L’aggravation de la crise des droits humains déclenche une nouvelle ère du militantisme dans les Amériques

Dans l’ensemble de la région, la population est exposée à une crise des droits humains qui s’aggrave, alimentée par l’intolérance de plus en plus forte des pouvoirs publics à l’égard de l’opposition et par la diabolisation croissante observée dans le discours politique, confortant ainsi la position de la région comme l’une des plus violentes et des plus inégalitaires dans le monde, a déploré Amnesty International à l’occasion du lancement de son rapport annuel sur la situation des droits humains.

L’organisation a toutefois constaté qu’il existe un mouvement de résistance en plein essor réunissant des militants débutants et chevronnés. Ce mouvement permet réellement d’espérer une inversion de la tendance actuelle, qui va dans le sens de l’oppression et de la peur.

Le Rapport d’Amnesty International sur la situation des droits humains dans le monde en 2017 couvre 159 pays et offre l’analyse la plus complète qui soit de la situation actuelle des droits fondamentaux sur la planète.

La persistance des violences paramilitaires en Colombie et la répression exercée dans les rues du Venezuela ne sont que deux exemples des nombreuses violations graves des droits humains dont ont été témoins la plupart des pays des Amériques, marquant un recul inquiétant des droits fondamentaux dans la région en 2017.

Erika Guevara Rosas, directrice d’Amnesty International pour la région Amériques

« La persistance des violences paramilitaires en Colombie et la répression exercée dans les rues du Venezuela ne sont que deux exemples des nombreuses violations graves des droits humains dont ont été témoins la plupart des pays des Amériques, marquant un recul inquiétant des droits fondamentaux dans la région en 2017 », a déclaré Erika Guevara Rosas, directrice d’Amnesty International pour la région Amériques.

« L’incapacité des États à protéger les droits humains a créé les conditions propices à de nouvelles violations commises par des tiers, mettant ainsi en danger la vie de millions de personnes. La défense des droits fondamentaux a été érigée en infraction dans la région, les journalistes, les défenseurs de ces droits et les populations marginalisées étant souvent la cible d’une violente répression parce qu’ils disent la vérité aux puissants. »

L’abandon des droits humains par les dirigeants déclenche des mouvements de protestation

Le Rapport dégage des tendances inquiétantes en matière de droits humains dans les Amériques, et indique notamment que :

  • La région restait exposée à des niveaux de violence importants, avec des vagues d’homicides, des disparitions forcées et des détentions arbitraires. Au Mexique, plus de 34 000 personnes étaient toujours portées disparues et les exécutions extrajudiciaires étaient monnaie courante. Un an après la conclusion d’un accord de paix historique en Colombie, la violence demeurait une réalité quotidienne et, selon les chiffres officiels, quelque 60 000 personnes ont été déplacées de force en raison du conflit armé sur la seule année 2017.
  • Le Venezuela était toujours en proie à une grave crise des droits humains. Cette crise était attisée par une escalade des violences cautionnées par le gouvernement, qui réagissait ainsi au mécontentement croissant de la société face à la hausse de l’inflation et à une crise humanitaire. Des milliers de personnes ont été arrêtées de façon arbitraire, et de nombreux cas de torture et d’autres mauvais traitements ont été signalés.
  • L’Amérique latine et les Caraïbes demeuraient la région la plus violente du monde pour les femmes et les filles, en dépit de lois draconiennes adoptées pour résoudre cette crise. À l’échelle mondiale, la région affichait le nombre le plus élevé d’actes de violence infligés à des femmes par une personne autre que leur partenaire, et le deuxième taux de violences conjugales.
  • Les manœuvres d’intimidation et les agressions visant des dirigeants communautaires, des journalistes et des militants qui se battaient pour les droits humains n’ont pas cessé. Celles et ceux qui se mobilisaient en faveur de l’environnement figuraient parmi les personnes les plus menacées ; l’ONG Front Line Defenders a indiqué que 110 des 188 défenseurs de l’environnement tués en 2017 l’avaient été dans les Amériques.
  • La discrimination à l’égard des communautés rurales et des populations autochtones s’est aggravée, et les droits de ces personnes, en particulier leur droit de jouir de leurs territoires ancestraux et le principe de consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause dans le cadre de projets les concernant, ont été ignorés. Dans des pays comme le Pérou ou le Nicaragua, des entreprises nationales et multinationales ont essayé de s’emparer des terres de communautés indigènes et paysannes, ce qui a mis en péril les moyens de subsistance de ces communautés et contaminé leurs ressources essentielles.
  • Une crise des réfugiés, qui a rapidement été impossible à maîtriser mais qui est pourtant restée largement invisible, a éclaté quand plusieurs centaines de milliers de personnes originaires de certains des pays les plus violents au monde, dont le Honduras et le Salvador, se sont vu refuser l’asile.

