Israël. Empêchez NSO d’exporter ses logiciels espions vers des pays qui bafouent les droits humains

Il faut qu’Israël retire sa licence d’exportation à NSO, dont les logiciels espions ont servi à lancer des attaques malveillantes contre des défenseur·e·s des droits humains dans le monde entier, a déclaré Amnesty International en se référant à la dernière affaire en date mettant en cause cette entreprise technologique.

Le 16 janvier 2020, un juge du tribunal de district de Tel-Aviv commencera à entendre les arguments expliquant pourquoi le ministère israélien de la Défense doit restreindre les activités de NSO. Le logiciel Pegasus a été utilisé pour cibler des journalistes et des militant·e·s à travers le monde, notamment au Maroc, en Arabie saoudite, au Mexique et aux Émirats arabes unis.

Le meilleur moyen d’empêcher les puissants logiciels espions de NSO de tomber entre les mains de gouvernements répressifs est de retirer à l’entreprise sa licence d’exportation.

Danna Ingleton, directrice adjointe d’Amnesty Tech

« NSO continue de tirer des bénéfices de l’utilisation de ses logiciels espions dans la commission d’atteintes aux droits humains visant des militant·e·s dans le monde entier et l’État israélien ne réagit pas, a déclaré Danna Ingleton, directrice adjointe d’Amnesty Tech.

« Le meilleur moyen d’empêcher les puissants logiciels espions de NSO de tomber entre les mains de gouvernements répressifs est de retirer à l’entreprise sa licence d’exportation, et c’est exactement ce qui est demandé dans le cadre de cette affaire. »

L’action en justice est intentée par une trentaine de membres et de sympathisant·e·s d’Amnesty International Israël et des membres de la communauté de défense des droits humains. Elle est soutenue par Amnesty International dans le cadre d’un projet conjoint avec l’Institut Bernstein pour les droits humains et la Clinique pour la justice mondiale, qui dépendent tous deux de la faculté de droit de l’université de New York.

« En autorisant les exportations de NSO – une entreprise vendant ses logiciels espions intrusifs à des États réputés pour bafouer les droits humains –, le ministère de la Défense n’a pas respecté les obligations juridiques qui lui incombent au regard des droits humains, à savoir la protection des droits à la vie privée, à la liberté d’expression et à la liberté d’opinion », a déclaré Sukti Dhital, directrice exécutive de l’Institut Bernstein pour les droits humains.

La semaine du 6 janvier 2020, le ministère de la Défense a demandé au juge d’abandonner les poursuites ou, dans le cas contraire, d’imposer une obligation de réserve aux médias pour des raisons de sécurité nationale.

« L’affaire doit absolument être jugée publiquement, il y va de l’intérêt général et de la liberté de la presse. Le ministère de la Défense ne doit pas être autorisé à agir sous le sceau du secret lorsqu’il s’agit d’atteintes aux droits humains », a déclaré Danna Ingleton.

Attaques numériques

L’audience prévue est la plus récente action en justice qui concerne NSO. En octobre 2019, Facebook a annoncé engager des poursuites à l’encontre de NSO car l’entreprise israélienne avait exploité une faille de WhatsApp pour viser au moins 100 défenseur·e·s des droits humains.

Amnesty International et d’autres organisations ont recueilli des informations sur l’utilisation répétée du logiciel espion Pegasus pour attaquer la société civile et étouffer la liberté d’expression. Toujours en octobre 2019, Amnesty International a découvert des attaques numériques ciblées utilisant Pegasus contre deux éminents défenseurs marocains des droits humains – l’universitaire et militant Maati Monjib et l’avocat spécialisé dans la défense des droits humains Abdessadak El Bouchattaoui.

En août 2018, un membre du personnel d’Amnesty International a reçu un message contenant un lien qui menait prétendument à des renseignements sur une manifestation organisée devant l’ambassade d’Arabie saoudite à Washington. À l’époque, Amnesty International faisait campagne pour la libération de défenseures saoudiennes des droits humains. En réalité, le fait de cliquer sur le lien déclenchait l’installation, à l’insu du destinataire, d’un logiciel malveillant de NSO qui permettait à l’expéditeur de prendre le contrôle quasi total du téléphone.

Des recherches menées précédemment ont mis au jour l’utilisation de Pegasus pour cibler au moins 24 défenseur·e·s des droits humains, journalistes et parlementaires au Mexique, les militants saoudiens Omar Abdulaziz, Yahya Assiri et Ghanem Al Masarir, le défenseur des droits humains primé Ahmed Mansoor, des Émirats arabes unis, ainsi que, semble-t-il, le dissident saoudien assassiné Jamal Khashoggi.

Surveillance abusive

L’entreprise NSO affirme aider les États à lutter contre le terrorisme et la criminalité mais elle n’a pas pu réfuter les preuves de plus en plus nombreuses qui font apparaître un lien entre ses produits et des attaques contre des défenseur·e·s des droits humains.

Bien qu’elle déclare réaliser un examen rigoureux avant de vendre ses produits, elle n’a pas fourni de détails à ce sujet et, au vu du nombre d’attaques visant la société civile, ces mesures s’avèrent bien souvent inefficaces.

En septembre, NSO a annoncé le lancement d’une nouvelle politique en matière de droits humains mais a rejeté toute responsabilité dans les multiples cas d’utilisation abusive de ses technologies de surveillance qui ont été signalés.

Les États sont tenus de protéger les droits humains dans le contexte des activités des entreprises, notamment par la réglementation et le contrôle. Toutes les entreprises ont la responsabilité de respecter les droits humains tout au long de leurs opérations et de leurs chaînes d’approvisionnement. Aussi doivent-elles éviter de causer des atteintes aux droits humains ou d’y contribuer et prendre des mesures afin d’identifier et de gérer les risques relatifs aux droits humains dans le cadre de leurs activités.