humains pour la lutte contre la pandémie de COVID-19. Le 17 mars, Amnesty International et des organisations partenaires ont appelé les 11 gouverneurs d’États étasuniens accueillant la plus grande population de personnes détenues pour des motifs liés à la migration, d’user de leur autorité en matière de santé publique et de règlementation afin d’ordonner aux centres de détention des services de l’immigration fédéraux et aux établissements pénitentiaires des comtés et des collectivités locales de réduire considérablement dans leurs établissements le nombre de personnes détenues pour des motifs liés à la migration.
Le 31 mars 2020, quatre organismes de l’ONU de premier plan chargés des droits humains, de la santé et des personnes migrantes ou réfugiées ont publié une déclaration conjointe demandant que soient libérées sans délai les personnes migrantes ou demandeuses d’asile détenues dans des centres de détention bondés et insalubres des services de l’immigration. Ces quatre organismes ont demandé que les enfants et leurs familles, ainsi que les personnes détenues sans base juridique suffisante soient immédiatement libérés.