Cour européenne des droits de l’homme. Deux victimes de «restitution» par la CIA poursuivent la Roumanie et la Lituanie

L’examen par la Cour européenne des droits de l’homme, mercredi 29 juin, de deux affaires dans lesquelles la Roumanie et la Lituanie sont accusées de complicité dans le programme de « restitution » et de détention secrète dirigée par l’Agence centrale du renseignement (CIA) constitue un événement important en matière d’obligation de rendre des comptes, a déclaré Amnesty International.

De nombreux pays européens ont facilité la pratique de la torture et les disparitions forcées orchestrées par la CIA au lendemain des attentats ayant frappé les États-Unis le 11 septembre 2001. C’est dans ce contexte qu’Abd al Rahim al Nashiri et Zayn al Abidin Muhammad Husayn (souvent appelé Abu Zubaydah) – actuellement détenus à Guantánamo – ont été soumis à des actes de torture, dont un simulacre de noyade, dans des lieux secrets tenus par la CIA.

La Roumanie et la Lituanie n’ont jamais rendu de comptes à propos de leur participation directe au programme de “restitution” et de détention secrète de la CIA. Les avocats des victimes ont maintenant l’occasion d’exposer les faits devant la Cour européenne dans l’espoir de briser le silence.

Julia Hall, spécialiste Lutte contre le terrorisme et droits humains en Europe, à Amnesty International

« La Roumanie et la Lituanie n’ont jamais rendu de comptes à propos de leur participation directe au programme de “restitution” et de détention secrète de la CIA. Les avocats des victimes ont maintenant l’occasion d’exposer les faits devant la Cour européenne dans l’espoir de briser le silence », a déclaré Julia Hall, spécialiste Lutte contre le terrorisme et droits humains en Europe, à Amnesty International.

Dans un rapport de décembre 2014, la Commission du Sénat américain sur le renseignement a fourni des informations précises sur les actes de torture que la CIA avait fait subir à Abd al Rahim al Nashiri et Abu Zubaydah, mais la justice américaine a refusé de se saisir des affaires liées aux opérations de la CIA et, à ce jour, les violations commises dans ce cadre sont demeurées pratiquement impunies.

De même, en février 2016, le secrétaire général du Conseil de l’Europe a clos l’enquête qu’il a conduite, au titre de l’article 52, sur le rôle des États européens dans le programme de « restitution » et de détention secrète de la CIA, battant ainsi en brèche l’obligation de rendre des comptes. Les audiences du 29 juin offrent une dernière occasion de dévoiler ce que le programme de « restitution » de la CIA signifiait en réalité dans ces pays.

« Ces audiences, qui concernent les violations des droits humains commises en Roumanie et en Lituanie, sont d’autant plus importantes que les victimes de ces actes de torture sont désormais privées d’autres moyens d’obtenir justice », a déclaré Julia Hall.

Amnesty International et la Commission internationale de juristes sont intervenues dans les procédures qu’Abd al Rahim al Nashiri et Abu Zubaydah ont engagées devant la Cour européenne des droits de l’homme à l’encontre de la Roumanie et de la Lituanie, respectivement. Amnesty International avait fait de même dans des affaires similaires, notamment dans le cadre des procédures engagées par ces deux hommes à l’encontre de la Pologne, dont l’implication dans les opérations de la CIA a été reconnue par la justice européenne en juillet 2014.