Angola. Quatrième semaine d’un procès de plusieurs militants qui met à mal l’indépendance de la justice

L’exclusion de membres de la famille, des médias, de représentants diplomatiques, d’observateurs indépendants et du grand public fait du procès de 17 militants une parodie de justice et remet en question l’indépendance du pouvoir judiciaire en Angola, a déclaré Amnesty International mardi 8 décembre alors que la quatrième semaine d’audience venait de débuter.

Le procès de ces militants, dont 15 ont été arrêtés et placés en détention alors qu’ils participaient à une réunion organisée en juin à Luanda sur des questions de politique et de gouvernance, a bafoué de nombreuses normes d’équité reconnues par le droit international. La plupart des observateurs n’ont pas pu entrer dans la salle d’audience, et ceux qui y ont été autorisés ont été privés d’eau, n’ont eu droit à aucune pause pour aller aux toilettes et ont été obligés de rester debout pendant de longs moments.

« Le droit à un procès public est l’une des garanties fondamentales d’un procès équitable et le fait d’exclure plusieurs observateurs de la salle d’audience sans justification constitue une violation du droit international relatif aux droits humains, a déclaré Muleya Mwananyanda, directrice adjointe du programme Afrique australe à Amnesty International.

« Ces militants, détenus depuis plus de cinq mois pour des charges controuvées, ont non seulement été privés de liberté injustement mais se sont aussi retrouvés face à un tribunal fantoche, qui méprise les principes du droit et de la justice. »

Ces militants, détenus depuis plus de cinq mois pour des charges controuvées, ont non seulement été privés de liberté injustement mais se sont aussi retrouvés face à un tribunal fantoche, qui méprise les principes du droit et de la justice.

Muleya Mwananyanda, directrice adjointe du programme Afrique australe à Amnesty International.

La procédure est laborieuse : pour l’instant, seules huit des 17 audiences prévues ont eu lieu. Curieusement, le tribunal a passé plusieurs jours à lire les quelque 200 pages d’un manuscrit rédigé par l’un des prévenus, Domingos da Cruz. Dans Tools to Destroy a Dictatorship and Avoiding a New Dictatorship – Political Philosophy for the Liberation of Angola, celui-ci décrit les mécanismes de la résistance pacifique. Rappelons que les autorités angolaises sont tenues de mener la procédure à terme sans retard indu.

Amnesty International demande que le procès soit annulé et que les 17 militants soient libérés immédiatement et sans condition car ils sont détenus uniquement pour avoir exercé sans violence leurs droits aux libertés d’expression et de réunion pacifique. L’organisation les considère comme des prisonniers d’opinion et estime que leur incarcération est arbitraire.

Des observateurs et d’autres personnes ont le droit « d’assister aux audiences, procédures et procès publics », tel qu’indiqué non seulement dans la Déclaration sur les défenseurs des droits de l’homme mais aussi dans les Directives et principes sur le droit à un procès équitable et à l’assistance judiciaire en Afrique. Le droit à un procès public, notamment la possibilité pour des observateurs d’assister aux audiences, est un élément important du droit à un procès équitable, garanti par la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels l’Angola est partie.

Le droit à un procès public est l’une des garanties fondamentales d’un procès équitable.

Muleya Mwananyanda

« Ce procès était l’occasion pour le pouvoir judiciaire angolais de démontrer son indépendance et de mettre fin à une injustice en annulant la procédure, a déclaré Muleya Mwananyanda.

« Malheureusement, il n’a pas agi en ce sens et n’a fait qu’aggraver les violations des droits humains infligées à des manifestants pacifiques qui n’auraient jamais dû se retrouver derrière les barreaux. »

Complément d’information

Le procès des 17 militants s’est ouvert le 16 novembre 2015.

Le 16 septembre, ils avaient été inculpés de préparation d’une rébellion et de tentative de coup d’État contre le président.

Quinze d’entre eux avaient été arrêtés et placés en détention par les forces de sécurité angolaises entre les 20 et 24 juin à Luanda, après avoir participé à une réunion pour débattre de préoccupations liées à la politique et à la gouvernance.

Ils encourent, pour chaque chef, trois ans d’emprisonnement ou une amende correspondante. Deux autres personnes, qui n’ont pas été placées en détention, ont été inculpées dans la même affaire.

Les avocats de la défense ont déposé une plainte pour coups et blessures devant le tribunal car deux de leurs clients affirmaient avoir été battus par des policiers dans une pièce non accessible au public au sein du palais de justice. Les autorités n’ont pas diligenté d’enquête sur ces allégations de torture et autre mauvais traitements.

Dans une affaire similaire, le Comité des droits de l’homme a estimé qu’il y avait eu violation du droit à un procès public et équitable car les audiences s’étaient déroulées dans une salle trop petite pour accueillir les personnes intéressées [CDH : Marinich c. Bélarus, UN Doc. CCPR/C/99/D/1502/2006 (2010), §10.5].

Le 7 décembre, 14 des prévenus ont adressé une lettre ouverte au président José Eduardo dos Santos dans laquelle ils indiquaient que, si les audiences n’étaient pas achevées à la fin de la semaine, ils refuseraient de se présenter au tribunal et entameraient collectivement une grève de la faim.