Bangladesh. Les charges retenues contre un journaliste doivent être abandonnées

Les autorités bangladaises doivent abandonner immédiatement et sans condition les accusations forgées de toutes pièces contre un éminent journaliste qui pourrait être incarcéré pendant plus de 10 ans en raison d’une déclaration publiée sur Facebook, a déclaré Amnesty International samedi 25 juin 2016.

Probir Sikder, rédacteur du quotidien Bangla 71, a été arrêté en août 2015 et placé en liberté sous caution depuis lors. Il doit comparaître devant le tribunal à Dacca le 26 juin. Les inculpations à son encontre devraient être officialisées lors de cette audience.

« Les poursuites visant Probir Sikder doivent être abandonnées immédiatement et sans condition. La situation est bien triste lorsqu’un journaliste respecté encourt plus de 10 ans de prison simplement pour s’être exprimé sur les réseaux sociaux », a déclaré Champa Patel, directeur pour l’Asie du Sud à Amnesty International.

La situation est bien triste lorsqu'un journaliste respecté encourt plus de 10 ans de prison simplement pour s'être exprimé sur les réseaux sociaux.

Champa Patel, directeur pour l'Asie du Sud à Amnesty International

Après avoir écrit des articles sur un litige foncier local, Probir Sikder a reçu des menaces de mort et a fui son domicile dans la province de Faridpur en 2015. Le 10 août 2015, il a posté une déclaration sur Facebook affirmant qu’un ministre du gouvernement, entre autres, devrait être tenu pour responsable s’il devait être tué ou blessé de quelque manière. Probir Sikder affirme qu’il a posté cette déclaration parce que la police refusait de prendre des mesures au sujet des menaces de mort proférées à son encontre.

Probir Sikder est accusé au titre de l’article 57 de la Loi sur les technologies de l’information et de la communication d’avoir « terni l’image » de Khandker Mosharraf Hossain, ministre bangladais du Gouvernement local. S’il est déclaré coupable, il encourt entre sept et 14 ans de prison.

L’affaire a suscité un tollé au sein de nombreuses organisations de la société civile et des médias au Bangladesh, qui la perçoivent comme une nouvelle manœuvre des autorités visant à réduire au silence les médias indépendants et les voix critiques en malmenant les journalistes indépendants.

En 2001, Probir Sikder a perdu une jambe dans une agression à la suite d’une série d’articles qu’il avait rédigés sur la Guerre d’indépendance du Bangladesh de 1971.

Probir Sikder affirme que des policiers lui ont bandé les yeux et ont tenté de le faire avouer en menaçant de couper son autre jambe alors qu’il était en garde à vue en août 2015. À la connaissance d’Amnesty International, aucun policier n’a fait l’objet d’investigations pour les actes de torture et les mauvais traitements subis par Probir Sikder en détention.

« Les policiers qui auraient menacé Probir Sikder doivent faire l’objet d’une enquête approfondie, impartiale et transparente, et être tenus de rendre des comptes. Il est choquant que la police bangladaise semble plus encline à obéir aux autorités qu’à protéger un journaliste qui vit depuis des années en étant la cible de menaces de mort », a déclaré Champa Patel.

La Loi sur les technologies de l’information et de la communication, et en particulier l’article 57 au titre duquel Probir Sikder est inculpé, est un texte de loi problématique que les autorités invoquent de plus en plus pour museler la dissidence et les voix indépendantes. Formulée en termes vagues et généraux, elle confère aux autorités des pouvoirs très étendus pour cibler un individu qui publie en ligne des informations qu’elles considèrent comme gênantes.

Ces dernières années, les autorités bangladaises ont intensifié la répression contre les médias indépendants et inculpé plusieurs journalistes et rédacteurs bien connus, uniquement parce qu’ils avaient exercé leur droit à la liberté d’expression.

« Les médias indépendants sont assiégés au Bangladesh. Au lieu de s’efforcer de contrer le travail essentiel que font les journalistes, les autorités devraient veiller à amener ceux qui les menacent, les intimident et les harcèlent à rendre des comptes », a déclaré Champa Patel.