Pérou. Un tribunal national doit réviser la grâce accordée à l’ancien président Alberto Fujimori

Amnesty International assistera le 21 septembre 2018 à l’audience qui devra établir si la « grâce humanitaire » accordée à l’ancien président Alberto Fujimori en 2017 bafoue les obligations de l’État péruvien d’enquêter, de poursuivre et de sanctionner les responsables de graves atteintes aux droits humains.

« Nous espérons que les tribunaux nationaux vont se saisir de l’occasion offerte par la Cour interaméricaine des droits de l’homme en vue de déterminer si la grâce accordée à l’ancien président Alberto Fujimori va à l’encontre des obligations relatives aux droits humains et affecte les droits des victimes de graves violations à la vérité, à la justice et à des réparations », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International.

Cette audience se tiendra à la demande des familles des victimes de Barrios Altos et de La Cantuta devant le tribunal pénal préparatoire de la Cour suprême de justice, conformément à la décision rendue le 15 juin par la Cour interaméricaine des droits de l’homme sur le suivi du respect des arrêts rendus dans ces deux affaires. Amnesty International assistera à l’audience en tant qu’observateur et accompagnera les familles des victimes.

Nous espérons que les tribunaux nationaux vont se saisir de l’occasion offerte par la Cour interaméricaine des droits de l’homme en vue de déterminer si la grâce accordée à l’ancien président Alberto Fujimori va à l’encontre des obligations relatives aux droits humains et affecte les droits des victimes de graves violations à la vérité, à la justice et à des réparations.

Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International

Le 15 juin 2018, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a statué que les tribunaux péruviens devaient établir si la grâce accordée à l’ancien président Alberto Fujimori avait un impact injustifié et disproportionné sur le droit à l’accès à la justice des victimes dans les affaires de Barrios Altos et de La Cantuta. Ce jugement énonçait également que l’État péruvien « ne s’est pas pleinement acquitté de son obligation d’enquêter sur les faits, de poursuivre en justice les responsables présumés et, le cas échéant, de sanctionner les graves violations des droits humains établies dans les jugements ».

Le 31 janvier 2018, Amnesty International a présenté à la Cour interaméricaine une déclaration sous la forme d’un amicus curiae, contestant la compatibilité de la grâce accordée à Alberto Fujimori avec le droit international qui s’applique dans cette affaire.

Amnesty International suivra de près cette décision importante concernant la révision de la grâce accordée à Alberto Fujimori.

« En prenant leur décision, les tribunaux nationaux doivent se concentrer sur les droits des familles des victimes qui ont passé des décennies à réclamer la vérité, la justice et des réparations », a déclaré Marina Navarro, directrice exécutive d’Amnesty International Pérou.

Complément d’information

En 2001, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a rendu un arrêt dans l’affaire Barrios Altos c. Pérou, concernant la responsabilité de l’État dans les événements qui ont fait 15 morts et quatre blessés imputables au groupe paramilitaire Colina, ainsi que l’absence d’enquête et de poursuites judiciaires contre les responsables présumés de ces crimes.

En 2006, la Cour a rendu son jugement dans l’affaire La Cantuta c. Pérou concernant la responsabilité de l’État dans la disparition forcée et l’exécution extrajudiciaire de neuf étudiants et d’un professeur à l’Université nationale Enrique Guzmán et Valle-La Cantuta imputables à des membres du groupe paramilitaire Colina, ainsi que l’absence d’enquête et de poursuites judiciaires contre les responsables présumés de ces crimes.

Ces deux affaires en sont encore à l’étape où la Cour surveille le respect de son jugement.

En 2009, la chambre pénale spéciale de la Cour suprême de justice au Pérou a déclaré l’ancien président Alberto Fujimori, dans un jugement unanime, coupable de blessures graves, de meurtre et d’enlèvement qui, selon la Cour, constituaient des crimes contre l’humanité, perpétrés par ses  subordonnés contre des dizaines des personnes lorsqu’il était chef de l’État. Il a été condamné à 25 ans de prison pour ces crimes, peine maximale prévue par le Code pénal en vigueur au moment où les infractions ont été commises. La sentence a été confirmée quelques mois plus tard par l’assemblée plénière de la Cour suprême.

Le 24 décembre 2017, le président Pedro Pablo Kuczynski a émis le décret suprême n° 281-2017-JUS, qui octroie à l’ancien président Alberto Fujimori « le pardon et le droit de grâce pour raisons humanitaires… concernant les condamnations actuelles et les procédures pénales en cours ».

En juin 2018, la Cour interaméricaine des droits de l’homme a publié sa résolution sur le suivi de l’application des arrêts rendus dans les affaires de Barrios Altos et de La Cantuta, dans laquelle elle a donné aux parties concernées jusqu’au 28 octobre pour remettre des informations sur les progrès accomplis par les autorités constitutionnelles dans l’examen de « la grâce pour raisons humanitaires » accordée à Alberto Fujimori, en lien avec le respect de l’obligation d’enquêter, de poursuivre et de sanctionner les responsables dans les affaires de Barrios Altos et de La Cantuta.