Soudan du Sud. Un an après l’accord de paix, justice n’a toujours pas été rendue aux victimes

La recrudescence des violences renforce la nécessité d’amener à rendre des comptes les responsables présumés de crimes de droit international commis lors du conflit armé au Soudan du Sud, ont déclaré Amnesty International et la FIDH le 17 août 2016, un an après la signature d’un accord de paix titubant.

L’accord de paix a été signé le 17 août 2015 dans la capitale éthiopienne Addis-Abeba. Il demande à l’Union africaine (UA) de mettre sur pied un tribunal hybride pour le Soudan du Sud chargé d’enquêter et de poursuivre les personnes soupçonnées d’avoir commis des crimes de génocide, des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité depuis le début du conflit en décembre 2013.

« La recrudescence des violences en juillet souligne la nécessité de mettre en œuvre l’obligation de rendre des comptes pour les crimes commis et doit accélérer, et non entraver, la quête de justice, a déclaré Elizabeth Deng, chercheuse sur le Soudan du Sud à Amnesty International.

« L’Union africaine doit cesser de traîner les pieds et prendre des mesures concrètes afin de créer ce tribunal. Elle doit notamment recueillir et préserver les éléments de preuve avant qu’ils ne disparaissent et que les souvenirs des témoins ne s’estompent. »

Depuis la signature de l’accord de paix, l’UA et le Soudan du Sud n’ont guère progressé dans la mise sur pied du tribunal. Parallèlement, les hostilités se poursuivent et se sont récemment intensifiées, aggravant la situation des droits humains pour des millions de Sud-Soudanais.

L'Union africaine doit cesser de traîner les pieds et prendre des mesures concrètes afin de créer ce tribunal. Elle doit notamment recueillir et préserver les éléments de preuve avant qu'ils ne disparaissent et que les souvenirs des témoins ne s'estompent.

Elizabeth Deng, chercheuse sur le Soudan du Sud au sein d'Amnesty International

Pendant et depuis les récents combats qui ont opposé les forces armées du gouvernement à celles de l’opposition, les civils ont une nouvelle fois été victimes d’homicides, de viols et d’autres formes de violence sexuelle, et ont vu leurs biens pillés et détruits.

« Les combats qui ont éclaté à Djouba et ailleurs ne sont que la dernière vague d’un cycle de violence alimenté par l’impunité. Aucune paix durable ne sera possible tant que rien n’est fait pour garantir l’obligation de rendre des comptes pour les graves crimes commis par le passé, a déclaré Sheila Muwanga, vice-présidente de la FIDH.

« L’Union africaine doit engager le dialogue avec les Sud-Soudanais, notamment avec la société civile, afin de définir la réglementation, les règles de procédure, la localisation et le personnel du tribunal. »

Amnesty International et la FIDH réaffirment que tous les auteurs présumés de crimes de droit international commis durant le conflit armé au Soudan du Sud doivent comparaître en justice dans le cadre de procès équitables, sans recourir à la peine de mort.

Elles demandent à l’UA de veiller à ce que le tribunal respecte les normes internationales en matière d’équité, s’inspire des meilleures pratiques d’autres tribunaux hybrides et spéciaux, inclue des Sud-Soudanais dans son personnel, prévoit la participation des victimes à tous les stades de la procédure et garantisse la protection des victimes et des témoins.

Complément d’information

La Commission d’enquête de l’UA sur le Soudan du Sud (AUCISS) a recommandé dans son rapport final publié en septembre 2015 la création d’un mécanisme juridique dirigé par l’Afrique, géré par l’Afrique et financé par l’Afrique, sous l’égide de l’Union africaine et avec le soutien de la communauté internationale, notamment des Nations unies, afin d’amener à rendre des comptes les personnes portant la plus grande responsabilité au plus haut niveau. Elle a ajouté : « Ce mécanisme doit inclure des juges et des avocats sud-soudanais. »

Les chefs d’État et de gouvernement du Conseil de paix et de sécurité de l’UA ont par la suite adhéré à la création du tribunal. Dans un communiqué de septembre 2015, le Conseil a demandé au président de la Commission de l’UA de prendre toutes les mesures nécessaires à la création du Tribunal hybride pour le Soudan du Sud, notamment en donnant des lignes directrices quant à la localisation de ce tribunal, son infrastructure, son financement et les mécanismes d’application, la jurisprudence applicable, le nombre et la composition des juges, les privilèges et immunités du personnel et toute autre question connexe.

Amnesty International et la FIDH ont recommandé à plusieurs reprises la création de mécanismes judiciaires au Soudan du Sud, notamment la mise sur pied d’un tribunal hybride chargé de juger les responsables de crimes internationaux et de prévenir de nouvelles violations du droit international humanitaire et relatif aux droits humains dans le pays.