Botswana. La suspension de plusieurs juges pourrait menacer la liberté d’expression et l’indépendance de la justice

 Afin de préserver l’indépendance de la justice, les autorités du Botswana doivent lever la suspension de quatre magistrats de la Haute Cour injustement pris pour cible, ont déclaré Amnesty International et l’Ordre des avocats de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC), après que la Haute Cour a pris la décision de ne pas les réintégrer mardi 6 octobre.

Ces juges, Key Dingake, Mercy Thebe, Rainer Busanang et Modiri Letsididi, ont été suspendus le 28 août 2015 au titre de la section 97 de la Constitution du Botswana ; il leur est reproché d’avoir commis une faute professionnelle et jeté le discrédit sur la justice. Cela a fait suite à une pétition signée par 12 juges, dont les quatre ayant été suspendus, demandant la destitution du président de la Cour suprême, Maruping Dibotelo.   

« La suspension de ces quatre juges en raison d’une pétition contre le président de la Cour suprême constitue une grave atteinte à leur liberté d’expression et une grave menace à l’indépendance judiciaire au Botswana », a déclaré Deprose Muchena, directeur du bureau d’Amnesty International pour l’Afrique australe.

La suspension de ces quatre juges en raison d’une pétition contre le président de la Cour suprême constitue une grave atteinte à leur liberté d'expression et une grave menace à l’indépendance judiciaire au Botswana.

Deprose Muchena, directeur du bureau d’Amnesty International pour l’Afrique australe

« Il semble que les juges ont été suspendus parce qu’ils ont critiqué le président de la Cour suprême. Si tel est le cas, il s’agit clairement d’une violation de leur liberté d’expression qui compromet l’indépendance de la justice. »

Les quatre juges estiment avoir fait l’objet de cette action disciplinaire car ils étaient perçus comme les meneurs dans le cadre de la pétition contre le président de la Cour suprême.   

Amnesty International et l’ordre des avocats de la SADC demandent la réintégration immédiate des quatre juges.   

« Le président du Botswana est actuellement à la tête de la SADC, dont la présidence est tournante. Nous attendons donc beaucoup de ce pays, qui doit montrer l’exemple en respectant les droits humains et l’état de droit au sein de la Communauté de développement de l’Afrique australe pendant cette période », a déclaré Makanatsa Makonese, secrétaire exécutive de l’Ordre des avocats de la SADC.

Le président du Botswana est actuellement à la tête de la SADC, dont la présidence est tournante. Nous attendons donc beaucoup de ce pays, qui doit montrer l’exemple en respectant les droits humains et l’état de droit au sein de la Communauté de développement de l'Afrique australe pendant cette période.

Makanatsa Makonese, secrétaire exécutive de l’Ordre des avocats de la SADC.

« Cette affaire va bien au-delà d’une tentative de s’en prendre à quatre juges et de restreindre leur liberté d’expression. Elle risque de compromettre l’indépendance de la justice. »

Complément d’information

Les Principes fondamentaux des Nations unies relatifs à l’indépendance de la magistrature reconnaissent que les membres de l’appareil judiciaire peuvent exercer leur liberté d’expression, à la condition de « toujours se conduire de manière à préserver la dignité de leur charge et l’impartialité et l’indépendance de la magistrature » ; ils sont notamment « liés par le secret professionnel en ce qui concerne leurs délibérations et les informations confidentielles qu’ils obtiennent dans l’exercice de leurs fonctions autrement qu’en audience publique, et ne sont pas tenus de témoigner sur ces questions ».

Ian Khama, le président du Botswana, a suspendu les quatre juges le 28 août 2015 après qu’eux-mêmes et huit collègues ont écrit au président de la Cour suprême, Maruping Dibotelo, une lettre déplorant les mauvaises conditions de fonctionnement de l’appareil judiciaire.

Dans cette même lettre, les 12 juges ont par ailleurs collectivement critiqué le comportement du président de la Cour suprême et contesté sa capacité à assurer ses fonctions.   

Le président Ian Khama, sur les conseils de la Commission des services judiciaires, a alors accusé les quatre juges de « mauvaise conduite » et décidé de les suspendre.