Malgré tout, ces injustices ont aussi incité un plus grand nombre de personnes à rallier des combats menés de longue date et le Rapport rend compte de nombreuses victoires importantes remportées grâce à l’aide des militants des droits humains, comme la levée de l’interdiction totale de l’avortement au Chili et l’adoption au Mexique d’une loi pour aider les victimes de disparitions forcées à retrouver leurs proches disparus.

« L’année 2007 a prouvé que, quand bien même les populations ont été privées de leurs droits, elles ont refusé de se résoudre à un avenir sans droits humains. Le malaise social grandissant les a incitées à descendre dans la rue, à défendre leurs droits et à réclamer que cessent la répression, la marginalisation et l’injustice », a déclaré Erika Guevara Rosas.

L’année 2007 a prouvé que, quand bien même les populations ont été privées de leurs droits, elles ont refusé de se résoudre à un avenir sans droits humains. Le malaise social grandissant les a incitées à descendre dans la rue, à défendre leurs droits et à réclamer que cessent la répression, la marginalisation et l’injustice.

Erika Guevara Rosas

Les Amériques ont été l’épicentre de cette nouvelle vague de militantisme. Le mouvement Ni Una Menos (« Pas une de moins ») a dénoncé les violences faites aux femmes et aux filles dans la région tandis que, en Argentine, à la Jamaïque, au Mexique, au Pérou et dans bien d’autres pays encore, des victimes de violences sexuelles et liées au genre sont descendues dans la rue pour protester contre l’impunité dont jouissaient les auteurs de ces crimes.

Les contestataires et les réfugiés sont les principales victimes d’une violence devenue la norme

Le Rapport indique que des centaines de militants ont été tués en 2017 parce que les autorités ont voulu les réduire au silence et museler les médias. Celles et ceux qui défendaient les droits humains ont été exposés à des menaces, des actes de harcèlement et des agressions dans la plupart des pays de la région, tandis que les États ne les ont pas protégés, pas plus qu’ils n’ont reconnu toute l’importance de leurs activités.

L’injustice de l’engagement pris par le président Donald Trump d’ériger un mur le long de la frontière entre les États-Unis et le Mexique a été mise en évidence par la crise actuelle des réfugiés en Amérique centrale. Plus de 50 000 personnes venues du Honduras, du Guatemala et du Salvador ont sollicité l’asile dans d’autres pays ; des milliers d’entre elles ont été arrêtées à la frontière américaine. Le Mexique a reçu un nombre record de demandes d’asile, mais n’a bien souvent pas accordé de protection à celles et ceux qui en avaient besoin – préférant les renvoyer de force vers des situations extrêmement dangereuses.

Le nombre de personnes fuyant le Venezuela est monté en flèche alors que le pays était confronté à l’une des pires crises des droits humains de son histoire récente, exacerbée par l’escalade des violences cautionnées par le gouvernement. Les graves pénuries de denrées alimentaires et de médicaments ont provoqué des manifestations auxquelles les forces de sécurité vénézuéliennes ont réagi avec brutalité, entraînant la mort de plus de 120 personnes.

Au lieu de tenter de faire taire ceux qui s’expriment haut et fort, les gouvernements devraient répondre à leurs préoccupations, a déclaré Amnesty International.

« Nous assistons à un moment historique où de plus en plus de personnes se mobilisent pour demander justice. Si les dirigeants ne parviennent pas à comprendre ce qui pousse les populations à la contestation, ils courent à leur perte. Les gens ont clairement fait savoir qu’ils veulent que soient respectés leurs droits fondamentaux ; les gouvernements doivent à présent montrer qu’ils les ont entendus », a déclaré Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International.

Nous assistons à un moment historique où de plus en plus de personnes se mobilisent pour demander justice. Si les dirigeants ne parviennent pas à comprendre ce qui pousse les populations à la contestation, ils courent à leur perte. Les gens ont clairement fait savoir qu’ils veulent que soient respectés leurs droits fondamentaux ; les gouvernements doivent à présent montrer qu’ils les ont entendus.

Salil Shetty, secrétaire général d’Amnesty International