En réaction à la disparition forcée présumée dans la nuit du 1er mars d’Ezzat Ghonim, avocat défenseur des droits humains et directeur de l’ONG Coordination égyptienne pour les droits et les libertés, Najia Bounaïm, directrice des campagnes pour l’Afrique du Nord à Amnesty International, a déclaré :
« Étant donné le climat politique très tendu en Égypte et la répression visant la dissidence à l’approche de l’élection présidentielle, nous redoutons fortement qu’Ezzat Ghonim n’ait été victime d’une disparition forcée.
« Les autorités égyptiennes sont notoirement connues pour recourir aux disparitions forcées dans le but de réduire au silence les défenseurs des droits humains et les membres de l’opposition. Il semble que nous soyons face à une nouvelle atteinte au droit à la liberté d’expression et d’association, qui fait écho aux nombreux obstacles auxquels se heurtent ceux qui luttent pour défendre les droits fondamentaux du peuple égyptien.
« Au lieu de kidnapper ceux qui se mobilisent pour les droits d’autrui, les autorités égyptiennes devraient protéger ces militants et faciliter leur travail. Elles doivent divulguer toutes les informations dont elles disposent concernant le sort réservé à Ezzat Ghonim et le libérer immédiatement s’il se trouve en garde à vue. »
Complément d’information
Amnesty International s’est entretenue avec la famille et les collègues d’Ezzat Ghonim sur les circonstances de sa disparition dans la soirée du 1er mars. Son épouse a expliqué qu’elle attendait qu’il rentre chez eux depuis son bureau, car il l’avait appelé à 17h30 pour lui dire qu’il serait à la maison dans une demi-heure. Comme il n’était toujours pas rentré à 18h30, elle l’a appelé plusieurs fois sur son téléphone portable, mais son appareil était indisponible et sans doute éteint. Elle a alors appelé ses collègues et ses connaissances, avant de contacter les hôpitaux du secteur et les postes de police, sans obtenir aucune information sur le lieu où il se trouvait. Elle a continué de tenter de le joindre toute la nuit, l’appelant plusieurs fois sur son portable, en vain. À 1h30 du matin, elle l’a rappelé sur son portable et a entendu l’appareil sonner pendant quelques minutes, mais personne n’a répondu. Son portable demeure injoignable depuis.
L’épouse d’Ezzat Ghonim a déposé des plaintes auprès du ministère de l’Intérieur et du bureau du procureur général, leur demandant de révéler où il se trouve.
Amnesty International a déjà recueilli des informations sur plusieurs cas de disparitions forcées en 2018. Le 4 février, le journaliste Mustafa al Aassar et son colocataire, le militant Hassan al Banna, ont « disparu » alors qu’ils se rendaient à leur travail à Guizeh. Le 8 février, le directeur adjoint de Misr al Qawia, le parti d’opposition, a également disparu. Malgré les nombreuses plaintes déposées par les membres des familles et les avocats, les autorités égyptiennes ont refusé de révéler le sort réservé aux trois hommes et le lieu où ils se trouvent. Cependant, ils ont ensuite comparu devant le bureau du procureur de la sûreté de l’État. Les procureurs ont ordonné leur placement en détention pour des charges fabriquées de toutes pièces, pour avoir publié de fausses informations dans l’intention de porter atteinte à la sécurité nationale et avoir rejoint des « organisations interdites ».
La disparition forcée est la méthode de prédilection des autorités égyptiennes lorsqu’elles souhaitent dissimuler d’autres violations des droits humains infligées aux dissidents, comme les mauvais traitements, la torture et les exécutions extrajudiciaires.