Sierra Leone. Le projet de loi permettant des avortements sans risque doit être promulgué

Le président sierra-léonais, Ernest Bai Koroma, devrait promulguer le projet de loi permettant d’accroître l’accès des femmes à un avortement sans risque et légal, ont déclaré le 4 février Human Rights Watch et Amnesty International dans une lettre qu’elles-mêmes et cinq associations sierra-léonaises de défense des droits[1] ont envoyée au président Koroma.

En décembre 2015, le Parlement sierra-léonais a adopté à une écrasante majorité la Loi de 2015 relative à l’avortement sans risque, qui permet l’accès à l’avortement pendant les 12 premières semaines de la grossesse, après lesquelles il est encore possible jusqu’à la 24semaine de grossesse en cas de viol, d’inceste ou de risque pour la santé du fœtus ou de la femme ou fille.

La législation actuelle de la Sierra Leone, qui remonte à 1861, sanctionne pénalement l’avortement, sauf dans certains cas où la vie de la mère est en danger.

Le fait de garantir aux femmes l'accès à un avortement légal et sans risque contribuera grandement au respect de leur droit à la santé, et aidera à empêcher des décès évitables.

Sarah Taylor, défenseure des droits des femmes à Human Rights Watch

« Les femmes et les filles qui répondent aux conditions nécessaires pour obtenir un avortement légal ne peuvent elles-mêmes parfois pas trouver un centre de santé qui pratiquera l’interruption de grossesse, a déclaré Sarah Taylor, qui défend les droits des femmes à Human Rights Watch.

Le fait de garantir aux femmes l’accès à un avortement légal et sans risque contribuera grandement au respect de leur droit à la santé, et aidera à empêcher des décès évitables. »

La Sierra Leone présente l’un des pires taux de mortalité maternelle au monde, avec 1 360 morts pour 100 000 naissances d’enfants vivants pour l’année 2015.

« Les avortements pratiqués dans des conditions dangereuses – qui résultent souvent d’une législation restrictive et d’un accès insuffisant à des services de santé sexuelle et reproductive ainsi qu’à des informations et à une éducation insuffisantes sur ces questions – sont l’une des principales causes de la mortalité maternelle », a déclaré Aisha Fofana Ibrahim, présidente de 50/50, une organisation sierra-léonaise de la société civile.

La nouvelle loi permettrait aussi aux filles âgées de moins de 18 ans d’avoir accès à l’avortement sans avoir besoin d’obtenir l’autorisation d’un tuteur. De manière générale, en ce qui concerne les filles âgées de 15 à 19 ans, du fait de leur jeune âge et de leur immaturité, les complications survenant au cours de la grossesse et de l’accouchement constituent les principales causes de mortalité. Les filles ont souvent moins accès aux informations sur la santé sexuelle et reproductive et aux moyens de contraception qui pourraient les aider à éviter une grossesse non planifiée. Les adolescentes sont fortement exposées au risque de subir des violences sexuelles, par exemple dans le cadre du mariage d’enfants.

Le droit international relatif aux droits humains indique clairement que l’avortement doit être accessible pour toutes les femmes et filles au minimum en cas de viol ou d’inceste, en cas de danger pour la santé de la femme ou de la fille, et en cas de malformation grave ou mortelle du fœtus. Les femmes et les filles qui cherchent à obtenir un avortement ne devraient pas être sanctionnées.

La législation de la Sierra Leone sur l'avortement, qui date de l'époque coloniale, ne répond pas aux besoins des femmes et des filles.

Sabrina Mahtani, chercheuse sur l'Afrique de l'Ouest à Amnesty International

Le Comité des droits de l’enfant de l’ONU a de plus recommandé que les gouvernements veillent à ce que les enfants aient accès de façon confidentielle à une assistance et des conseils médicaux sans que soit nécessaire le consentement des parents, y compris pour l’accès à des services de santé reproductive, et ce dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Il a en particulier demandé que les adolescentes aient accès de façon confidentielle à un avortement légal.

« La législation de la Sierra Leone sur l’avortement, qui date de l’époque coloniale, ne répond pas aux besoins des femmes et des filles, a déclaré Sabrina Mahtani, chercheuse sur l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

« En promulguant cette nouvelle loi marquante, le président Koroma permettra aux Sierra-Léonais de faire des choix en matière de soins de santé qui respecteront les droits des femmes et des filles et sauveront des vies. »

SIGNATAIRES

• Human Right Watch

• Amnesty International

• 50/50

• AdvocAid,

• Centre for Accountability and Rule of Law,

• IPAS Sierra Leone,

• Wi Di Uman Dem Coalition