Angola. La répression des droits humains éclipse la commémoration de l’indépendance

Le durcissement de la politique du président José Eduardo dos Santos à l’égard de la liberté d’expression, et le climat de crainte et de répression entretenu par son régime depuis des dizaines d’années marqueront d’une empreinte indélébile le 40e anniversaire de l’indépendance de l’Angola, a déclaré Amnesty International mercredi 11 novembre.

Alors que des dignitaires locaux et des dirigeants étrangers se réunissent à Luanda, la capitale, pour commémorer quatre décennies d’indépendance, au moins 16 militants croupissent dans les prisons angolaises.

« Quarante ans après l’indépendance, de nombreux Angolais ont encore un long chemin à parcourir avant de prendre conscience de leurs libertés fondamentales. Les personnes qui expriment des opinions différentes de celles du régime sont soumises à un traitement brutal. Au nom de l’indépendance, les citoyens doivent aussi être autorisés à s’exprimer librement, a déclaré Muleya Mwananyanda, directrice adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique australe.

Quarante ans après l’indépendance, les personnes qui expriment des opinions différentes de celles du régime sont soumises à un traitement brutal.

Muleya Mwananyanda, directrice adjointe d’Amnesty International pour l’Afrique australe.

« Des défenseurs des droits humains souffrent derrière les barreaux alors qu’ils n’ont fait que demander des comptes et le respect des droits humains. L’État s’appuie sur la police et l’appareil judiciaire pour instaurer un climat de peur et faire taire les voix dissidentes. »

Les personnes ayant critiqué le régime du président José Eduardo dos Santos ces dernières années ont été victimes d’exécutions extrajudiciaires, de disparitions forcées, d’arrestations arbitraires et d’actes de torture imputables aux forces de sécurité.

Les autorités continuent d’avoir recours à des mesures de répression, notamment à des arrestations et des détentions arbitraires, à la politisation du système judiciaire et à d’autres actes de harcèlement ou manœuvres d’intimidation pour réprimer la liberté d’association, de réunion pacifique et d’expression.

Dans le cadre d’une affaire tristement célèbre, 15 militants sont incarcérés depuis juin 2015. Ils ont été arrêtés à Luanda à la suite d’une réunion portant sur des questions de gouvernance. L’un d’eux, Luaty Beirão, a observé une grève de la faim pendant 36 jours pour protester contre sa détention arbitraire.

Tous ont été inculpés le 16 septembre mais leurs avocats n’en ont été informés officiellement que le 30 septembre. Ces militants ont donc été maintenus en détention provisoire sans inculpation au-delà des 90 jours qu’autorise la loi. Ils ont été placés à l’isolement pendant plusieurs jours et auraient été victimes de mauvais traitements. Accusés d’avoir fomenté « une rébellion et une tentative de coup d’État » contre le président, ils doivent comparaître le 16 novembre 2015.

Dans une autre affaire, le tribunal provincial de Cabinda a condamné le défenseur des droits humains José Marcos Mavungo à six ans d’emprisonnement pour « rébellion » le 14 septembre 2015. Cet homme avait été arrêté le 14 mars 2015 pour avoir participé à l’organisation d’une manifestation pacifique contre la mauvaise gouvernance dans la province.

Amnesty International considère les 16 militants susmentionnés comme des prisonniers d’opinion, que les autorités doivent donc libérer immédiatement et sans condition.

Le 28 mai 2015, le tribunal provincial de Luanda a déclaré le journaliste et défenseur des droits humains Rafael Marques de Morais coupable de « dénonciation calomnieuse » à l’encontre de 12 personnes, dont des militaires. Cet homme a été jugé à la suite de la publication de son livre, Blood Diamonds, dans lequel il alléguait que plusieurs généraux et deux entreprises minières étaient complices d’atteintes aux droits humains commises dans les mines de diamants de la province de Luanda. Il a été condamné à 15 jours d’emprisonnement pour chaque chef, soit six mois au total, assortis d’un sursis de deux ans.

« La situation des droits humains en Angola régresse dangereusement. Le droit des citoyens à la liberté d’expression et de réunion pacifique est confisqué par un État déterminé à écraser la dissidence. Or, il n’y a pas d’indépendance sans liberté, a déclaré Muleya Mwananyanda.

La situation des droits humains en Angola régresse dangereusement. Le droit des citoyens à la liberté d’expression et de réunion pacifique est confisqué par un État déterminé à écraser la dissidence. Or, il n’y a pas d’indépendance sans liberté.

Muleya Mwananyanda

« L’Angola est tenu de protéger les droits humains inscrits dans sa Constitution ainsi que dans les traités régionaux et internationaux qu’il a signés. Les autorités ne doivent pas bafouer les droits humains des citoyens en toute impunité. »

Complément d’information

L’Angola a obtenu son indépendance en 1975 à l’issue d’une guerre contre le Portugal. Agostinho Neto est alors devenu le premier président de la République après avoir dirigé le Mouvement populaire de libération de l’Angola (MPLA). Amnesty International l’avait adopté comme prisonnier d’opinion.

Le président en exercice, José Eduardo dos Santos, dirige l’Angola depuis 36 ans sous la bannière du MPLA.