Irlande. Une expulsion vers la Jordanie risquerait de saper le principe de l’interdiction absolue de la torture

Les autorités irlandaises ont l’intention de renvoyer en Jordanie un homme considéré comme représentant une menace pour la sécurité nationale. Or, ce renvoi exposerait cet homme à un risque réel de torture et d’autres graves violations des droits humains, et représenterait un inquiétant revirement en ce qui concerne l’interdiction absolue de la torture, a déclaré Amnesty International le 6 juillet.

La Haute Cour de Dublin a rendu le 4 juillet une décision permettant aux autorités irlandaises de procéder à l’expulsion d’un Jordanien d’origine palestinienne (dont l’identité n’est pas indiquée pour des raisons d’ordre juridique). Cet homme a été informé en 2015 du fait que les autorités irlandaises considèrent qu’il représente une menace pour la sécurité nationale en raison d’informations selon lesquelles il aurait, avec d’autres, organisé et facilité les déplacements de personnes ayant l’intention de rejoindre le groupe armé se désignant sous le nom d’État islamique (EI).

« Avec cette expulsion, les autorités irlandaises sèment le doute quant à leur engagement à l’égard de l’interdiction absolue de la torture. Le droit international interdit à l’Irlande de renvoyer une personne dans un pays où elle encourt un risque réel d’être victime de torture ou d’autres graves violations des droits humains. C’est un coup dur qui est porté aux droits humains quand un gouvernement tente de renvoyer une personne dans un pays alors qu’il est quasiment certain qu’elle y sera torturée », a déclaré Colm O’Gorman, directeur d’Amnesty International Irlande.

Avec cette expulsion, les autorités irlandaises sèment le doute quant à leur engagement à l'égard de l'interdiction absolue de la torture.

Colm O’Gorman, directeur d'Amnesty International Irlande

Le 5 juillet, les avocats de cet homme ont en dernier ressort tenté, en vain, d’obtenir de la Cour européenne des droits de l’homme une décision empêchant son expulsion. On ignore ce qui a motivé le refus de la Cour d’ordonner une mesure provisoire pour empêcher l’expulsion de cet homme, mais les recherches menées par Amnesty International et d’autres organisations dignes de confiance montrent clairement qu’une personne soupçonnée d’avoir des liens avec EI risque d’être soumise à la torture et à d’autres mauvais traitements si elle est renvoyée en Jordanie.

« La Cour européenne des droits de l’homme s’est souvent posée en rempart contre certaines des plus graves atteintes aux droits humains commises contre des personnes soupçonnées d’avoir commis des actes de terrorisme ou considérées comme étant les auteurs de tels actes. En cette période difficile, il d’autant plus important que la Cour réfute l’argument selon lequel il n’est possible de garantir la sécurité qu’en soumettant des personnes à de graves atteintes aux droits humains », a déclaré John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International.

La Cour européenne des droits de l’homme s'est souvent posée en rempart contre certaines des plus graves atteintes aux droits humains commises contre des personnes soupçonnées d'avoir commis des actes de terrorisme ou considérées comme étant les auteurs de tels actes.

John Dalhuisen, directeur du programme Europe et Asie centrale d’Amnesty International

Cet homme est actuellement détenu par les services irlandais de l’immigration et il risque d’être renvoyé de façon imminente en Jordanie, où, selon Amnesty International, les personnes correspondant à son profil sont exposées à un risque réel de torture et d’autres mauvais traitements et soumises à des procès iniques.

« En Jordanie, les sympathisants présumés d’EI et d’autres groupes armés sont jugés de façon inéquitable devant des tribunaux quasi militaires. Les suspects détenus par les services de renseignement et de sécurité sont souvent torturés et soumis à d’autres formes de mauvais traitements, a déclaré Colm O’Gorman.

En Jordanie, les sympathisants présumés d'EI et d'autres groupes armés sont jugés de façon inéquitable devant des tribunaux quasi militaires. Les suspects détenus par les services de renseignement et de sécurité sont souvent torturés et soumis à d'autres formes de mauvais traitements

Colm O’Gorman

« Si les autorités irlandaises chargées de l’application des lois soupçonnent raisonnablement cet homme, en se basant sur des éléments de preuve crédibles, suffisants et obtenus légalement, d’avoir commis une ou plusieurs infractions pénales, elles devraient alors l’inculper et le juger de façon équitable en Irlande. Quelles que soient les infractions qui lui sont reprochées, en raison du caractère universel des droits humains et de l’interdiction absolue de la torture il ne doit pas être renvoyé en Jordanie. »

Amnesty International a écrit à la ministre irlandaise de la Justice et de l’Égalité pour lui faire part de ses préoccupations au sujet de ce cas, et elle continuera de suivre de près l’évolution de la situation.