Thaïlande. À l’approche des élections, il faut abandonner les poursuites visant les détracteurs pacifiques et les restrictions pesant sur les droits

Le gouvernement doit cesser de se servir de la peur, de l’intimidation et de l’incarcération contre des citoyens qui se font entendre pacifiquement.

Katherine Gerson, chargée de campagne sur la Thaïlande à Amnesty International

Les autorités thaïlandaises doivent lever sans attendre les restrictions arbitraires qui pèsent sur les droits humains et les activités politiques pacifiques, et abandonner les accusations visant des détracteurs pacifiques en amont des élections prévues en février prochain, a déclaré Amnesty International le 7 décembre 2018 à la veille d’une rencontre cruciale entre la junte militaire au pouvoir et les partis politiques.

Le gouvernement militaire thaïlandais a fixé la date provisoire des élections générales au 24 février 2019. Si elles ont lieu, il s’agira des premières élections depuis qu’il s’est emparé du pouvoir à la faveur d’un coup d’État en 2014.

Le gouvernement doit rencontrer les partis pour débattre de projets et de procédures politiques en amont des élections générales.

« Depuis le coup d’État, le régime militaire thaïlandais a imposé une série d’interdictions répressives et injustifiées pesant sur les activités politiques et l’exercice des droits à la liberté d’expression et de réunion pacifique, a déclaré Katherine Gerson, chargée de campagne sur la Thaïlande à Amnesty International. Il s’est engagé à les lever prochainement, au fur et à mesure qu’il progresse sur sa feuille de route vers les élections. Mais jusqu’à présent, la junte n’a pris aucune mesure ou presque pour tenir sa promesse. »

Rétablir et respecter les droits

Lors de cette rencontre, les autorités thaïlandaises doivent annoncer des mesures immédiates visant à permettre aux citoyens d’exercer pleinement leurs droits sans craindre l’emprisonnement ni le harcèlement. Ils pourront ainsi recevoir et diffuser des informations en ligne et dans les médias, s’engager dans le débat public et dans des campagnes, se rassembler et manifester pacifiquement, critiquer les responsables politiques et exprimer des points de vue divers ou dissidents sans craindre d’être incarcérés ni persécutés.

Les autorités doivent aussi adresser un signal clair témoignant de leur engagement à faire respecter ces droits : elles doivent abandonner les accusations – et annuler les condamnations – portées à l’encontre de toutes les personnes prises pour cibles uniquement pour avoir exercé sans violence leurs droits.

Mettre fin au harcèlement juridique des détracteurs pacifiques

En septembre et en décembre, des accusations ont visé les dirigeants des partis politiques Seri Thai et Freedom Forward, des représentants de l’État ayant porté plainte contre eux.

En septembre, les partis politiques ont bénéficié d’autorisations limitées pour se réunir et élire leurs dirigeants, et beaucoup l’ont perçu comme une indication de la tenue prochaine des élections et de la suppression des nouvelles restrictions sur le plan politique. Pourtant, en septembre également, les autorités ont inculpé le parti Future Forward, qui aurait violé la Loi sur les cybercrimes en postant sur Facebook ce qui a été considéré comme des critiques visant les autorités.

« La junte progresse vers la tenue de ces élections, tout en continuant de harceler juridiquement ses opposants pour les réduire au silence, a déclaré Katherine Gerson. Depuis trop longtemps, elle se sert de l’ordre public comme d’un prétexte pour se protéger contre les critiques et se cramponner aux contrôles draconiens des citoyens qui se rassemblent et expriment leur opinion. »

À titre de première mesure, les autorités doivent lever toutes les restrictions arbitraires imposées à la liberté d’expression, de réunion pacifique et d’association – notamment au titre de la restriction n° 3/2015 du Conseil national pour la paix et l’ordre (CNPO). « Ces interdictions sapent gravement les droits humains, la vie politique et la réputation de la Thaïlande », a déclaré Katherine Gerson.

À travers le pays, des centaines d’étudiants, d’universitaires, de journalistes, d’avocats, de militants et d’autres personnes se retrouvent en prison pendant des décennies pour s’être réunis en public, avoir critiqué pacifiquement, fait valoir leurs droits ou simplement appelé à des élections.

« Nul ne sera dupe d’un saupoudrage superficiel apporté au statu quo restrictif en vigueur, a déclaré Katherine Gerson. Les autorités thaïlandaises ont annoncé qu’elles devraient annuler certaines restrictions dès la semaine prochaine, mais elles doivent aller plus loin. Le gouvernement doit cesser de se servir de la peur, de l’intimidation et de l’incarcération contre des citoyens qui se font entendre pacifiquement. »