Le président français François Hollande doit aborder avec les autorités vietnamiennes la question du traitement subi par une femme qui se bat pour la justice, lors de sa visite dans ce pays cette semaine, a déclaré Amnesty International mardi 6 septembre.
Amnesty International demande au président français d’aborder en particulier le cas de Ngô Thanh Kiều, un jeune homme mort lors de sa détention par la police dans la province de Phú Yên, en 2012. Depuis sa mort, sa sœur, Ngô Thị Tuyết et ses proches ont entrepris un courageux combat pour la justice, faisant face à des agressions physiques, des menaces de mort et d’autres manœuvres d’intimidation.
Récemment, la famille a trouvé le cadavre d’un chat rasé lancé dans la maison. Un message y était attaché, disant que si Ngô Thị Tuyết et sa famille n’arrêtaient pas d’attirer l’attention sur le cas du jeune homme, ils subiraient le même sort.
« Les droits humains ne doivent pas être sacrifiés au profit d’accords commerciaux et portant sur des questions de sécurité. Le président Hollande doit profiter de cette visite pour demander aux autorités vietnamiennes de respecter les obligations relatives aux droits humains qui leur incombent au titre du droit international », a déclaré Camille Blanc, présidente d’Amnesty International France.
Le président Hollande doit profiter de cette visite pour demander aux autorités vietnamiennes de respecter les obligations relatives aux droits humains qui leur incombent au titre du droit international.
Camille Blanc, présidente d'Amnesty International France
Le 24 août, Amnesty International France a écrit au président Hollande pour lui demander de soulever la question de la torture et des autres mauvais traitements infligés aux prisonniers d’opinion au Viêt-Nam.
« La police rend rarement des comptes, au Viêt-Nam. Le président Hollande a l’occasion de rappeler aux autorités vietnamiennes qu’il n’y a pas de sécurité sans droits humains. Elles doivent démontrer que justice est rendue dans le cas de Ngô Thanh Kiều ainsi que dans d’autres cas de personnes mortes aux mains de la police », a déclaré Camille Blanc.
Ngô Thanh Kiều a été arrêté au milieu de la nuit et placé en détention au poste de police local, en mars 2012. La police vietnamienne a dit à la famille de Ngô Thanh Kiều qu’il était mort après avoir refusé de l’eau et de la nourriture, alors qu’il avait passé moins de 24 heures en détention.
En mars 2016, l’Assemblée nationale a émis des doutes sur la crédibilité d’une annonce du ministère de la Sécurité publique selon laquelle la plupart des 226 morts en garde à vue survenues entre octobre 2011 et septembre 2014 étaient dues à la maladie ou au suicide. En 2015, au moins sept cas de mort en garde à vue ont été signalés, accompagnés de soupçons de torture et d’autres mauvais traitements par la police.
La sœur de Ngô Thị Tuyết, Kiều a toujours contesté la version des faits donnée par la police, et elle a rassemblé des éléments de preuve convaincants montrant que son frère a été soumis à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements. Des photos du corps de Kiều montrent clairement qu’il présente des ecchymoses et des coupures sur les bras et les jambes, et de nets signes de traumatisme crânien.
Parmi les autres éléments de preuve rassemblés par Ngô Thị Tuyết figure l’autopsie du médecin légiste, faisant état de caillots sanguins dans les organes, qui sont la conséquence, lui ont dit des médecins, du traumatisme causé par les actes de torture qu’il a subis.
Jusqu’à présent, six policiers ont été jugés et condamnés, mais pour des chefs qui ne correspondaient pas à la gravité du crime : cinq policiers ont été condamnés pour « châtiment corporel », et leur supérieur pour « manque de précaution », un chef de moindre gravité encore. Ils ont été condamnés à des peines allant d’une année d’emprisonnement avec sursis à huit ans d’emprisonnement. Aucune de ces peines ne rend compte de la gravité du crime commis.
Ils ont été suspendus de leurs fonctions, mais continuent de percevoir un demi-salaire. Les autorités sont réticentes à porter cette affaire en appel.
Trois audiences d’appel ont déjà été annulées pour de piètres motifs. La prochaine audience est prévue pour le 7 septembre, ce qui coïncide avec le dernier jour de la visite du président Hollande au Viêt-Nam.
« Il n’y aura pas de justice tant que les audiences d’appel continueront d’être reportées », a déclaré Rafendi Djamin, directeur du Bureau régional d’Amnesty International pour l’Asie du Sud-Est et le Pacifique.
Il n'y aura pas de justice tant que les audiences d'appel continueront d'être reportées.
Rafendi Djamin, directeur du Bureau régional d'Amnesty International pour l'Asie du Sud-Est et le Pacifique
Le cas de Ngô Thị Tuyết est également emblématique des nombreux dangers auxquels sont exposés les défenseurs des droits humains au Viêt-Nam, où ils sont constamment l’objet d’attaques et de menaces visant à les intimider et à les réduire au silence, et où la police et les autres autorités échappent à l’obligation de rendre des comptes.
Parce qu’ils se sont exprimés ouvertement, Ngô Thị Tuyết et sa famille doivent faire face à une campagne d’intimidation et de harcèlement de la part des autorités et d’individus non identifiés. Des policiers sont venus chez eux pour leur offrir un dessous-de-table en échange de leur silence. La famille a aussi reçu de nombreuses menaces de mort par téléphone.
On peut aussi citer d’autres actes d’intimidation manifestes à l’encontre de la famille : des inconnus ont fait tomber le mari de Ngô Thị Tuyết alors qu’il circulait à moto, et le fils du couple a été frappé par des inconnus à dix reprises sur le chemin de l’école.
« La mort de The Ngô Thanh Kiều est symbolique des violences perpétrées par la police et de l’injustice au Viêt-Nam. Le président Hollande doit demander justice pour la mort de Kiề et pour sa famille, et veiller à ce que les autorités respectent leur obligation juridique de les protéger contre toute forme de représailles, a déclaré Rafendi Djamin.
« Malgré des menaces de mort et des manœuvres d’intimidation incessantes, Ngô Thị Tuyết a décidé de rendre public son combat pour la justice. Généralement, les proches de victimes sont amenés à souffrir en silence, les autorités ne faisant pas le nécessaire pour leur apporter la sécurité qui leur permettrait de demander justice sans avoir à craindre des représailles. Il est important que le monde entier s’intéresse à cette affaire, notamment parce que cela donnera de l’espoir à d’autres personnes. »