Myanmar. La réforme des prisons doit respecter les droits humains

Selon un nouveau rapport d’Amnesty International publié jeudi 10 novembre, le gouvernement du Myanmar doit saisir l’occasion de rompre avec la sombre époque où les prisonniers étaient soumis à des actes de torture et des conditions de détention épouvantables, en mettant en place des réformes qui rendront la législation relative aux prisons conforme aux normes internationales en matière de droits humains.

« Les prisons du Myanmar sont mondialement connues pour être le théâtre de violations des droits humains. Il est encourageant de voir que le gouvernement et les parlementaires du pays, dont beaucoup ont subi la torture et d’autres mauvais traitements dans ces mêmes prisons, envisagent des réformes cruciales en ce qui les concernent. À présent, ils doivent veiller à ce qu’aucun autre prisonnier ne subisse le même sort », a déclaré Rafendi Djamin, directeur pour l’Asie du Sud-Est et le Pacifique à Amnesty International.

Le projet de loi sur les prisons de juillet 2015 représente une amélioration conséquente par rapport aux lois archaïques qui sont actuellement en vigueur et qui ont, pendant plusieurs décennies, favorisé des conditions dans lesquelles les détenus étaient torturés, enfermés dans des cellules exiguës ou des espaces surpeuplés, privés d’eau potable et de soins médicaux, et soumis à des transferts punitifs, des travaux forcés et d’autres sanctions atroces.

Néanmoins, ce texte est encore loin d’être conforme aux normes internationales en matière de droits humains. Le nouveau rapport d’Amnesty International intitulé Myanmar: Bring Rights to Prisons démontre que le projet de loi n’interdit pas la torture et les autres mauvais traitements et ne prévoit pas de garanties contre certaines des pires violations pour lesquelles le système carcéral du pays est connu, notamment la détention illégale et le travail forcé.

Si les autorités veulent vraiment améliorer les conditions de détention et, de manière générale, prévenir la torture et les autres mauvais traitements, elles doivent présenter des informations sur les lieux où sont enfermés les prisonniers et adopter des réformes à la hauteur de leur ambition

Rafendi Djamin, directeur pour l’Asie du Sud-Est et le Pacifique à Amnesty International

« Dans sa version actuelle, ce texte laissera toujours les personnes exposées aux violations des droits humains qui ont fait la triste réputation du système carcéral du Myanmar. Si les autorités veulent vraiment améliorer les conditions de détention et, de manière générale, prévenir la torture et les autres mauvais traitements, elles doivent présenter des informations sur les lieux où sont enfermés les prisonniers et adopter des réformes à la hauteur de leur ambition », a déclaré Rafendi Djamin.

Le rapport d’Amnesty International explique comment une surveillance indépendante obligatoire des conditions de détention et la création d’un mécanisme de plaintes indépendant destiné aux prisonniers amélioreront la transparence d’un système carcéral qui repose depuis longtemps sur le secret.

L’organisation y engage en outre les législateurs du Myanmar à introduire dans le projet de loi des dispositions qui garantiront le respect de normes minimales en matière de santé, de nourriture, d’eau potable, de locaux, de sanitaires et d’hygiène. Elle demande également l’ajout de dispositions qui prennent en compte les besoins spécifiques des mineurs et des femmes et qui réglementent l’usage de la force par les agents pénitentiaires.

Dans le même temps, Amnesty International recommande que certaines dispositions problématiques du projet de loi soient supprimées. Parmi celles-ci figure notamment le recours aux entraves et au placement à l’isolement prolongé comme mesures disciplinaires.

Dans son rapport, l’organisation procède à une analyse juridique détaillée du projet de loi et propose une formulation alternative qui garantira le respect des normes internationales, en particulier de l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (règles Mandela).

Nous saluons l’esprit du nouveau projet de loi sur les prisons, qui remplacera des lois vieilles de plus d’un siècle et n’ayant pas leur place dans une société moderne et respectueuse des droits

Rafendi Djamin

« Notre rapport est destiné à aider les législateurs dans leur mission. Nous saluons l’esprit du nouveau projet de loi sur les prisons, qui remplacera des lois vieilles de plus d’un siècle et n’ayant pas leur place dans une société moderne et respectueuse des droits. Les recommandations que nous avons faites sont là pour aider le Myanmar à rompre avec une tradition de pratiques carcérales épouvantables et à aller vers un système carcéral qui soit axé sur la réinsertion et traite les détenus avec humanité », a déclaré Rafendi Djamin.

Complément d’information

En juillet 2015, un projet de loi sur les prisons a été présenté devant le Parlement du Myanmar, avec pour objectifs de « garantir la paix au sein de la population et l’état de droit », de prévenir « la récidive » et d’assurer la réinsertion des prisonniers en vue de leur libération. Ce texte doit remplacer le cadre juridique dépassé relatif aux conditions de détention, en abrogeant la Loi de 1894 sur les prisons, la Loi de 1900 sur les détenus et la Loi de 1920 sur l’identification des détenus. À la connaissance d’Amnesty International, il a été renvoyé par le Parlement devant le ministère de l’Intérieur pour être modifié.

Le projet de loi sur les prisons fait partie des dispositions législatives identifiées comme prioritaires par la Commission pour l’évaluation des affaires juridiques et des questions spéciales.