Le Bureau du procureur général de la République ne doit pas inculper les sept défenseur-e-s des droits humains qui font l’objet d’une enquête pour avoir « entravé des travaux publics » dans la ville de Cuetzalan, à moins que des éléments de preuve solides contre eux soient présentés, a déclaré Amnesty International le 5 juillet 2018.
« Il est essentiel que le Bureau du procureur général de la République veille à ce que l’enquête ne s’appuie pas sur des éléments de preuve sans fondement ou peu fiables, utilisés comme représailles pour leur travail de défense des droits humains, et à ce que leur droit à un procès équitable conforme aux normes internationales soit respecté », a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques d’Amnesty International.
« Les autorités mexicaines ne doivent sous aucun prétexte utiliser le système judiciaire de manière abusive pour harceler et réduire au silence des défenseur-e-s des droits humains et entraver ainsi leur travail légitime de défense des terres, du territoire et de l’environnement. »
À la suite d’une plainte déposée par la Commission fédérale de l’électricité, le Bureau du procureur général de la République a ouvert une enquête pénale sur huit membres de l’Union des coopératives Tosepan (TOSEPAN), du Comité de gestion globale du territoire de Cuetzalan (COTIC) et du Mouvement indépendant populaire rural et urbain de fermiers et d’ouvriers (MIOCUP).
Les autorités mexicaines ne doivent sous aucun prétexte utiliser le système judiciaire de manière abusive pour harceler et réduire au silence des défenseur-e-s des droits humains et entraver ainsi leur travail légitime de défense des terres, du territoire et de l’environnement
Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques d’Amnesty International
La plainte est liée à l’installation d’un camp de manifestants pacifiques entre novembre 2016 et octobre 2017 sur des terrains privés à côté du lieu où la Commission fédérale de l’électricité avait prévu de construire un poste électrique et une ligne à haute tension à Cuetzalan, dans l’État de Puebla.
Le peuple maseual considère que ce chantier est mené sans son consentement et sans consultation libre, préalable et éclairée des populations indigènes affectées. La plainte déposée par la Commission fédérale de l’électricité a mené à l’ouverture d’une enquête pénale pour des accusations d’entrave à des travaux publics.
Le défenseur des droits environnementaux Manuel Gaspar Rodríguez, un des huit accusés, a été tué à Cuetzalan le 14 mai, dans un contexte où les défenseur-e-s des droits humains font l’objet de campagnes de dénigrement et de stigmatisation. Les autorités mexicaines ont ouvert une enquête sur sa mort.
« Ces éléments prouvent encore une fois qu’au Mexique, lorsque des défenseur-e-s des droits humains dénoncent des projets qui affecteront directement leurs droits et leur territoire, ils sont victimes de campagnes de dénigrement les accusant de s’opposer au développement. Il est inacceptable qu’au lieu de les protéger, les autorités les poursuivent en justice en vue de les décourager d’exercer leur droit à la liberté d’expression et leur droit de manifester pacifiquement », a déclaré Erika Guevara-Rosas.
Amnesty International appelle la Commission fédérale de l’électricité à ne pas avoir recours à la justice pénale dans le cadre de cette affaire et à trouver une solution par d’autres moyens. Il est essentiel que la Commission fédérale de l’électricité et toutes les autres entreprises mettent en œuvre des procédures de diligence requise afin de veiller au respect des droits humains des populations et communautés affectées par leurs activités et celles de leurs filiales, sous-traitants et fournisseurs, notamment leur droit à la consultation préalable, libre et éclairée.
Ces éléments prouvent encore une fois qu’au Mexique, lorsque des défenseur-e-s des droits humains dénoncent des projets qui affecteront directement leurs droits et leur territoire, ils sont victimes de campagnes de dénigrement les accusant de s’opposer au développement
Erika Guevara-Rosas, directrice pour les Amériques d’Amnesty International
L’organisation demande instamment aux autorités mexicaines de mettre en place immédiatement des mesures de protection efficaces et coordonnées permettant de garantir la sécurité et l’intégrité physique des membres de l’Union des coopératives Tosepan, du COTIC et du MIOCUP, dans le respect de leurs souhaits, afin qu’ils puissent continuer de mener leur travail de défense des droits humains sans crainte de représailles.
Complément d’information
Plusieurs communautés indigènes et paysannes ont indiqué à Amnesty International que leurs droits humains, et particulièrement leur droit à la consultation et au consentement préalables, libres et éclairés, avaient été bafoués dans le cadre de la préparation et de la mise en œuvre de projets de prospection et d’exploitation des ressources naturelles sur leurs terres. En conséquence, les membres de ces communautés exigent que leur droit de participer aux décisions liées à des projets affectant leurs terres et leur mode vie soit respecté.
L’État mexicain a l’obligation, au titre du droit international relatif aux droits humains, d’organiser une consultation préalable auprès des populations indigènes et d’obtenir leur consentement préalable, libre et éclairé avant d’accorder des autorisations de prospection et d’exploitation des ressources naturelles et des terres.
Amnesty International a créé une plateforme recensant ces atteintes et d’autres attaques contre des personnes défendant les droits liés aux terres, au territoire et à l’environnement au Mexique et en Amérique latine : https://speakout4defenders.com.