Venezuela. La militarisation de la crise aggrave la violence et entretient la peur

Le déploiement de forces militaires supplémentaires pour réprimer les manifestations, le recours redoublé à une force excessive contre les manifestants notamment et l’utilisation des tribunaux militaires pour réduire au silence les voix dissidentes illustrent le basculement de l’attitude des autorités vénézuéliennes vis-à-vis de la crise des droits humains qui fait rage dans le pays, a déclaré Amnesty International, alors qu’au moins 60 personnes sont mortes en marge des manifestations au cours des 60 derniers jours.

« En déployant des troupes militaires et en utilisant les tribunaux militaires pour répondre à une situation sociale et politique de plus en plus tendue, le gouvernement de NicolásMaduro ne fait qu’aggraver la crise – c’est comme tenter d’éteindre un feu avec de l’essence, a déclaré Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International.

En déployant des troupes militaires et en utilisant les tribunaux militaires pour répondre à une situation sociale et politique de plus en plus tendue, le gouvernement de NicolásMaduro ne fait qu’aggraver la crise – c’est comme tenter d’éteindre un feu avec de l’essence.

Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International

« L’ampleur des violations des droits fondamentaux et les actions impitoyables des autorités vénézuéliennes rappellent des temps bien sombres pour les droits humains sur le continent.

« En discréditant les manifestants qualifiés de ” terroristes ” et en inculpant des civils d’infractions qui ne s’appliquent qu’aux soldats, le gouvernement de Nicolás Maduro fait de cette crise politique un conflit violent. Au contraire, il devrait écouter les inquiétudes légitimes de ses citoyens et chercher des solutions. »

En discréditant les manifestants qualifiés de ” terroristes ” et en inculpant des civils d’infractions qui ne s’appliquent qu’aux soldats, le gouvernement de Nicolás Maduro fait de cette crise politique un conflit violent. Au contraire, il devrait écouter les inquiétudes légitimes de ses citoyens et chercher des solutions.

Erika Guevara-Rosas, directrice du programme Amériques à Amnesty International

Ces dernières semaines, les forces de sécurité ont utilisé une force injustifiée pour empêcher la tenue de rassemblements pacifiques. Par ailleurs, des habitants de quartiers résidentiels n’ayant pas pris part aux manifestations ont signalé être victimes de tirs de gaz lacrymogènes effectués sans discrimination.

Le quartier de La Isabelica, dans l’État de Carabobo, illustre clairement l’ampleur du recours aveugle à la violence contre des personnes n’étant pas impliquées dans la récente vague de contestations.

Amnesty International a reçu des informations directes faisant état de tirs effectués au hasard contre des civils, de gaz lacrymogènes tirés directement sur des maisons et d’un sentiment de peur généralisée s’agissant de signaler ces incidents aux autorités.

La situation est particulièrement sensible dans les États de Carabobo, Lara, Barinas et dans l’État frontalier de Táchira, où plus de 600 soldats ont été déployés face aux rassemblements pacifiques.

« Déployer des troupes militaires pour contenir les manifestations et poursuivre les manifestants devant des tribunaux militaires sont des moyens infaillibles et illégaux de faire monter cette crise d’un cran. Les autorités devraient retirer immédiatement les effectifs militaires des manifestations, enquêter sur les diverses violations des droits humains signalées ces dernières semaines et garantir que les citoyens puissent manifester sans craindre d’être blessés ou tués. »

Des groupes de civils armés – dont certains seraient soutenus par le gouvernement – auraient également bafoué les droits des manifestants et de personnes contestant le pouvoir. Ces informations sont d’autant plus inquiétantes que le gouvernement a activé le « Plan Zamora », programme qui semble mobiliser conjointement des forces militaires et civiles pour faire face à la crise que traverse le pays.

Les détails de ce plan n’ont pas été rendus publics, mais il est très inquiétant de faire référence à la mobilisation de civils aux côtés des forces de sécurité de l’État dans le contexte actuel de tensions et de violences.

Depuis le 4 avril, d’après les chiffres officiels, au moins 60 personnes sont mortes et 1 000 ont été blessées dans le cadre de la crise politique.

Selon les ONG locales, des centaines de personnes ont été incarcérées de manière injuste en marge des grandes manifestations organisées contre le gouvernement à travers le Venezuela.

Plus de 300 personnes auraient comparu devant des tribunaux militaires, accusées de crimes tels que « rébellion », « terrorisme » et « trahison », et traitées comme des soldats dans un conflit armé.

La procureure générale du Venezuela a récemment demandé à rendre visite aux détenus.

Dans un rapport publié en avril, Amnesty International a mis en avant la longue liste des actions illégales commises par les autorités vénézuéliennes pour réprimer la liberté d’expression et détenir arbitrairement les dissidents à travers le pays.