Philippines. Il faut retirer la demande d’injonction au silence visant le groupe audiovisuel ABS-CBN

En réaction aux informations selon lesquelles le procureur général philippin Jose Calida a demandé à la Cour suprême de prononcer une injonction au silence interdisant toute déclaration sur sa demande d’annulation de la licence du groupe audiovisuel ABS-CBN, Nicholas Bequelin, directeur régional d’Amnesty International, a déclaré :

« Cette injonction au silence est une manœuvre visant à faire taire les détracteurs du gouvernement et établirait un dangereux précédent en matière de violation du droit à la liberté d’expression. Il est inadmissible que le gouvernement cherche à empêcher tout débat libre sur des questions d’intérêt public comme la liberté des médias et les violations des droits humains actuellement commises dans le pays.

« Les autorités sévissent contre ce réseau de télévision, mais aussi contre le droit de chaque Philippin de s’exprimer librement. Cette requête doit être retirée.

« Comment les autorités peuvent-elles tenter de restreindre la liberté d’expression et s’attendre ensuite à ce que le peuple des Philippines reste silencieux ? Au contraire, les efforts soutenus du gouvernement pour affaiblir la capacité des médias à faire leur travail librement ne feront qu’aviver de nouvelles critiques. Il serait mieux avisé d’écouter ces critiques et de calmer ce qui les attise, au lieu de se livrer à des coups de théâtre judiciaires pour étouffer les droits humains. »

Complément d’information

Le 18 février 2018, le procureur général philippin Jose Calida a demandé à la Cour suprême de rendre une injonction au silence en lien avec sa requête déposée devant la même cour pour annuler la licence et ordonner la fermeture d’ABS-CBN Corporation et de sa filiale ABS-CBN Convergence, Inc. Dans cette demande d’injonction au silence, Jose Calida a prié la cour d’empêcher « les parties et les personnes agissant au nom d’[ABS-CBN] » de publier des déclarations au sujet de la requête.

Dans la requête en quo warranto, Jose Calida a cité des violations de la loi qu’aurait commises le groupe audiovisuel, comme le fait d’autoriser la participation d’investisseurs étrangers en dépit d’interdictions constitutionnelles. Il l’a aussi accusé d’avoir lancé un service d’abonnement sans l’approbation requise du gouvernement.

La Cour suprême a donné à ABS-CBN cinq jours pour répondre à la demande d’injonction au silence et 10 jours pour répondre à la requête.

Plusieurs projets de loi sont actuellement en instance devant le Congrès des Philippines en vue de renouveler la franchise du réseau, mais ils n’ont pas encore été examinés depuis que le Congrès actuel a débuté sa session en juillet 2019. La licence d’ABS-CBN doit expirer en mars 2020.

ABS-CBN a produit plusieurs reportages d’investigation mettant en lumière les exécutions extrajudiciaires et autres atteintes aux droits humains commises dans le cadre de la « guerre contre la drogue » menée par le gouvernement. De même, le site d’informations  Rappler et sa rédactrice en chef Maria Ressa, qui ont critiqué la campagne de lutte contre les stupéfiants dans leurs reportages, sont en butte à toute une série de poursuites judiciaires, notamment pour des accusations d’évasion fiscale, de diffamation en ligne et de participation étrangère au capital d’une entreprise.