Message de Hong Kong : le SRAS et ce qu’il nous a appris sur le COVID-19

Coffee Ngai travaille à Hong Kong, au bureau régional d’Amnesty International. Elle revient sur les leçons tirées de l’épidémie de SRAS en 2003, et elle partage ses conseils pour vivre au mieux la distanciation sociale.

Dans le Hong Kong Park, un îlot de verdure au cœur du quartier résidentiel de la ville, huit statues de bronze sont assises sur des socles carrés en béton. Elles sont là en hommage aux soignants qui sont morts en luttant contre l’épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) de 2003. Cette dernière a métamorphosé la vie à Hong Kong.

Pour beaucoup d’entre nous, c’était la première fois que nous vivions des mesures de confinement semblables à celles qui sont aujourd’hui appliquées partout dans le monde. La pandémie du nouveau coronavirus, le COVID-19, nous remet en mémoire l’épidémie de SRAS. Ces souvenirs sont douloureux, mais ils nous rappellent également que nous avons déjà survécu à des périodes terrifiantes et que nous pouvons de nouveau y résister.

À cette époque, le SRAS était très mystérieux pour l’ensemble de la population de Hong Kong. Le gouvernement de la Chine continentale, où le SRAS avait déjà été repéré plusieurs mois auparavant, avait gardé le silence et n’avait pas transmis ses premières découvertes à Hong Kong, ni même à l’Organisation mondiale de la santé. Les autorités de Hong Kong ont réagi très lentement. Elles ont commencé par mettre en place des mesures simples de dépistage, comme la prise de température lors des contrôles aux frontières, et elles ont interdit les visites aux personnes hospitalisées. En dehors de cela, notre vie quotidienne n’a pas beaucoup changé. Les entreprises ont continué de fonctionner normalement, et en 2003, la majorité du personnel de bureau ne pouvait pas faire de télétravail.

Puis, un jour, nous avons appris qu’une résidence avait été gravement touchée par l’épidémie et que plus de 300 de ses habitants étaient infectés. Au début, personne ne savait comment le SRAS se propageait et tout Hong Kong paniquait. J’étais terrifiée : certains de mes amis vivaient dans la résidence en question, à 20 minutes de marche de mon appartement. Après cet épisode, des mesures de confinement sévères ont été imposées, mais pour les 299 personnes qui sont mortes du SRAS à Hong Kong (soit près de deux cinquièmes des décès à l’échelle mondiale), il était trop tard.

Censure de l’information

Comme pour le COVID-19, les médecins ont accusé le gouvernement central chinois de n’avoir pas transmis des informations cruciales sur le SRAS qui auraient pu sauver des vies. L’OMS a également critiqué la sous-estimation du nombre de cas de SRAS. Chacun et chacune d’entre nous a le droit d’avoir accès à des informations liées à la santé, à la nature d’une menace sanitaire, à sa gravité et aux moyens de s’en protéger. La dissimulation de ces informations a rendu beaucoup de personnes furieuses à Hong Kong, et cela les a poussées à se méfier des autorités chinoises et hongkongaises.

Depuis, beaucoup de personnes ici ont pris l’habitude de porter des masques chirurgicaux en cas de rhume ou de grippe. Nous avons appris à faire très attention à la propagation de maladies ; c’est l’une des raisons pour lesquelles la majorité de la population de Hong Kong s’est rapidement pliée aux mesures de confinement qui ont été prises au début de l’épidémie de COVID-19. Cela n’a pas été facile, car nous nous trouvions dans un contexte de manifestations régulières ; à Hong Kong, beaucoup de personnes manifestaient contre le gouvernement depuis plusieurs mois. Ni le gaz lacrymogène, ni les canons à eau, ni la vague d’arrestations, ni même les tirs à balles réelles n’ont empêché les habitant·e·s de Hong Kong de descendre dans la rue pour réclamer davantage de liberté et pour que les responsables de violences policières rendent des comptes. Il est déchirant de voir que ce virus, lui, a réussi à vider les rues.

Un début de retour à la normale

Bien qu’elle soit difficile, la distanciation sociale comme mesure de contrôle de la propagation des virus a du sens à Hong Kong, après notre expérience du SRAS, et la plupart des personnes l’ont acceptée rapidement. Cela fait maintenant neuf semaines que je travaille de chez moi. Je sais que je suis chanceuse de pouvoir continuer à faire mon travail. Pendant ces neuf semaines, j’ai appris à m’adapter : j’essaye de garder un rythme régulier, de mettre en place des règles avec les autres membres de ma famille, d’interagir le plus possible avec mes amis et ma famille sur Internet.

Nous commençons juste à voir un début de retour à la normale, depuis que l’atmosphère de crainte s’est effacée. Les gens sortent, vont faire les courses, marchent dans les rues en profitant du soleil, et les stocks des magasins sont presque pleins. Ce matin, des personnes faisaient du jogging et du sport ensemble dans le parc près de chez moi. Cependant, la grande majorité des gens continue de porter des masques, et la récente hausse du nombre de cas est un rappel de la précarité de la situation sanitaire.

Cela me brise le cœur de voir tant d’autres pays vivre la même expérience douloureuse que nous. Tant de personnes ont perdu la vie, et même s’il n’y aura jamais de véritable « retour à la normale » pour leurs proches, j’espère que nous pourrons tous et toutes tirer des leçons de cette pandémie. Cela inclut les gouvernements, qui doivent apprendre de leurs erreurs passées.

Nous devons prendre soin les uns des autres, et faire tout ce que nous pouvons pour aider et soutenir nos courageux soignants, qui sont les héritiers de ceux qui ont perdu la vie en 2003. Nous devons également nous battre pour nos droits à la santé et à l’information, afin d’être mieux préparés à l’avenir pour protéger nos populations et sauver des vies.