En réaction à la décision de la cour d’appel de libérer le blogueur condamné à mort en Mauritanie pour avoir publié un billet « blasphématoire » sur Facebook, Alioune Tine, directeur du programme Afrique de l’Ouest et Afrique centrale à Amnesty International, a déclaré ce jeudi 9 novembre :
C’est une immense victoire pour sa famille et lui, ainsi que pour toutes les personnes qui ont fait campagne en sa faveur depuis 2014
Alioune Tine, directeur du programme Afrique de l’Ouest et Afrique centrale à Amnesty International
« La libération de Mohamed Mkhaïtir, emprisonné pendant près de quatre ans pour le simple fait d’avoir exprimé pacifiquement son opinion sur Facebook, est un profond soulagement. C’est une immense victoire pour sa famille et lui, ainsi que pour toutes les personnes qui ont fait campagne en sa faveur depuis 2014.
« Maintenant que Mohamed Mkhaitir est libre, les autorités mauritaniennes doivent veiller à ce qu’il ne soit pas soumis à une quelconque menace physique afin qu’il puisse recouvrer sa dignité.
« Ce jugement leur offre une occasion idéale d’opérer un virage sur cette question délicate et de mettre fin à la répression brutale dont sont victimes les défenseurs des droits humains. Il faut qu’elles libèrent Moussa Biram et Abdallahi Matallah, deux militants antiesclavagistes actuellement détenus dans une prison isolée, où ils ont passé près de 500 jours. »
Complément d’information
Mohamed Mkhaïtir, condamné à mort en décembre 2014 pour une publication « blasphématoire » sur Facebook, a comparu pour la deuxième fois devant la cour d’appel de Nouadhibou, dans le nord-ouest de la Mauritanie, le 8 novembre et le jugement a été rendu le 9. La cour a annulé la peine de mort prononcée à son encontre et l’a condamné à deux ans d’emprisonnement et une amende équivalente à 145 euros. Mohammed Mkhaïtir a passé près de quatre ans derrière les barreaux.
En décembre 2013, il a diffusé sur Facebook un billet intitulé La religion, la religiosité et les forgerons, dans lequel il condamnait le recours à la religion pour justifier des pratiques discriminatoires à l’égard de la caste des forgerons, à laquelle il s’identifie. À la suite de cette publication, il a reçu des appels téléphoniques de menace l’accusant de blasphème. Le billet a été repris par plusieurs sites Internet avant d’être supprimé.
Mohamed Mkhaïtir a rédigé un deuxième texte expliquant que son article visait à dénoncer les personnes qui invoquent la religion pour rabaisser des membres de castes inférieures. Des milliers de manifestants ont investi les rues de plusieurs villes, notamment Nouadhibou et Nouakchott, la capitale, pour demander sa condamnation à mort. Pendant sa détention, il a continué à recevoir des menaces de mort, de même que son meilleur ami. Son père a été licencié et contraint à quitter le pays.
Mohamed Mkhaïtir a été arrêté le 5 janvier 2014 et inculpé d’apostasie. À son procès, il s’est repenti en public, déclarant qu’il n’avait pas eu l’intention de parler avec légèreté du prophète Mahomet dans ses écrits. Au cours des six premiers mois de sa détention, il a été maintenu à l’isolement dans une cellule dépourvue de toilettes et de douche.
Mohamed Mkhaïtir est la première personne condamnée à mort pour apostasie depuis que la Mauritanie a accédé à l’indépendance en 1960. Pour Amnesty International, c’était un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exercé de manière pacifique son droit à la liberté d’expression.