Trinité-et-Tobago. Les autorités ne peuvent justifier le non-respect de leurs obligations internationales en matière d’asile

Les autorités de Trinité-et-Tobago doivent cesser de criminaliser les manifestations pacifiques des migrants et des réfugiés et trouver des solutions fondées sur les droits humains, conformément à leurs obligations découlant du droit international, a déclaré Amnesty international le 21 novembre 2018.

En réaction aux déclarations officielles du procureur général de Trinité-et-Tobago, Faris Al Rawi, qui donnent à penser que le pays n’est pas encore tenu légalement de mettre en place un système pour faire face au nombre croissant de migrants et de réfugiés qui atteignent l’île caribéenne puisqu’elle n’a pas ratifié la Convention des Nations unies relative au statut des réfugiés, Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International, a déclaré :

« Le procureur général se méprend quant à sa compréhension des obligations de Trinité-et-Tobago aux termes du droit international. Ayant adhéré à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et à son Protocole de 1967, le pays est tenu de respecter les termes de ces traités. Il doit donc respecter le droit fondamental de demander l’asile et ne jamais renvoyer des personnes vers des pays où leur vie ou leur liberté est menacée. »

Ces déclarations du procureur général font suite à l’arrestation présumée de 78 demandeurs d’asile et réfugiés cubains, qui avaient protesté pacifiquement contre leur situation en termes de droits humains dans le pays, devant la maison de l’ONU à Port-d’Espagne, ravivant les débats sur le nombre croissant de migrants et de réfugiés à Trinité-et-Tobago.

D’après les médias, les Cubains arrêtés le 16 novembre ont été inculpés d’obstruction à la libre circulation au titre de la Loi sur les infractions sommaires et condamnés à deux jours de prison. À la question de savoir si Trinité-et-Tobago était en discussion avec les autorités cubaines pour expulser ces ressortissants cubains, le procureur général a répondu que le ministre de la Sécurité nationale avait la main sur cette question.

Trinité-et-Tobago doit donc respecter le droit fondamental de demander l’asile et ne jamais renvoyer des personnes vers des pays où leur vie ou leur liberté est menacée.

Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International

Trinité-et-Tobago est partie à la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés et au Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, auxquels le pays a adhéré en novembre 2000. De ce fait, il est tenu de protéger pleinement les droits de ceux qui ont besoin d’une protection internationale. Si Trinité-et-Tobago n’a pas adopté de loi nationale afin d’encadrer le traitement de ces personnes, une règle du droit coutumier international établit qu’un État ne doit pas invoquer les dispositions de son droit national, ou leur absence, pour justifier son manquement à l’application des termes d’un traité.

En 2014, le conseil des ministres de Trinité-et-Tobago a adopté une stratégie nationale visant à répondre à la question des demandeurs d’asile et des réfugiés. Au titre de cette politique, les réfugiés reconnus doivent bénéficier d’une palette de droits, notamment de documents de voyage, de papiers d’identité, de permis de travail et du droit à l’éducation. Dans la pratique, ceux qui demandent l’asile ou se voient accorder le statut de réfugié ne sont pas autorisés à travailler – et beaucoup se retrouvent dans le dénuement – ni à envoyer leurs enfants à l’école. Les Cubains arrêtés protestaient contre cet état de fait.

« En criminalisant les migrants et les réfugiés qui protestaient contre le non-respect de leurs droits, les autorités de Trinité-et-Tobago appliquent une stratégie à court terme face au nombre croissant de personnes qui atteignent leurs côtes en quête d’une protection internationale, a déclaré Erika Guevara-Rosas.

« Au lieu d’enfermer des gens qui veulent simplement reconstruire leur vie en sécurité, elles devraient s’appuyer sur la politique en vigueur en matière de réfugiés et d’asile et mettre en place une législation qui permette à la nation de remplir ses obligations découlant du droit international. »

Le droit international établit que les États ne doivent pas renvoyer des personnes vers des pays où leur vie ou leur liberté serait menacée et où elles pourraient être soumises à des actes de torture ou à d’autres violations des droits humains. Pourtant, en avril, Trinité-et-Tobago a expulsé plus de 80 Vénézuéliens, possiblement en violation du droit international.

Presque tous les États d’Amérique latine se sont dotés de lois nationales relatives aux réfugiés.

Complément d’information

Fin 2017, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a recensé 2 286 personnes relevant de sa compétence à Trinité-et-Tobago. La plupart étaient des Vénézuéliens, les Cubains composant le deuxième plus grand groupe de demandeurs d’asile.

Si Amnesty International constate des restrictions sévères imposées au droit à la liberté d’expression à Cuba depuis des décennies, des dizaines de milliers de Cubains ont quitté leur patrie ces dernières années. Son rapport, publié en 2017 sous le titre Your Mind is in Prison, fondé sur des entretiens avec plus de 60 migrants cubains, répertorie les mécanismes de contrôle de la liberté d’expression actuellement en vigueur dans le pays et les risques encourus par les Cubains qui osent s’exprimer.

En mars, Amnesty International a publié Emergency Exit, document qui révélait que les violations du droit à la santé, ainsi que les difficultés à se procurer de la nourriture et à avoir accès à d’autres services élémentaires, mettent des milliers de vies en péril au Venezuela et alimentent une crise migratoire régionale.

En septembre, elle a publié une lettre ouverte adressée aux gouvernements régionaux leur demandant, ainsi qu’à la communauté internationale, de se mettre d’accord sur des mesures urgentes pour garantir les droits des Vénézuéliens qui ont besoin d’une protection internationale. Elle a aussi publié un rapport exposant l’incapacité du gouvernement de l’île de Curaçao (Caraïbes) à mettre en place des procédures efficaces pour les demandeurs d’asile, à la lumière du nombre croissant de ressortissants vénézuéliens ayant besoin d’une protection internationale.