Tchad. Les personnes reconnues comme victimes dans le procès de Hissène Habré ont obtenu des réparations

La décision d’accorder des réparations aux milliers de personnes reconnues comme victimes dans le cadre du procès intenté à l’ancien président tchadien Hissène Habréconstitue un grand moment pour ces hommes et ces femmes engagés depuis des années dans une quête déterminée de justice, a déclaré Amnesty International vendredi 29 juillet. 

« La décision qui a été prise vendredi 29 juillet marque une étape importante pour les victimes des crimes jugés dans l’affaire mettant en cause Hissène Habré, qui veulent pouvoir reprendre enfin le cours de leur vie », a déclaré Erica Bussey, conseillère juridique d’Amnesty International pour l’Afrique.

La décision qui a été prise vendredi 29 juillet marque une étape importante pour les victimes des crimes jugés dans l’affaire mettant en cause Hissène Habré, qui veulent pouvoir reprendre enfin le cours de leur vie.

Erica Bussey, conseillère juridique d’Amnesty International pour l’Afrique.

« C’est également une victoire pour les victimes de violations des droits humains du monde entier, car elle met l’accent sur la nécessité absolue d’obtenir des réparations, y compris lorsque les crimes commis remontent à plusieurs dizaines d’années. »

Les Chambres africaines extraordinaires (CAE) de Dakar ont accordé aujourd’hui aux victimes de viols et d’autres violences sexuelles de la partie civile 20 millions de francs CFA chacune (soit 33 880 dollars des États-Unis). Elles ont accordé 15 millions de francs CFA (25 410 dollars des États-Unis) à chacune des victimes de détention arbitraire et de torture, ainsi qu’aux prisonniers de guerre, et 10 millions de francs CFA (16 935 dollars des États-Unis) à chacune des victimes indirectes. Les CAE ont rejeté la demande de réparations collectives des parties civiles.

Hissène Habré a été reconnu coupable de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de crimes de torture perpétrés entre 1982 et 1990. Il a été condamné par les CAE à l’emprisonnement à vie le 30 mai 2016.

Le verdict et la décision d’accorder des réparations seront bientôt disponibles par écrit sur le site Internet des CAE.

Amnesty International prie instamment les CAE, l’Union africaine, le gouvernement tchadien et la communauté internationale de prendre les mesures nécessaires pour que des ressources suffisantes soient dégagées et placées sur un fonds, d’où elles seront ensuite réparties, pour permettre la mise en œuvre de la décision de justice.

« Il s’agit bien sûr d’une avancée dont nous nous réjouissons, mais il faut aussi reconnaître que Hissène Habré n’était pas le seul responsable des atrocités commises. Il faut absolument continuer d’exercer des pressions sur le Tchad, ainsi que sur d’autres États, pour que des enquêtes soient menées sur le rôle d’autres individus accusés de graves violations des droits humains perpétrées entre 1982 et 1990, et en particulier de participation aux massacres commis en septembre 1984 dans le sud du pays, et pour que des poursuites soient engagées contre les auteurs présumés », a déclaré Erica Bussey. 

« Le gouvernement tchadien doit s’acquitter de sa part des 125 millions de dollars des États-Unis de réparations accordés l’an dernier par la justice tchadienne à quelque 7 000 victimes, dans le cadre d’un procès qui a abouti à la condamnation de 20 responsables de l’ère Hissène Habré, entre autres pour meurtre, enlèvement et torture. »

Le gouvernement tchadien doit s’acquitter de sa part des 125 millions de dollars des États-Unis de réparations accordés l’an dernier par la justice tchadienne à quelque 7 000 victimes, dans le cadre d’un procès qui a abouti à la condamnation de 20 responsables de l’ère Hissène Habré, entre autres pour meurtre, enlèvement et torture.

Erica Bussey

Complément d’information

Les CAE ont été créées en 2012 aux termes d’un accord entre l’Union africaine et le gouvernement sénégalais. Le procès de Hissène Habré s’est ouvert au Sénégal le 20 juillet 2015 et 69 victimes, 23 témoins et 10 experts ont témoigné dans le cadre des débats.

Entre autres éléments de preuve, l’accusation s’est appuyée sur des rapports de recherche publiés par Amnesty International dans les années 1980. Un ancien membre du personnel d’Amnesty International a également témoigné durant le procès en tant qu’expert.

Ce procès constituait la première affaire jugée sur le continent africain au nom du principe de la compétence universelle. C’était également la première fois qu’un ancien chef d’État était condamné pour crimes contre l’humanité par un tribunal africain. Ce procès a par ailleurs incité les autorités tchadiennes à enfin enquêter, après des décennies d’impunité, sur toute une série de crimes et à engager des poursuites contre d’autres suspects – action qui a conduit à la condamnation en mars 2015 de 20 responsables de la sécurité de l’ère Hissène Habré, entre autres pour meurtre, torture, enlèvement et détention arbitraire. 

La cour a prononcé son verdict oral le 30 mai 2016, mais elle doit encore publier son jugement intégral. Toutes les parties ont eu la possibilité de soumettre des communications lors de la procédure en réparations, mais aucune audience n’a eu lieu.

Les avocats de Hissène Habré ont fait appel de sa condamnation. Amnesty International estime que des moyens suffisants doivent être alloués aux CAE pour leur permettre de juger l’affaire en appel de manière sérieuse et effective.