Gambie. La situation des droits humains se dégrade encore avec des peines de prison prononcées contre des figures de l’opposition

La condamnation du responsable de l’opposition Ousainou Darboe et de 18 autres manifestants pacifiques met en lumière la dégradation continue de la situation des droits humains en Gambie, a déclaré Amnesty International mercredi 20 juillet.

Aux termes d’une décision de justice rendue mercredi après-midi, 19 personnes dont le dirigeant du Parti démocratique unifié (UDP) ont été condamnées à trois ans d’emprisonnement. Elles ont été déclarées coupables de six chefs d’accusation liés à leur participation à des manifestations non autorisées le 16 avril 2016 en périphérie de la capitale, Banjul. Le chef d’incitation à la violence n’a en revanche pas été retenu contre elles, et un homme a été relaxé de tous les chefs d’accusation.

La condamnation de figures de l’opposition telles que Ousainou Darboe s’inscrit dans un enchaînement de violations commises à l’encontre des personnes qui osent s’exprimer en Gambie.

Stephen Cockburn, directeur adjoint du bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale

« La condamnation de figures de l’opposition telles que Ousainou Darboe s’inscrit dans un enchaînement de violations commises à l’encontre des personnes qui osent s’exprimer en Gambie, a déclaré Stephen Cockburn, directeur adjoint du bureau régional d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique centrale.

« Amnesty International considère toutes les personnes qui languissent en prison pour avoir manifesté pacifiquement comme des prisonniers d’opinion, qui doivent être libérés immédiatement et sans condition. »

Les 19 personnes condamnées ont été appréhendées le 16 avril alors qu’elles manifestaient pacifiquement pour demander la libération de dizaines de sympathisants de l’UDP arrêtés au cours de manifestations deux jours avant. Elles réclamaient également une enquête sur la mort en détention de Solo Sandeng, secrétaire national à l’organisation de l’UDP, arrêté le 14 avril. Une femme a affirmé dans une déclaration sous serment déposée auprès d’un tribunal qu’elle avait vu le corps de cet homme au siège de l’Agence nationale de renseignement et qu’il était tuméfié et ensanglanté.

Ce jugement a lieu deux jours avant le 22anniversaire du coup d’État qui a amené le président Yahya Jammeh au pouvoir, et moins de cinq mois avant les prochaines élections présidentielles prévues en Gambie.

En juin 2016, Amnesty International a publié un rapport dénonçant le recul de la liberté d’expression et du respect des droits humains depuis les dernières élections de 2011, qui se traduit par de nouvelles lois répressives, des arrestations de journalistes et de membres de l’opposition et une surveillance généralisée. L’organisation a appelé la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à envisager une suspension de la Gambie si la situation des droits humains ne s’améliorait pas avant les prochaines élections.

Lors d’un sommet qui s’est déroulé en juin, les chefs d’États de la CEDEAO ont engagé les autorités gambiennes à ne plus utiliser une force excessive contre des manifestants et à entamer un dialogue politique avec les partis de l’opposition.

Le fait d’emprisonner des dirigeants et sympathisants de l’opposition parce qu’ils ont manifesté pacifiquement constitue non seulement une violation flagrante de leurs droits humains, mais risque en outre d’attiser une situation déjà tendue.

Stephen Cockburn

Plus de 25 autres personnes demeurent détenues dans l’attente de leur procès pour avoir participé à des manifestations en avril et mai.

« Le fait d’emprisonner des dirigeants et sympathisants de l’opposition parce qu’ils ont manifesté pacifiquement constitue non seulement une violation flagrante de leurs droits humains, mais risque en outre d’attiser une situation déjà tendue, a déclaré Stephen Cockburn.

« À seulement cinq mois des élections, il faut que les autorités gambiennes prennent des mesures urgentes pour que la population puisse s’exprimer sans crainte de représailles. Si elles ne le font pas, la CEDEAO et la communauté internationale ne doivent pas rester sans rien faire. »