Eswatini. Un an après, les habitants de Malkerns soumis à une expulsion forcée vivent dans la détresse et la pauvreté

L’expulsion forcée de 61 personnes, dont 33 enfants, dans une zone agricole en Eswatini, il y a un an, a fait sombrer dans la détresse de nombreux enfants et un grand nombre de familles frappées par la pauvreté, qui luttent pour survivre, a déclaré Amnesty International à la suite d’entretiens avec les familles concernées 12 mois après que ces personnes se sont retrouvées sans logement.

Le 9 avril 2018, les autorités de l’Eswatini ont déployé des policiers armés et utilisé des bulldozers pour démolir quatre homesteads (fermes) dans la zone agricole d’Emphetseni, dans la ville de Malkerns. Toutes les personnes concernées ont perdu leur logement en raison de ces démolitions. Un grand nombre des personnes expulsées ont aussi perdu leurs moyens de subsistance, ainsi que l’accès aux tombes de leurs proches.

« Les expulsions forcées qui ont eu lieu à Malkerns ont anéanti l’avenir de ces personnes, y compris celui des enfants dont l’éducation a été interrompue, a déclaré Deprose Muchena, directeur régional pour l’Afrique australe à Amnesty International.

Les expulsions forcées qui ont eu lieu à Malkerns ont anéanti l’avenir de ces personnes, y compris celui des enfants dont l’éducation a été interrompue.

Deprose Muchena, directeur régional pour l’Afrique australe à Amnesty International

« Les familles concernées ont été précipitées dans une spirale de la pauvreté dont elles ne pourront peut-être pas s’échapper. Elles ont non seulement perdu leurs logements et leurs moyens de subsistance, mais aussi leurs liens étroits avec les terres sur lesquelles elles vivent depuis plus de six décennies. »

Un an après ces expulsions forcées, les victimes ont dit à Amnesty International qu’on les a fait sombrer dans la pauvreté. Dans un grand nombre de cas, il s’agissait de cellules familiales dirigées par des femmes qui pratiquaient une agriculture de subsistance.

Les familles concernées ont été précipitées dans une spirale de la pauvreté dont elles ne pourront peut-être pas s’échapper.

Deprose Muchena

Une femme a déclaré à Amnesty International : « La situation a énormément changé [maintenant]. Sur nos terres, nous labourions [et faisions pousser notre nourriture], mais maintenant il faut payer pour tout. »

Une autre de ces femmes a expliqué : « Avant, on pouvait manger autant qu’on voulait. Maintenant, un chou coûte 1,41 dollar [des États-Unis] au supermarché. »

Les personnes qui ont trouvé un logement doivent à présent trouver de quoi payer le loyer, et en raison de cette charge financière supplémentaire, elles n’ont plus d’argent pour payer les frais de scolarité de leurs enfants.

Des enfants en grande difficulté

Trente-trois enfants figurent parmi les 61 personnes victimes des expulsions forcées, et certains d’entre eux sont en grande difficulté depuis qu’ils ont assisté à la destruction de leur maison. De nombreux parents ont dit à Amnesty International que leurs enfants étaient angoissés et avaient besoin d’un soutien psychologique.

« Les enfants ne peuvent pas très bien apprendre. Avant on planifiait les choses pour les frais de scolarité, mais maintenant c’est difficile de planifier, a déclaré l’un de ces parents au sujet du manque d’argent et de l’impossibilité de payer les frais de scolarité.

Amnesty International demande que les familles concernées obtiennent réparation et un dédommagement, y compris un accès à un logement convenable, à l’eau, à des installations sanitaires, à l’éducation et à des services de santé. Les enfants ayant subi une expulsion forcée doivent également bénéficier d’un soutien psychosocial.

Amnesty International appelle également les autorités à instaurer un moratoire national sur les expulsions de grande ampleur jusqu’à ce que des garanties juridiques et procédurales adéquates soient en place afin que toutes les expulsions soient conformes aux normes internationales et régionales relatives aux droits humains.

« La population en Eswatini est à la merci des autorités et des personnes détenant des titres de propriété pour les terres. En raison d’un système de propriété foncière inadéquat, de nombreuses personnes sont exposées au risque de subir une expulsion forcée et de se retrouver sans logement », a déclaré Deprose Muchena.

Les autorités du pays doivent garantir la sécurité d’occupation et mettre fin aux expulsions forcées. »

Les autorités du pays doivent garantir la sécurité d'occupation et mettre fin aux expulsions forcées.

Deprose Muchena

Les opérations d’expulsion qui ont eu lieu à Malkerns ont été menées par un représentant de la Haute Cour de Mbabane à la suite d’une décision de la Haute Cour datant de juillet 2017. À la suite des démolitions, certaines des personnes expulsées ont dû passer la nuit dans un poulailler. D’autres ont dormi dehors sous la pluie pour protéger leurs affaires.

Complément d’information

Dans son rapport publié en 2018, Amnesty International a attiré l’attention sur les répercussions persistantes des expulsions forcées menées en Eswatini, qui ont jeté à la rue plusieurs centaines de personnes au fil des ans.