Soudan du Sud. Il faut enquêter sur les homicides présumés de deux militants

Un rapport d’experts des Nations unies indique qu’il est « très probable » que les services de sécurité aient tué Dong Samuel Luak et Aggrey Ezbon Idri

Les autorités du Soudan du Sud doivent ouvrir rapidement une enquête indépendante et rigoureuse sur les exécutions extrajudiciaires présumées de deux militants qui avaient ouvertement critiqué le gouvernement, ont déclaré le 30 avril Amnesty International et Human Rights Watch. En janvier 2017, l’avocat sud-soudanais de premier plan Dong Samuel Luak et l’opposant politique Aggrey Ezbon Idri avaient été enlevés par des personnes alors non identifiées dans les rues de Nairobi, au Kenya.

Le 30 avril 2019, le Groupe d’experts des Nations unies sur le Soudan du Sud a publié un rapport concluant que des membres du Service national de la sûreté du Soudan du Sud (NSS) avaient enlevé Dong Samuel Luak et Aggrey Ezbon Idri à Nairobi les 23 et 24 janvier 2017, respectivement. Selon les experts de l’ONU, les deux hommes ont été rapatriés au Soudan du Sud le 27 janvier à bord d’un avion de ligne affrété avec l’aide de l’ambassade du pays à Nairobi. Ils auraient ensuite été détenus au siège du NSS, situé dans le quartier de Djebel, à Djouba, la capitale du Soudan du Sud, avant d’être conduits à un centre de formation du NSS situé sur une propriété destinée à l’usage du président Salva Kiir à Luri, près de Djouba. Le Groupe d’experts a conclu qu’il était « très probable » que les deux hommes aient été exécutés peu après, le 30 janvier 2017.

« Les conclusions du Groupe d’experts de l’ONU selon lesquelles Dong Samuel Luak et Aggrey Ezbon Idri ont probablement été tués quelques jours après leur enlèvement au Kenya, alors que les autorités kenyanes et sud-soudanaises ignoraient les appels de leurs proches, révèlent une cruauté choquante, a déclaré Jehanne Henry, directrice adjointe de la division Afrique de Human Rights Watch. Les autorités sud-soudanaises doivent cesser d’étouffer cette affaire et permettre à des enquêteurs indépendants de se rendre dans les locaux de l’agence de sécurité à Djebel et à Luri. »

Les autorités sud-soudanaises doivent également permettre à des observateurs indépendants du cessez-le-feu, au groupe d’experts de l’ONU et à la Commission des Nations unies sur les droits de l’homme au Soudan du Sud de se rendre sur le lieu de la détention présumée des deux hommes à Luri, ont déclaré les deux organisations.

Le 17 janvier 2019, un tribunal du Kenya a mis fin à la supervision de 24 mois de l’enquête de la police kenyane ouverte immédiatement après la disparition des deux hommes à Nairobi, déclarant que la police avait agi « avec prudence et dans le respect de la loi ». Le tribunal a indiqué qu’il était tenu de respecter les méthodes de la police et son calendrier, et que les familles devaient utiliser d’autres voies de recours administratives telles que le dépôt d’une plainte auprès de l’Autorité interne de surveillance de la police.

La disparition de ces deux hommes résulte, selon de nombreuses personnes, d’une entente entre le Soudan du Sud et le Kenya, mais les deux gouvernements ont systématiquement nié détenir ces hommes et savoir où ils se trouvaient.

Pourtant, Amnesty International et Human Rights Watch avaient reçu des informations crédibles selon lesquelles ces deux hommes avaient été vus en détention au siège du NSS, à Djouba, les 25 et 26 janvier 2017, avant d’être emmenés ailleurs le 27 janvier.

D’après le groupe d’experts de l’ONU, des agents du Bureau de la sécurité interne du NSS ont probablement exécuté les deux hommes. Ils auraient agi sur les ordres du commandant du centre de formation du NSS à Luri, du commandant de la Division centrale du NSS et, en définitive, du général de corps d’armée Akol Koor Kuc, le directeur général du Bureau de la sécurité interne du NSS.

Amnesty International et Human Rights Watch ont recensé à plusieurs reprises des arrestations arbitraires et des détentions d’opposants présumés dans des établissements officiels et officieux du NSS dans tout le pays, ordonnées par le gouvernement du Soudan du Sud. Dans de nombreux cas, les autorités ont maintenu des personnes en détention pendant des périodes prolongées, sans inculpation et sans que ces personnes aient la possibilité de voir leurs proches et de consulter un avocat, et les ont soumises à des actes de torture et d’autres mauvais traitements, à des exécutions extrajudiciaires et à des disparitions forcées.

Le Soudan du Sud doit de toute urgence réformer le NSS en droit et dans la pratique et veiller à ce que les responsables présumés de graves crimes soient amenés à rendre des comptes, y compris les personnes exerçant des fonctions de commandement.

« Le Kenya et le Soudan du Sud ont gravement manqué à leur devoir de protection envers Dong Samuel Luak et Aggrey Ezbon Idri, a déclaré Seif Magango, directeur adjoint du programme Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique et Grands Lacs à Amnesty International. Dong Samuel Luak était enregistré en tant que réfugié au Kenya et le fait qu’il ait été enlevé dans ce pays et conduit au Soudan du Sud pour être exécuté est consternant. Les deux gouvernements doivent cesser immédiatement de nier catégoriquement les faits, révéler le sort réservé aux deux hommes à leurs proches et au monde, et amener les responsables à rendre des comptes. »

Le Kenya et le Soudan du Sud ont gravement manqué à leur devoir de protection envers Dong Samuel Luak et Aggrey Ezbon Idri.

Seif Magango, directeur adjoint du programme Afrique de l’Est, Corne de l’Afrique et Grands Lacs à Amnesty International