Iran. Le monde doit condamner fermement l’usage de la force meurtrière contre les manifestants alors que le bilan s’élève à 143 morts

Mise à jour du 29 novembre 2019

Le nombre de manifestant·e·s en Iran dont la mort a été confirmée est passé à 161, d’après des informations crédibles reçues par Amnesty International. Le nombre réel de victimes est probablement bien plus élevé que cela.

***

La communauté internationale doit dénoncer l’usage délibéré de la force meurtrière par les forces de sécurité iraniennes qui s’est soldé par la mort d’au moins 143 manifestants depuis que des manifestations ont éclaté le 15 novembre, a déclaré Amnesty International le 25 novembre 2019.

D’après des informations crédibles reçues par Amnesty International, le nombre de victimes s’élève à au moins 143. Ces décès sont dus très majoritairement à l’usage d’armes à feu. Un homme serait mort après avoir inhalé des gaz lacrymogènes, un autre après avoir été roué de coups. Amnesty International pense que le nombre de victimes est beaucoup plus élevé et poursuit ses investigations.

« Le bilan qui s’aggrave est une indication alarmante du traitement infligé aux manifestants non armés par les autorités iraniennes et témoigne d’un mépris cruel pour la vie humaine », a déclaré Philip Luther, directeur du travail de recherche et de plaidoyer pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient à Amnesty International.

Jusqu’à présent, si le Haut-Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU, l’UE et plusieurs États condamnent ce qu’ils qualifient d’usage manifeste de la force excessive, ils ne reconnaissent pas explicitement le recours à la force meurtrière visant à tuer des manifestants, malgré les éléments de preuve qui s’accumulent.

« La réaction prudente et silencieuse de la communauté internationale face à l’homicide illégal de manifestants est plus qu’insuffisante. Elle doit condamner ces homicides dans les termes les plus fermes et qualifier cette situation pour ce qu’elle est : un usage meurtrier et totalement injustifié de la force dans le but d’écraser la dissidence », a déclaré Philip Luther.

La réaction prudente et silencieuse de la communauté internationale face à l’homicide illégal de manifestants est plus qu’insuffisante. Elle doit condamner ces homicides dans les termes les plus fermes et qualifier cette situation pour ce qu’elle est : un usage meurtrier et totalement injustifié de la force dans le but d’écraser la dissidence.

Philip Luther, Amnesty International

Les récits terribles de témoins et de proches de victimes présents sur le terrain, les informations recueillies auprès de militants des droits humains et de journalistes en dehors du pays et les nombreuses vidéos analysées par le Service de vérification numérique d’Amnesty International fournissent clairement la preuve que les forces de sécurité iraniennes ont intentionnellement utilisé des armes à feu contre des manifestants non armés qui ne représentaient aucune menace pour la vie.

Sur des vidéos authentifiées, on peut voir les forces de sécurité tirer délibérément sur des manifestants non armés à faible distance. Dans certains cas, les manifestants se sont fait tirer dessus alors qu’ils s’enfuyaient en courant et ne représentaient clairement aucune menace pour les forces de sécurité. D’autres vidéos montrent les forces de sécurité tirer en direction des manifestants depuis le toit de bâtiments publics, notamment depuis un bâtiment du ministère de la Justice.

Les forces de sécurité qui mènent la répression sont les forces de police iraniennes, les pasdaran (Gardiens de la révolution) et des agents en civil de la force paramilitaire des bassidjis.

Amnesty International a reçu des informations indiquant que, dans de nombreux cas, les autorités iraniennes ont refusé de restituer les dépouilles des victimes à leur famille et, parfois, les forces de sécurité ont retiré les cadavres des morgues pour les transférer dans des lieux tenus secrets.

Information des plus choquantes, lorsqu’elles ont rendu les dépouilles à leur famille, les autorités ont parfois réclamé un paiement en invoquant divers motifs, notamment le coût de la balle qui a tué leur proche ou à titre d’indemnisation pour les biens détruits lors des manifestations. Au moins un haut responsable de la province du Khuzestan a nié ces allégations. Pratique qui rappelle les précédents homicides de manifestants, les autorités ont menacé d’arrêter les familles des victimes si elles organisent des funérailles pour leurs proches ou parlent aux médias.

Amnesty International a aussi reçu des informations selon lesquelles les autorités déplacent des manifestants blessés des hôpitaux vers des centres de détention, mettant leurs vies en danger en les privant de soins médicaux qui pourraient permettre de leur sauver la vie.

Aux termes du droit international, les forces de sécurité ne peuvent recourir à la force meurtrière qu’en tout dernier recours, lorsque cela est absolument inévitable pour protéger des tiers contre une menace imminente de mort ou de graves blessures.

Même si une faible minorité de manifestants fait usage de violence, les forces de sécurité doivent toujours faire preuve de retenue et ne pas employer plus de force qu’il n’est strictement nécessaire, proportionné et légal en réponse à la violence à laquelle elles font face.

Complément d’information

Voici une répartition, par province, des 143 morts signalés jusqu’à présent à Amnesty International. L’organisation a obtenu ces informations à partir de signalements dont elle a vérifié la crédibilité et la fiabilité en interrogeant des proches de victimes, des journalistes et des défenseurs des droits humains ayant contribué à recueillir ces données. Elle a ensuite recoupé ces informations.

  1. Province d’Alborz : 9
  2. Province de l’Azerbaïdjan oriental : 1
  3. Province d’Ispahan : 7
  4. Province du Fars : 15
  5. Province de Kerman : 1
  6. Province de Kermanshah : 34
  7. Province du Khuzestan : 40
  8. Province du Kurdistan : 12
  9. Province de Téhéran : 20
  10. Province de l’Azerbaïdjan occidental : 4